Chapitre 6 - Khepri : mutation, changement

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À la maison, des réprimandes corsées l'attendaient.

Rafe la déposa puis repartit au Temple. Une fois qu'elle serait une membre reconnue du clan, il ne pourrait plus la couvrir. Il l'avait prévenue dans la voiture. Elle affronta seule l'ire de son père.

Blessée ou non, son père ne comptait pas l'épargner. Participer à une bagarre devant les tombeaux restai tune faute inexcusable, qu'on la commence ou qu'on la termine.

Ravaler sa fierté face à l'injustice de l'affaire n'en fut pas plus facile.Qu'importe ce qu'elle dirait. Personne ne gagnait contre les lois. Cette injustice affermit sa résolution en silence. Si Typhenn devait être coupable, elle le serait pour une raison valable. Elle ne pouvait plus tourner en rond. Elle n'attendrait plus comme son oncle et sa tante, bien au chaud. Si Rafe ne voulait pas d'elle, Typhenn se débrouillerait. Elle trouverait son témoin, seule.

Typhenn n'écouta pas la fin du sermon. Elle s'enferma dans le sous-sol, claquant la porte au nez de son père.Son sang de veilleur lui montait à la tête et elle ne connaissait qu'un moyen de détendre toute la tension accumulée.

Parfois, tenir le masque exigeait tellement d'effort. Plus encore lorsqu'elle devait convaincre ses proches de ses capacités. Typhenn ne savait plus qui elle essayait de rassurer, elle ou les autres ? Dans ces moments, elle décompressait en vidant ses doutes sur un sac de sable.

Typhenn remonta deux heures plus tard, en nage, enfin calme.

Lise la croisa dans l'escalier alors qu'elle sortait de son bain, une serviette enroulée sur la tête. Un nuage de vapeur flottait derrière elle. Sa tante lui précisa qu'une assiette l'attendait dans la cuisine. Elle s'excusa d'avoir peut-être utilisé toute l'eau chaude, son dos avait grand besoin d'un bain. Typhenn hocha la tête, évitant de croiser son regard compatissant.

De fait, Typhenn se lava sous l'eau froide qui réveilla les nerfs de son poignet. Rafe l'avait pourtant prévenu de ne pas forcer. Au moins la salle de bain sentait encore les huiles essentielles. Elle emporta le flacon d'arnica dans sa chambre pour masser son poignet trop raide.

On frappa à sa porte, alors qu'elle essayait de déboucher le flacon avec les dents.

Son père attendait de l'autre côté, toujours dans les vêtements qui lui servaient à s'occuper du jardin. Il sentit l'odeur âpre de l'arnica et se proposa de lui masser le bras.

Ses ongles crottés de terre ressemblaient aux siens, noirs d'encre. Typhenn ferma les poings, trop fort. Le geste lui tira sur les tendons.

Elle acquiesça en silence. Ils s'installèrent sur son lit défait dans un silence gênant.

— J'ai retrouvé Rafe au temple. Il m'a assuré que ta révélation serait maintenue, dit-il en dévissant le bouchon doté de petites marques de dents.

Typhenn avait oublié le talent de son père pourchasser les contractures hors des muscles. Dès qu'il commença,son poignet se détendit sous ses mains devenues rêches à force d'arracher les mauvaises herbes et de manier la bêche.

— Pourquoi ? demanda-t-elle.

Elle ne comprenait pas ce qu'il l'avait fait changer d'avis alors que quelques heures plus tôt il lui faisait la morale, l'accusant de se comporter comme une petite égoïste et d'avoir souillé l'honneur de leur famille. Même Typhenn ne voyait pas comment on pouvait le salir plus que son état actuel.

Il observa le sachet toujours fermé sur la commode, la photo de sa femme, puis celle de sa fille qui attendait sa réponse, devant lui. La ressemblance qu'il voyait entre elles,celle que Typhenn refusait de reconnaître.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant