Le visiteur - part4

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L'averse chassait à l'intérieur et couvrait les chats, les ibis, les chacals et les scarabées d'encre d'une pluie d'étoiles blanches. De l'eau ruisselait des rideaux en grosses gouttes sur les calligraphies, ruinant les esquisses. Elle ne se souvenait pas d'avoir ouvert la fenêtre. Typhenn s'arrêta au milieu de sa chambre, interpellée par les feuilles sous la saillie.

Typhenn lâcha les clichés. Elle fit brusquement volte-face, saisit la main qui se tendait vers elle. D'une prise,l'homme tournoya et bascula sur le lit. Le kriss dissimulé sous l'oreiller apparut dans sa main, l'arme rituelle ondulée, qui ne servait pas à se défendre. Son akhamé étant perdu, elle s'en contenterait. Tout son poids porté sur ses articulations épinglait complètement l'intrus au matelas.

— Qu'est-ce que tu veux ? aboya-t-elle, la pression sur sa gorge valait tous les avertissements du monde, une simple torsion du poignet mettrait fin à son histoire si elle lui déplaisait.

La faible lumière du dehors dissimulait son visage dans le clair-obscur de la chambre, mais sa corpulence légère trahissait son jeune âge. Un adolescent qui jouait au petit malin, un rejeton Pridas sans doute. Leur benjamin de dix-sept ans devait passer l'épreuve dans deux ans. Les Pridas, une famille inconnue, d'une branche montante avec plus de sang humain que veilleurs dans les veines, prisait toujours la violence, comme pour se prouver autant veilleurs que les autres. Ils n'avaient hérité des veilleurs que leur tempérament belliqueux et leur attrait pour la violence. Leur impatience ne les rendait pas plus dignes de garder la tombe de leurs rois. Typhenn leur aurait volontiers conseillé la méditation si elle ne fonctionnait pas aussi mal sur elle.

— Parle ! aboya Typhenn. Elle jouait souvent la carte de l'intimidation pour donner une leçon aux jeunes veilleurs pétulants. Quand on arrivait à peine à l'épaule de ses adversaires de deux fois son poids, montrer les dents était un bon moyen de montrer qu'on pouvait mordre. Comme lui avait dit Titus, ignore les petits poissons et les crocodiles viendront festoyer.

— Discuter, je veux juste discuter, le garçon gigota un peu sous elle. Typhenn appuya sur le kriss. Il se figea un objet enroulé dans un tissu malodorant dans une main. Il est à toi, tu l'as perdu dans la rue.

Typhenn se redressa pour mieux le regarder. Parles ailes d'Isis, de quoi parlait-il ? L'avait-elle déjà rencontré ? À mieux le regarder, il n'avait pas la tignasse hirsute des Pridas.

— Je te l'aurais bien rendu avant, mais tu es difficile à trouver. Il posa le paquet sale sur le lit et tira sur le carré de tissu qui se déroula, révélant son akhamé.

Le souvenir percuta Typhenn si fort qu'elle recula, et rajusta son poids rapidement. Elle reconnut ses vêtements sales et informes. Elle les avait vus il y avait un peu plus de quinze jours dans une ruelle, sous la pluie. Elle tira d'un coup sec sur les fils des écouteurs turquoise qui dépassaient de sous sa capuche. Un cordon brûlé vint sans rien pour le retenir, l'autre oreillette, arrachée, ne tenait plus que par un fil de cuivre. Le gamin commença à remuer.

— Hey, doucement, ce sont les seuls que j'ai. Oh, oh... c'est bon, pas grave, concéda rapidement l'adolescent. Ses yeux roulèrent dans leurs orbites en sentant la pression s'accentuer, il renonça vite à se débattre.

Maintenant, il ne ressemblait en rien à un veilleur, encore moins à un rôdeur agressif.

— Tu n'es qu'un gamin des rues, un voleur ! Elle accentua la pression sur sa cage thoracique.

— Quoi ? Pas du tout. Oh oh, du calme. Je viens te rendre ce truc, juré, le garçon déglutit et s'étrangla avec sa salive. Il gémit et fit mine de la repousser, mais abandonna très vite l'idée. Il laissa ses mains visibles au-dessus de sa tête, lui montrant qu'il ne ferait rien. Puis, il ajouta rapidement sans reprendre son souffle. Sa tirade devint presque incompréhensible.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant