Démons - part3

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Ronan s'arrêta un instant devant la porte.

Il ne pouvait pas partager sa responsabilité. Tina partirait bêtement en croisade pour protéger sa famille. Il se chargerait de les retrouver pour elle. Il était sans doute le mieux placé pour les retrouver.

En voyant Ronan équipé de ses glaives et flèches, un groupe de petites têtes avides d'aventures l'assaillit de questions. Il regretta d'avoir donné rendez-vous à Yan devant la grande porte. La benjamine du haut de ses cinq ans, Odelle, se tenait un peu en retrait. Un ruban bleu retenait ses grosses boucles. Il la prit dans ses bras.

— Tu vas chasser les méchants qui font du bruit ? demanda la petite, à la fois intimidée et rayonnante de bonheur de se trouver si haut.

Machinalement, il lui retira l'oreille de son doudou de la bouche. Il n'y avait malheureusement plus rien à faire pour ce pauvre mouton.

— Non, plus loin. Nous allons chasser un démon dans le temple à côté du lac.

— C'est loin, approuva Odelle sans n'avoir jamais franchi le mur. Avec qui ? Merle ne peut pas partir, des choses frappent le mur. Elle glissa vers Merle un regard inquiet, attendant sa confirmation.

Les adolescents écoutaient discrètement, gardant leur distance. Ils ne disaient rien à voix haute, mais ils se doutaient de ce que Ronan traquait dans la forêt.

— Merle reste avec vous. C'est Yan qui va m'accompagner. Ronan indiqua Yan qui sortait, suivi de Tina. Ils s'arrêtèrent un instant, puis elle rentra sans un regard en arrière. Ronan ne pouvait pas lui en vouloir. Il s'était comporté de la même façon avec elle, avec eux. Il reporta son attention surla petite et la déposa dans les bras de Merle.

Au début, le garçon se figea, maladroit, puis se détendit lorsque la petite se lova contre lui. Ronan libéra son bras du carquois et marcha à la rencontre de Yan qui affichait son grand sourire incertain.

Suivant les instructions de Ronan, Yan sangla le carquois d'empennes blanches à sa taille et se retient de passer l'arc par-dessus sa tête au risque de détendre la corde. Le poids des pointes de fer le prit par surprise. Il glissa l'akhamé à sa ceinture d'une main un peu tremblante. Tout son entrainement prenait une dimension soudain très réelle.

La petite gardait la main de Merle emprisonnée dans la sienne de peur qu'il parte avec eux. Ronan se retient de sourire en voyant le malaise du jeune druide. Lui aussi était un enfant. Pourtant, il ne savait pas comment se comporter avec eux ni comment s'en débarrasser. Odelle et les autres auraient pu les suivre jusqu'au portail sans l'intervention d'Isla et Gwenaëlle qui vinrent les chercher, toutes les deux avaient un panier d'osier vide sous le bras.

En se dirigeant vers le portail, Merle donnait des conseils de dernière minute à Ronan. Il l'écouta, bien qu'il savait déjà tout ce qu'il lui disait. Le garçon semblait s'attendre à ce que Ronan change d'avis et lui demande de les accompagner.

— Faites attention au vent et aux animaux.Ils sont toujours aux abois à l'approche de Saminos, finit Merle,l'air sombre, guettant les nuages et écoutant la forêt.

Ils arrivaient devant le portail. Merle ne pourrait pas les accompagner plus loin.

Comme souvent, le ciel gris tombait sur les terres, absorbant la forêt dans un voile nuageux. À l'orée de la vie sauvage, contrairement à la ville où le sol et l'air empestaient et les nuages crachaient des pluies acides, Ronan trouvait les tourments du ciel apaisants, comme s'il courbait l'échine pour les réconforter dans une étrange étreinte protectrice.

— Je demanderai à Altin de te prendre avec lui lorsqu'il ira en forêt le mois prochain. Orlène n'y verra pas d'objection, j'en suis sûre.

Le visage du garçon s'éclaira en entendant sa promesse. Puis, l'attention de Ronan glissa vers le bâtiment principal, vers où Yan ne cessait de se retourner. Il serra les dents. Que pouvait lui avoir dit Tina pour que Yan en vienne à se méfier de son prochain coup ?

— Napoléon et moi ne la quitterons pas des yeux, lui promit le garçon druide en devinant ses pensées. Son sourire creusait ses yeux.

—  Une surveillance approfondie ne serait pas du luxe, approuva Ronan avec un grognement en se détournant du fort. Les catastrophes lui collent à la peau. J'ai le sentiment que ce sera pire si on la laisse sans surveillance. 

Son désarroi fit rire Merle, un son fragile et cristallin tranché par son sifflement. Répondant à l'appel, un corbeau albinos plana jusqu'à sa manche.

— Briséis. C'est une maligne. Elle saura vous protéger et au moindre problème, elle vous reconduira jusqu'ici, Merle voulut ajouter quelque chose, mais un jappement de plus en plus pressant retentit, traversant le pré depuis la pommeraie.

— Elle ne perd pas de temps, commenta Yan en observant Merle s'éloigner avec envie.

Ronan passait sous l'arche, il sentait la fraicheur de la forêt provenant de son ombre omniprésente. Le corbeau battit des ailes au-dessus de sa tête.

— Briséis ? Yan observa le corbeau albinos qui les attendait sur une branche. Il inclina la tête sur le côté, imitant l'oiseau qui le jugeait d'un œil perplexe.

Briséis croassa et changea de perchoir.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant