Au bout du val - part4

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Une porte s'ouvrit en grand, claquant contre le mur. Des morceaux de plâtre tombèrent en miette.

Un jeune homme déboula en catastrophe dans l'entrée. Ses réflexes brouillés par l'épuisement, Titus le maîtrisa en un battement de cils.

— Pas si vite, je t'ai traîné à travers la moitié du pays, c'est pas pour que tu nous fasses faux bon au moment crucial.

Les derniers rôdeurs s'écartaient à contrecœur au son claudicant d'une canne.

— Il a passé son examen avant toi, non ? glissa Yan, la mettant sur la piste.

Typhenn fut tellement surprise de voir surgir un vieil homme traînant une canne qu'elle ne reconnut pas directement le jeune homme amoché. Esteban Detire, celui à qui elle avait volé le plus grand jour de sa vie.

Elle avala sa salive avec difficulté, ne voulant pas penser à ce que cela pouvait signifier. Les jumelles Vaugren étaient chargées de le protéger. Le temps glissait sous ses pieds,réduisant ses mouvements à chaque grain de sable qui tombait. Il manquait plus qu'ils les enchaînent au billot et les sacrifient à la chaîne.

Le dernier des Léodic s'avança entre les guerriers, sa canne à l'embout de fer martelait le carrelage. Il s'arrêta à hauteur d'Esteban, le considérant avec mécontentement. Il assura ses appuis et lui offrit un coup de canne dans les tripes.

Par réflexe, Typhenn recula lorsqu'il se tourna vers eux. Ses yeux vitreux glissèrent sur la salle comme s'il ne voyait personne d'importance, jusqu'à s'arrêter sur Rafe.

— Tu es rentré. Bien, qu'on en finisse. Je commence à me lasser de ce jeune idiot. Depuis que Landier me l'a amené, il n'arrête pas de pleurer. Une honte, voilà ce qu'il est. Je souffre à la place de nos ancêtres rien qu'en le regardant. On se demande ce qu'est devenue la fierté des serviteurs de Per-aâ. Ah, il n'appellerait certainement pas ça Pat. L'ancien accompagna sa dernière tirade d'un autre coup de canne.

Nez cassé et un deuxième homme, qui devait faire parti de la garde personnelle de leur chef, soulevèrent Esteban toujours plié en deux. Il se laissa traîner sans leur opposer de résistance. Typhenn crut l'entendre sangloter.

— Tu devrais te dépêcher de remercier Landier. Il tient une grosse part de responsabilité dans notre succès, conseilla Léodic, puis il s'en retourna d'où il venait en claudiquant.

— Nous nous sommes déjà entretenus, précisa Rafe, d'un air coincé.

Landier inclina la tête, confirmant en silence.Le vieux veilleur refusait de regarder dans sa direction, ce qui semblait beaucoup amuser le rôdeur.

Alors que Rafe suivait lentement Léodic dans une pièce attendant, Landier se rapprocha d'elle. Typhenn était tellement certaine qu'il planterait un akhamé dans son dos,qu'elle dut ordonner à son corps de ne pas bouger.

— Il est temps de te préparer. Je te conseillerai d'adresser une dernière parole à tes dieux, lui confia-t-il si près que l'odeur de détergeant et de peinture lui piqua le nez.

— Que lui avez-vous fait ? demanda Typhenn au chef des rôdeurs. Elle ne dissimula en rien le dégoût que cet homme lui inspirait. Aussitôt ses paroles prononcées, elle se demanda si elle n'allait pas les payer.

— Rien. Je ne lui ai rien promis. Je ne l'ai pas menacé, lui sourit Landier. Il s'est présenté à ma porte. Vois-tu, le corps n'est qu'une enveloppe, là où je me salis les mains, d'autres salissent leurs âmes.

Il plaça une main dans son dos, l'incitant doucement à s'engager dans le corridor étroit ouvert de fenêtres minuscules.

Lorsqu'elle entra dans ce qui devait être un petit bureau, des gouttes de sueur perlaient du front d'Esteban qui réagit comme un ressort. Il chercha l'aide de Rafe, et même la sienne.

— Typhenn, c'est pour te venger de ce que j'ai fait ? Non, je sais ! Tu veux coincer les rôdeurs, leur tendre un piège ! Je peux t'aider. Tu sais, je suis entré dans le clan. Moi aussi je sers les vénérables ! Ne les laisse pas me faire de mal, pitié.

Finalement, il pouvait se montrer cordial sans employer le surnom dont il raffolait. Elle aurait pu en rire, si la situation ne lui échappait pas autant.

Rafe le repoussa lentement, son dégoût blessa le jeune veilleur. Esteban gémit, mais n'osa rien ajouter pour plaider sa cause.

Le vieux l'obligea à s'assoir, avec étonnamment de force pour son grand âge.

— Alors, tu l'as entendu déverser ses boniments. Il adore expliquer comment ils ont mis la main sur ce garçon et ce que cela lui a coûté. Son espèce réclame toujours quelque chose en retour, sois-en certain,affirma Léodic, comme si Landier ne les observait pas depuis un coin sombre de la pièce.

— Notre accord ne nous engage à rien de plus. Je ne fais qu'offrir un soutien et une couverture en cas de besoin. Autrement dit, nous profitons du voyage, rien de plus, assura Landier, ignorant les radotages. Si près du but, il serait dommage de nous dévorer. Je vais donc vous laisser discuter, en famille. Ses paroles prononcées sur un ton de plaisanterie avaient un goût acide. Ne tardez pas trop, qui sait ce que l'avenir nous réserve.

Il se retira, avec les manières parfaites d'un gentilhomme couvert de plâtre. Il fit signe de mener Esteban dans la salle. L'homme au nez cassé s'en chargea. Il adressa un clin d'œil à Typhenn au passage.

Léodic attendit qu'ils soient tous partis pour reprendre ses sifflements.

— Ces gens sont sournois, en particulier ce Landier, mais il n'a pas tort.Plus vite on en aura fini, mieux ce sera pour tout le monde.

Rafe hésita un long moment durant lequel personne ne brisa le silence, puis il referma la porte derrière lui, étouffant les suppliques d'Esteban.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant