Ce n'était pas Ronan. Il n'avait qu'un akhamé normal à la main et un kepesh glissé à la ceinture.L'espace d'un instant, Typhenn crut que ses yeux lui jouaient des tours.
— Rafe, souffla Typhenn, à peine audible.
Il ne pouvait pas être là, devant elle.Pourtant, cet homme ne pouvait pas être un autre. Rafe fit un pas vers elle et s'arrêta. Elle lut la peur sur son visage avant qu'il ne l'exprime.
— Tina, derrière toi !
Typhenn oublia une seconde que sa robe blanche servait de cible facile aux rôdeurs, sans son cousin, elle n'aurait pas vu la lame filer vers sa tête. Elle l'évita de justesse. Le coup suivant la cueillit dans l'estomac. Un coude l'envoya au sol. Le temps qu'elle recouvre son souffle et crache la terre qui emplissait sa bouche, le rôdeur roula à côté d'elle. Il ne bougeait plus.
Rafe lui tendit une main sale striée de lignes rouges.
— Rafe, qu'est-ce que tu...
La terre gronda, craqua, comme assaillie par desserres qui grattaient ses fondements de roche. Un mur de ronces jaillit hors du sol. Des pointes de la taille d'aiguilles accrochaient leurs vêtements et leur peau.
Typhenn recula, poussant toujours plus sur ses jambes, donnant des coups de pied pour se dégager des ronces. Son dos buta contre les jambes de Merle. Une branche séchée dans sa main s'effondrait en morceaux calcinés. Du sang gouttait de sa paume. Elle s'écarta. Des choses poussaient sur les cendres à ses pieds.
On appelait Typhenn derrière le mur d'épines.Elle n'osa pas répondre, un druide pouvait l'entendre.
Merle chavira.
Yan apparut à son côté, il le souleva en passant un bras sous son autre épaule avant qu'il ne s'effondre sur elle. Du sang coulait de sa tempe et l'obligeait à fermer un œil.
— On doit partir.
Typhenn, encore étourdie, prit un instant de trop pour se reprendre.
— Typhenn ? la pressa-t-il, Merle ne peut pas rester ici.
— Oui,elle ne reconnut pas sa voix rendue rauque.
Typhenn se permit un dernier coup d'œil vers le mur végétal. La voix de Rafe résonnait toujours à l'état de mirage. Elle ne l'avait pas rêvé, n'est-ce pas ? Peu importait ce que disait cette voix. Rafe devrait attendre. Ronan aussi.
Dans le chaos des luttes, Typhenn taillait une voie à coups d'akhamé. Oubliant la fatigue, elle écartait les rôdeurs ou soutenait Merle pour avancer plus vite. Elle ne se souvenait pas s'être enfoncée si loin dans le temple à la poursuite de Ronan.
Sous les bois, ils allèrent plus vite, moitié courants, moitié boitant. Forcer Merle à rester conscient aurait pu rendre Yan malade s'il n'y avait les portes djet à franchir hors des sentiers balisés. Le jeune druide était le seul des trois à pouvoir les repérer. Ils se cachaient dans un trou, sous des racines, ou entre des buissons, faisant des pauses de plus en plus longues. Merle se trouvait trop loin du fort pour recouvrer rapidement ses forces. Ils devaient se cacher en permanence, car le plus simple effort l'épuisait.
Les portes djet les encerclaient et les protégeaient, mais ils ne pourraient pas en sortir sans un guide.
Yan osa dire à Typhenn, tournée vers le temple,entre deux quintes de toux :
— On ne peut pas retourner là-bas !
Le chemin était plus simple, il suffisait de suivre les arbres marqués. De plus seule, elle pourrait attaquer tous ceux qui croiseraient sa route sans s'inquiéter de la sécurité des garçons.
— Ronan est toujours là-bas, elle le sentait. Rafe aussi, ajouta-t-elle plus bas, le suppliant en silence. Il pouvait comprendre son besoin de retourner sur ses pas. Que ferait-il s'il revoyait un membre de sa famille vivant ?
— Quoi ? Yan en resta interdit. Que foutrait-il là-bas ? Tu as dû le confondre avec un autre.
— C'était lui, je n'ai pas pu me tromper.
Un long silence les sépara.
— OK, il les ralentissait sûrement, tenta Yan sans conviction.
Elle savait ce qu'il pensait vraiment. Il se trompait. Rafe venait s'occuper du traître. Rafe avait compris depuis qu'il avait entendu la voix de Ronan au cimetière. Il avait gardé ses soupçons pour la protéger. Maintenant, elle devait l'aider à son tour.
— On ne peut pas les laisser là-bas, insista Typhenn tout bas. Des ombres et des bruits étranges secouaient la forêt. La mort rôdait, prête à déchiqueter le premier imprudent.
— Ronan est un chasseur accompli, il est capable de s'occuper de lui-même, dit Merle. Il avait repris conscience. Ils ne l'avaient pas entendu les rejoindre dans leur dos. Je dois retourner au fort. Tous les druides se réfugieront là-bas. On doit le défendre.
Typhenn avait une grosse envie de le secouer. Que pouvait faire un gamin seul ? Elle ne pourrait pas les protéger tous les deux.
Des chiens aboyaient. Un frisson glacé dressa les cheveux dans son cou. Ils communiquaient et se répondaient à travers la forêt.
— Tu n'es pas en état. Tu entends ce bruit ? Les chiens d'Anupet sont partout. Ils nous traqueront jusqu'au fort, s'énerva Typhenn. Y courir maintenant serait du suicide. Autant se jeter entre les crocs de Seth. Elle oublia de baisser le ton, jusqu'à ce que Yan se crispe et observe autour de lui avec frénésie.
Ils ne pouvaient pas attendre que le druide se repose. Elle ne voyait qu'une progression lente et difficile et rejoindre un autre groupe attirerait dangereusement l'attention.
Merle, à bout de force, ferma les yeux. Il baissa la tête, impuissant.
— Il le faut. Une ombre est au-dessus des colonnes. Elle se déplace.
Il était si faible que son acharnement faisait pitié.
Les hurlements des chiens et d'autres animaux rendaient leur partie de cache-cache plus plaisante encore entre les portes djet. Ce qui, d'après le garçon, les rendait momentanément invisibles.
Un groupe de rôdeurs se fit aspirer dans une porte en essayant de les prendre en chasse. Ils ressortirent plus loin, en plusieurs morceaux, à peine vivants.
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La porte d'Aker
FantasiDeux millénaires d'absence n'ont pas amoindri leur loyauté. Tous sont prêts à sacrifier leurs vies pour un seul être : Pharaon. Malgré son obstination, les aînés de Typhenn lui refusent sa place parmi les gardiens du roi disparu. Et les dieux n'ont...