La flèche du traître - part2

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Le verrou résonna dans les tunnels suivis du cliquetis impatient des chaînes qui se joignit au son de leurs pas sur les marches de métal.

—  On peut y aller ? demanda la voix de Titus, ses yeux habitués à la faible clarté de la cellule se plissèrent sur Yan. Il le jaugeait de la tête aux pieds.

Typhenn se mordit la joue en glissant la clef dans les fers. Conduire Yan jusqu'ici pouvait ne pas être une si bonne idée.

Titus se releva. Il se massa les poignets sans cesser de scruter l'adolescent.

— C'est Yan, il va nous aider. Elle trouverait le bon moment pour se débarrasser de lui sans lui faire de mal, se promit-elle.

— J'espère que Yan pourra suivre.

Titus sortit le premier, ne se souciant pas de l'obscurité totale du tunnel.

Yan se pencha avec un murmure contrarié.

— Désolé de le formuler comme ça, mais...Ce psychopathe a vraiment besoin de nous ? J'ai bien cru qu'il m'aurait tué s'il avait pu me foudroyer sur place.

Typhenn secoua la tête, son cousin se montrait simplement méfiant envers les inconnus.

— Non, nous avons besoin de lui,souligna-t-elle.

—  Bien sûr, fit Yan un peu dubitatif. Il va nous conduire droit dans l'antre du loup. Mais, Typhenn, je continue de penser qu'on devrait prévenir Ronan, lui laisser un mot histoire de l'informer pourquoi on libère son prisonnier.

—  Si tu n'approuves pas, reste ici et assure-toi de tenir ta langue, conclut-elle en s'élançant à la suite de son cousin. Elle dut allonger le pas pour le rattraper à la porte des cachots.

Malgré sa rebuffade, Yan s'obstina à la suivre. Elle le laissa faire, alors même qu'elle devrait, pour son bien, l'abandonner inconscient dans les galeries.

Les druides croyaient à tort Titus leur prisonnier. Titus était là, car, Rafe le voulait à l'intérieur. Dans le cas contraire, Titus ne l'aurait pas suivit désarmé.L'attaque avait été un lancer de dés, qui visait à les appâter avec un prisonnier de choix. Elle aussi avait cru à l'échec d'une tentative d'enlèvement. À présent elle voyait au-delà. Elle comprenait que l'orgueil à vif des druides les poussait à se jeter sur la vengeance comme un banc de piranhas sur un morceau de viande. Tellement affamés, qu'ils oubliaient le deuxième Alexandre qui se promenait librement dans les couloirs du fort. Tous sauf Ronan, d'ailleurs son absence l'inquiétait. Elle s'attendait à le trouver en travers de sa route. Il devait être occupé à préparer le terrain pour résister à une seconde attaque. Après tout, où pouvait-elle aller sans être vu ? Les druides possédaient des milliers d'yeux et d'oreilles qui l'épiaient jour et nuit.

Typhenn rabattit sa capuche avant de quitter le tunnel à la suite de son cousin.

Nous avons besoin de toi. N'était-ce pas ce qu'elle avait toujours voulu ?

Les paroles de Titus faisaient échos à celles prononcées par Rafe dans le temple. Elle les avait prises pour une illusion auditive dans la clameur des combats. À présent, elle ne pouvait plus les ignorer. Rafe savait que la curiosité la pousserait à chercher des réponses. Ce qui voulait dire aider Titus à s'échapper.

Un sentiment d'urgence l'animait. Elle pouvait sentir le temps s'égrainer sous ses pieds, emportés par le ressac. Ronan ne tarderait pas à réaliser qu'elle venait d'endosser le rôle de la taupe sur un coup de tête.

Ils durent s'arrêter dans l'ombre des bâtiments. Un petit groupe de druides, assez pour donner l'alerte,continuait leurs lamentations marchant de tombe en tombe sans logique apparente au gré des balancements d'un encensoir. Des mottes d'herbes et de fleurs sauvages avaient poussé partout dans le pré.Des racines épaisses et d'un blanc d'os enserraient les fragments des pierres tombales comme des filets.

Ils arrivèrent à la relève de la veille. Les deux groupes présents semblaient vouloir s'éterniser.

L'aube se lèverait dans un peu plus de deux heures. S'il forçait le passage, le gardien ne tarderait pas à accourir. Typhenn savait, mieux que quiconque, qu'il valait mieux avoir le jeune druide pour couvrir ses arrières que d'avoir à l'affronter.

Elle tira un coup sec sur la manche de Titus, lui indiquant la direction opposée.

Typhenn réduit la lampe au minimum, laissant à peine assez de flamme sous le pan de son manteau pour distinguer les pierres qui délimitaient le cercle de fées entre les herbes hautes.

Elle les mena sur le chemin qu'ils avaient emprunté plus tôt pour éviter la cour principale. Il fut facile à retrouver. Ils pouvaient suivre la piste des lambeaux de sa robe blanche restés accrochés aux ronces. Devant la haie, elle écarta les buissons révélant la seconde porte cachée. Loin d'égaler les lamentations qui les suivirent au-delà du mur, le bourdonnement des fées se réduisait à un vrombissement d'abeilles à l'arrière du crâne.

Le bruit de l'eau attira son attention vers les buissons.

Typhenn s'arrêta, intriguée. Elle n'en percevait pas plus la source que le chant des fées. L'écoulement d'un ruisseau venait de partout et de nulle part. À l'allée,elle n'avait pas pu s'attarder. Ronan la poussait dans le dos dès qu'elle avait le malheur de ralentir. Maintenant, elle pouvait clairement écouter la petite voix lui souffler d'aller plus en avant, d'en connaître l'origine.

Titus lui arracha soudain la lampe. La main sur le bouton, il arrêta son geste. Elle sut à l'inclinaison de sa tête qu'il tendait l'oreille. Lui aussi, venait de percevoir le son de l'eau et la voix qui l'accompagnait.

Dans sa main, la lampe à huile décrivit un arc lumineux et disparut dans les hautes fougères. Elle n'émit pas le moindre bruit en tombant à terre. Le chant se brisa. Une petite flamme jaune naquit sous les feuilles.

Typhenn se retourna vers les deux garçons.Battant des cils pour s'accommoder à la nuit. Elle ne distinguait plus que leurs deux ombres, petites comparées aux colonnes noires des troncs.

— Je ne pensais pas en trouver une si facilement, dit Titus. Il ajouta un commentaire inaudible, pour lui-même, puis il se tourna vers sa cousine, cherchant ses yeux. Ce que tu entends est un piège destiné aux voyageurs. Les galeries sous le fort s'étendent loin et profondément. Parfois, j'entendais l'écoulement de l'eau, d'autre fois, je l'entendais remuer au fond des cachots.

— Quoi ? demanda doucement Typhenn. Elle aurait dû se méfier d'un énième enchantement.

—  Le gardien puise l'énergie du sol pour maintenir le mur. Les morts constituent autant de sources d'énergie inopinées que bienvenues. D'un coup de tête, il désigna l'endroit sombre au-delà de l'huile qui brûlait sous les feuilles. L'antre de leur gardien doit avoir une ouverture près d'ici.

Ils avaient pu sortir, car les druides avaient baissé leur garde après l'attaque, trouvant un certain réconfort,un sentiment de sécurité dans la perte de leurs amis. Un grand mal pour un grand bien, la nature trouvait toujours un moyen de retordre l'équilibre dans son sens. Typhenn pensa à Isla qui nourrissait la terre et à Merle, le garçon à l'apparence fragile d'une brindille qui, indirectement, la dévorait.

Comme devinant son trouble, Titus ajouta :

— Ne te laisse pas influencer, les gardiens ne sont pas humains. Ils ont toujours faim. Une source d'énergie facile ne se refuse pas, peu importe d'où elle provint, ou de qui.

Grâce aux dieux, le gardien était occupé à digérer tout cet afflux d'énergie.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant