Ipenou -part4

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Yan ouvrit les yeux.

— Je suis là, ça va.

— Anubis. Dès qu'il arrive, on entre par la sortie, en priant pour qu'il y ait de la vie de l'autre côté, pensa-t-elle très fort. Elle le força à se relever. C'est notre seule chance. Tu peux le faire ?

Yan hocha la tête.

Anubis se matérialisa dans le vortex. Une forme animale, mi-homme avec des oreilles dressées.

Alors que le dernier saut abrutissait toujours leurs sens, elle poussa Yan en avant, utilisant jusqu'aux dernières miettes de son être.

Une fraction de seconde, elle fut absorbée par un déferlement de sensations étrangères. Des milliers d'odeurs et de sons se superposaient. Des souvenirs la dévoraient de l'intérieur. Il était tellement ancien. Typhenn était incapable de lui résister. Elle crut qu'elle se perdrait à jamais dans cet être millénaire. Elle sentit lorsqu'il comprit qu'un intrus fouillait sa tête. La peur s'insinua dans ses os, plus puissante qu'un tsunami, elle fracassait tout sur son passage. Il détruirait son esprit le remodelant à l'image du sien, car de siècles en millénaires d'emprisonnement. Elle voyait, entendait sa haine, son envie de destruction et le vide infinie nourri par des millénaires.Le dieu avait perdu l'esprit.

Sa conscience immortelle toucha la sienne, des griffes lui lacérèrent le bras alors qu'il se retournait. Il poussa un grondement, un son inhumain. Typhenn perdit les limites de sa personne. Elle sortit de son esprit en même temps que le portail se fermait. Perdue, incertaine d'où s'arrêtait la frontière entre le réel et l'imaginaire. Elle ne voyait plus rien,n'entendait plus rien. Il ne restait plus que sa conscience,enfermée dans son corps limité.

— Tina !

Le rugissement douloureux dans son crâne fut remplacé par la fraîcheur de l'air qui l'absorba puis la recracha.

Un calme surréaliste et une odeur de terre fraîchement retournée planaient dans l'air. Ils lui rappelaient le potager familial ajouté à celle de la poudre portée par la fumée.

Loin au-dessus du sol parcouru de fumeroles, le ciel sale se perçait de trous. Les machines crachaient leurs boulets les uns après les autres,déversant des pluies de pierres à chaque coup de tonnerre. Des lignes de corps tombaient, écrasés par les chutes de pierres qui fracassaient la terre.

Elle n'entendait pas un mot de ce que Yan disait à côté d'elle. Il paniquait, sa face tournait au rouge tant il hurlait, cherchant à couvrir le carnages des cris et du fer.

Ils avaient été propulsés dans l'épicentre de morts entre les deux lignes. Des charognards attendaient leur moment, haut, très haut au-dessus d'eux.

Yan l'exhortait à se réveiller.

Cours.

Ce sont sans doute les années de préparations qui la sauvèrent. Typhenn se leva, sa vision toujours aveuglée de taches noires. Elle se mit à courir alors que ses sens étaient retournés sens dessus dessous et que son corps refusait de lui obéir correctement.

Ils étaient loin, très loin dans le temps. Les hommes se battaient à coups d'épées et de haches. Lorsqu'ils n'avaient plus rien de tranchant,ils prenaient les pierres, que les trébuchets fracassaient sur leur tête, encore chaude de leur course dans le ciel.

La peur des hommes accélérant sa respiration, emplissant ses poumons de fumée.Typhenn se mit à tousser et cracher. L'air lui grattait la gorge.Ses jambes n'arrêtaient pas de se dérober sous elle, refusant de lui obéir alors que des larme acides lui piquaient les yeux. Yan dut presque la soulever pour qu'elle suive le rythme de ses enjambées.

Ils pouvaient distinguer la forme d'officiers sur des montures.

D'autres tirs éventraient la terre.

Cours.Encore et encore, toujours plus vite. Ils roulèrent dans une fosse saumâtre. Ils ne pouvaient pas s'arrêter. Ils n'étaient plus que des animaux se cachant dans les trous boueux. Cours !Plus vite ! Qu'importe qu'elle étouffe, ou gratte la terre labourée et s'écorche les doigts tant qu'elle allait plus vite.

Yan ralentit sur ses jambes flageolantes aux abords d'un campement, se cachant derrière un chariot chargé d'objet. Une statuette, des vases, une chaise de bois massif, aucun n'avait sa place entre les tentes militaires délavées. Le fumet de la peur les suivait jusqu'ici, lui collait à la peau.

Il lui indiqua des braises fumantes derrière le chariot, où un homme dormait sur son tour de garde, la tête entre ses jambes, sa hache tombée au sol.

En prenant une seconde de plus à observer les rangées désordonnées des tentes disparates, lessoldats vêtus de fripes qui montaient la garde, une fourche ou un marteau à portée de mains, le campement pourrait passer pour un repaire de brigands. Cependant, les couvertures épaisses soigneusement rangées contre lesquelles elle s'appuyait contredisaient tous les autres signes.

Cette seconde lui coûta, carian en profita. Le dos courbé, il contourna le chariot et longea une tente, se dirigeant droit sur le dormeur. Typhenn le suivit avec beaucoup moins de prudence jusqu'à pouvoir le tirer en arrière.

— La date, besoin de la date, répondit-il laconique lorsqu'elle l'attrapa par le col pour le tirer derrière une tente délavée aux extrémités couvertes de boue séchée.

Comme si elle avait le temps pour ça. Elle préférait fuir plus vite que pouvait voler son ba. Dans ce champ de mort, qui ne devait rien au hasard, Typhenn avait cru voir l'éclat de deux yeux jaunes chercher les condamnés. Il devait les pister, être sur leurs traces. Anubis les avait-il déjà retrouvés ?

L'homme se réveilla en sursaut et Yan tomba tomba en arrière, entrainant Typhenn au sol qui dans la bousculade, renversa une caisse et tous les effets posés dessus.

Le regard vitreux et blessé au flanc, il ne pourrait pas leur faire grand de mal. Par chance, le campement était pratiquement vide. Mais quelqu'un ne tarderaient pas à rappliquer.

— Merde.On file. Vite.

Cette fois, elle l'entrainait dans une débandade sans repère, priant Ptha pour qu'il ne suive pas deux fuyards isolés.

Yan à bout de souffle s'étranglait dans son dos mais Typhenn fonçait, fuyant l'odeur du feu. Elle savait qu'il était sur ses talons.

Ils abandonnèrent la plaine pour le couvert des arbres en feuille.

Ils coururent longtemps, le plus loin possible. Et encore plus longtemps,poussés par une ombre dans leur dos, des yeux invisibles qui les observaient.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant