Tout dans l'attitude de la jeune fille aux dreadlocks l'irritait. De sa démarche royale à la façon dont tous buvaient ses paroles comme de l'hydromel.
Tous les adolescents gravitaient autour d'elle. Briac, ignoré hier, la suivait comme le nouveau chiot de la bande.Il avait embrassé la langue des corbeaux sans se retourner et perpétuait la tradition qui les poussait à mépriser l'existence des plus jeunes. Au déjeuner, il n'avait pas accordé un regard à Odelle. La petite aurait pu être invisible.
Isla était la source du rejet d'Odelle. Typhenn rêvait d'aller lui toucher deux mots. Si ce n'était la présence de Naploléon qui dormait devant sa porte, Merle la chaperonnait où qu'elle aille. Il suffirait d'un grain de sable et Typhenn embrasserait sa nature de barbares au sang chaud.
Postée devant l'enclos, alors qu'elle portait Odelle dans ses bras, Typhenn guettait une opportunité de lui casser son joli nez pour la forme. Merle les avait rejoints, agité et d'une humeur impossible, car on lui avait demandé de minimiser son influence sur Odelle. Sa frustration lui donnait de tocs. Il aboyait une réponse, se passait et repassait la main dans les cheveux, se frottait la nuque, comme au bord de la crise de nerfs. Puis, il refaisait sa tresse pour tout recommencer cinq minutes plus tard.
Merle s'empara du panier et de tendit les fruits à la petite pour qu'elle les offre aux deux juments et l'âne, Comète, son préféré. Le canasson pouvait se vanter d'étouffer celui qui lui flattait l'encolure sous un nuage de poussière. Les trois montures leur donnaient des coups de museaux, se battant pour réclamer la prochaine friandise.
Soudain Merle se figea, un fruit enfermé dans son poing. Il ne répondait plus, comme s'il avait quitté son corps. Sans crier gare, il sauta de joie, faisant sursauter Typhenn par sa démonstration euphorique. Il abandonna son panier dans la boue.Napoléon jappa d'indignation, mais le suivit en direction de la porte du mur.
Deux figures franchissaient le portail.
Typhenn comprit.
Elle déposa un peu brutalement la petite. Odelle vacilla en touchant terre, mais essaya de défendre les pommes contre les chevaux qui se penchaient sur le panier renversé. La basse-cour criait et caquetait sur leurs passages.
Ronan tirait la bride d'un étalon immense qui renâclait de fatigue.
Typhenn poussa sur ses jambes au risque de se tordre la cheville dans un terrier de lapin. Elle dépassa Merle.
Ronan vint à sa rencontre. Il boitait. Une étrangère au crâne rasé, couverte d'une montagne de fourrure récupéra la bride. Avant qu'il ne s'interpose, elle le vit. Yan, allongé sur le dos du cheval, inconscient et mortellement pâle sous une épaisse pelisse.
Ronan la saisit par les épaules, forçant Typhenn à s'arrêter. Une odeur de viande fumée collait à ses vêtements. Ses yeux vairons ressortaient encore plus sur la crasse qui maculait son visage.
— Il faut que tu trouves Orlène. Elle doit se préparer à extraire une balle, sa voix enrouée râpait sa gorge et ses lèvres craquaient à chaque mot.
Merle les dépassa. Il souleva la fourrure et prit le pouls de Yan.
— Une balle ?demanda Typhenn incrédule. Elle repensa aux dernières paroles qu'ils avaient échangées. Elle lui avait assuré qu'il ne risquait rien. Une boule acide lui perçait l'estomac. Sa stupide faiblesse l'avait empêché de le protéger. Osiris ne pouvait pas réclamer son âme, pas maintenant. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— Orlène, athama. On parlera plus tard.
Ronan la poussa en avant. Typhenn hésita une fraction de seconde puis partit sans se retourner. Yan était blessé, il n'était pas mort. Mais, il était si pâle.
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La porte d'Aker
FantasiDeux millénaires d'absence n'ont pas amoindri leur loyauté. Tous sont prêts à sacrifier leurs vies pour un seul être : Pharaon. Malgré son obstination, les aînés de Typhenn lui refusent sa place parmi les gardiens du roi disparu. Et les dieux n'ont...