Au bout du val -part8

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Typhenn se retourna. Elle ne comprenait pas le silence soudain qui envahit la salle. Elle aurait pu entendre la mèche des bougies crépiter.

Yan se redressait déjà avec des mouvements rendus patauds à cause de ses jambes engourdis alors que Titus se faisait étouffer d'une clef de bras.

— Ronan, fit Rafe.

Le visage de Ronan apparut dans l'ombre de celui de Titus.

Elle devait être en proie à une nouvelle hallucination. Il n'aurait pas pu les suivre, encore moins entrer seul, pas avec tous les rôdeurs.

Rafe ne bougeait pas. Au premier geste suspect de sa part, Ronan pourrait briser la nuque de son frère comme un fétu de paille.

Il ne put qu'attendre que son frère s'effondre au sol, inconscient.

— Tes raisons ne m'intéressent pas, Rafe. J'ai ordre de t'exécuter, annonça Ronan d'entrée de jeu comme s'il en avait assez entendu pour le condamner.

Il contourna le corps étendu de Titus, tirant ses doubles glaives aux claires. Le métal renvoyait la lueur des chandelles. Ses yeux brillaient, et du sang maculait ses vêtements de haut en bas, comme ceux d'un boucher.

Ils sursautèrent tous lorsqu'une détonation fit trembler les murs, suivis des chocs de luttes. À l'étage, des objets tombaient. Des corps dévalaient l'escalier et cognaient les murs.

Ronan eut un rictus féroce. Il attendait ce moment depuis longtemps, et il n'était pas venu seul.

D'une main sur l'épaule, Rafe la força à rester derrière lui, de l'autre, il sortit le couteau de Nora. Il tira sur sa manche et planta la main gauche de sa cousine dans la table.

Le métal gratta ses os.

Typhenn hoqueta.

Tout son environnement disparut. Son bras secoué de spasmes refusait de libérer le métal. Elle se concentra pour inspirer normalement, repoussant les taches sombres qui envahissaient sa vision. Le kriss refusait de la relâcher, comme coincé sous un clou. Son sang chauffait sa paume.

Rafe contourna la table. Il gardait toujours un œil sur la salle jusqu'à sortir une arme aussi longue qu'un glaive. De l'autre, il tira un akhamé de sa ceinture.

— La maison est clôturée. Rien n'entre,rien ne sort, précisa Ronan. Il se plaça à sa hauteur, seulement séparé par la table épaisse. D'un signe de tête, il indiqua à Yan d'aller l'aider. Yan en profita pour se glisser auprès de Typhenn. Tu ne feras que gagner du temps.

Il siffla entre ses dents. Léodic, qui glissait vers la sortie, se figea.

— Tuas oublié ? Un dieu est avec moi.

Ronan porta un premier coup à faire vibrer les vitres.

— Essaie de le convoquer ! l'invita-t-il avec un rictus mauvais. Aucun dieu ne peut entrer sur un territoire protégé par les Artisans.

Typhenn se mordit les lèvres. Ils devaient intervenir. Ronan ne pourrait pas faire ce qu'il fallait. Toute sa morgue, toute sa colère ne l'aiderait pas à porter le coup fatal.Il chercherait un moyen de le conduire devant les vénérables.

Rafe le savait. Il profiterait de son avantage. Il finirait par l'acculer.

Typhenn repoussa Yan qui en essayant d'aider,avait fait bouger la lame. Plus ils s'acharnaient à la faire sortir, plus la frustration l'emportait et embuait ses yeux de larmes.

— Tu vas vraiment tenter seul ta chance et finir comme lui ? Ronan recula le temps d'indiquer la direction de son frère inconscient.

— Je connais tes techniques par cœur.

— Tu ne fais que retarder l'inévitable, finit Ronan avec une confiance exaspérante.

Les glaives bougeaient. L'œil ne pouvait plus suivre leurs courses folles. Ils n'existaient que sous la forme de traits lumineux. À peine entrechoqués, ils volaient dans l'autre sens, inlassablement à la recherche d'une faille. Ils ripèrent contre le bois. Ronan roula sur la table. Les deux jeunes se baissèrent. Yan la couvrit de son corps le temps qu'ils s'écartent.

Ni l'un ni l'autre n'acceptaient de céder un centimètre. Ils enchaînaient les feintes et les bottes sans parvenir à percer. Ils répétaient une danse qu'ils ne connaissaient que trop bien.

Par le passé, elle aurait rêvé de voir ce duel.À présent, elle voulait détourner ses yeux qui restaient fixés sur eux contre sa volonté. Elle ne voulait pas savoir qui gagnait.Elle ne pouvait pas supporter la brutalité des sentiments qui s'affrontaient, l'amour, la haine, la douleur. Ils venaient s'ajouter aux siens. Typhenn pouvait à peine respirer. Comment avait-elle pu imaginer être leur égale ?

Un akhamé traversa la pièce. Ronan l'avait forcé à reculer d'une passe risquée qui lui avait coûté un akhamé.

À présent, Ronan lui barrait la route. Ils avaient tourné de manière à leur dégager une voie de sortie.

Mais Typhenn ne pouvait toujours pas bouger.

— Je me demande si tu auras le cran, cette fois, le provoqua Rafe, le souffle court. Il avait une blessure légère à sa jambe forte, mais pas assez profonde pour l'inhiber.

Le seul moyen d'en finir rapidement était de pousser l'un à perdre son sang-froid et à commettre une erreur.Ronan entra dans son jeu.

— Tu as eu de la chance au temple.

Rafe émit un son, mi-rire, mi-soupir.

— En y repensant, tu n'as pas eu l'air si surpris de me voir.

— J'avais des soupçons. Alors, j'ai remonté miette après miette que tu semais derrière toi. Un mur invisible qui se brise, les morts qui se soulèvent. Alors je me suis rendu chez Léodic. Je savais que sa vantardise le ferait parler. Quelques mots ont suffi pour que les soupçons se dirigent vers les Alexandre. Ensuite, j'ai vu ce que tu essayais de me cacher, les marques étranges sur son dos. Pourquoi risquer la vie de ta petite cousine que tu cherchais à protéger à tout prix ? Étrange, de la part de quelqu'un qui ne laisse rien au hasard, non ? Une fois que j'ai compris les intentions de l'assassin, te pousser à venir faire le premier pas fut facile.

— Je vois. Utiliser un gamin pour émouvoir Tina. Puis lui faire prendre le risque de te conduire ici. La manipulation est une habitude difficile à égaler, Ron. J'aurais dû m'en douter. Rafe eut un mince rictus semblable à un sourire disant qu'il reconnaissait la supériorité de son adversaire, pour cette fois.

— Quoi !La voix de Typhenn s'éleva. Le son étranglé fit sursauter Yan. Elle resserra les dents aussitôt, frappant la table du poing. Son mouvement brusque avait fait bouger sa main autour de la lame. En même temps que Yan libérait la lame du bois. Elle le repoussa violemment en arrière, il s'étala de tout son long.

Ils s'étaient servis d'elle. Tous.

Yan baissa la tête honteux.

Il attrapa ce qui restait de sa manche et finit de la déchirer jusqu'à l'épaule. Une ligne noire et verticale brisait un entrelacs complexe de runes au-dessus d'un cercle de position. Autour de l'encre, la peau était toujours lisse. Une autre flèche, faite par la main habile et précise de Ronan sur sa peau, révélant la véracité de ce qu'ils venaient d'avouer.

— Je suis désolé.

Yan suivait les instructions de Ronan depuis qu'il était venu la trouver dans le pré. Elle n'avait été qu'un pion manipulé à loisir entre les deux camps.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant