Thrènoi, Renaissance - part3

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Les forestiers s'assuraient souvent qu'aucun veilleur ne s'introduise sur leur terre. D'autres se cachaient sûrement derrière lui, invisibles parmi les troncs.

— Laisse-le. Il sait. Il rend un dernier hommage à la manière des druides. Lui conseilla Rafe avant de se détourner sur le chemin blanc.

Ronan communiqua par signe avec l'homme dans l'ombre. Typhenn n'aurait pu reproduire leurs mouvements. Un veilleur qui fraternisait avec eux la dépassait outre mesure. Les deux peuples se toléraient depuis que les veilleurs, alors sans patrie, avaient débarqué sur leurs terres verdoyantes, avant qu'ils ne s'enfoncent dans leurs forêts sans explication, abandonnant leurs alliés sans se retourner.

Les druides n'autorisaient personne à traverser leur Grande Forêt sans leur accord. Or, ils ne répondaient pas toujours à l'appel. On racontait qu'un druide avait partagé son savoir avec Ronan, qu'il portait la marque de leur déesse-sorcière et qu'il pouvait aller et venir comme il le souhaitait. Une rumeur qui ne devait pas être sans lien avec le commerce qu'ils entretenaient.

À cet instant, à cause de cet échange dans un silence respectueux, elle douta. Le fait que les Vaugren se tenaient en première ligne dans la chasse au meurtrier, Ronan échappait à tous soupçons alors qu'il accusait le monde entier. La place idéale où se cacher en plein jour. Elle secoua cette idée. Il y avait Essie, sa perte prouvait le contraire. Il n'aurait jamais fait le moindre mal à sa sœur.

D'ordinaire, les veilleurs acceptaient sans mal les autres croyances. Cependant la déesse macabre des druides, Morighane parcourait les champs de bataille, accompagnée de son armée de corbeaux, toujours avide d'âmes.

Ronan se tourna soudain vers elle, alors que des voix interrompirent ses pensées. Elle suivit le trajet de son regard.

Dans le bosquet juste avant la voiture, une bande qui avait anticipé leur retraite apostrophait ses cousins, coincés entre les arbres et le parking. Deux hommes, un garçon et une fille, pas beaucoup plus jeune que Typhenn, commençaient à les prendre en grippe. Titus n'agirait pas sans l'ordre direct de Rafe, pas après l'accident. Pourquoi Rafe se laissait-il faire ?

Typhenn le savait, pourtant elle ne put s'empêcher de glisser un œil par-dessus son épaule, vers Ronan. Le fils prodige ne lèverait pas le petit doigt. Ses intentions parfaitement en sécurité derrière un masque impassible. Il aurait pu ne pas les voir. Il se tiendrait à sa parole. Leurs affaires ne le concernaient plus.

Typhenn s'élança, prête à en découdre. Elle se servit de son élan et tacla le premier venu. Il tituba en arrière sous la force de l'impact et se rattrapa à un tronc.

— Qu'est-ce que vous voulez ? Typhenn se força à garder une posture défensive, les genoux légèrement fléchis malgré l'envie de masser son épaule douloureuse. Elle venait sûrement de gagner un bleu de plus.

— Tu te laisses malmener par l'avorton, Esteban, la fille gloussa plus fort que ses amis de son rire forcé.

Son col déboutonné révélait la flèche pointant vers le nord-ouest des Valence en tour de cou. Le harpon de Per-neb-Imenti, le huitième sepat de Basse-Égypte. Ses cousins étaient morts quelques mois après Essie. La jeune fille devait être Victoire. Les responsabilités des Valence reposaient dorénavant sur sa maison. Certes, Victoire avait d'excellentes raisons de s'en prendre à elle, mais Typhenn ne deviendrait pas victime de sa bêtise.

Esteban Detire, pas encore introduit au clan, se tenait en retrait, évitant la confrontation directe. Pour l'instant, le deuil épargnait sa famille. Rien ne le retenait, pourtant il ne pouvait pas résister au spectacle, comme une hyène devant une charogne.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant