Ne se voyant pas affronter seule d'autres marches, elle les laissa la soutenir jusqu'aux chambres qu'on leur avait préparées avec soulagement. Yan porta la majorité de son poids pour ne pas arracher leurs fils respectifs.
Les chambres, impersonnelles que des cellules de moines sentaient toutes la lavande à cause du même bouquet séché accroché à la fenêtre. Typhenn regrettait sa pièce couverte de graffitis.
— Repose-toi, nous sommes en sécurité ici, lui assura Ronan sans son masque sévère, avant de la laisser seule. Il ne cachait plus la fatigue qui l'écrasait.
Étrangement Typhenn se sentait allégée d'un poids. Néanmoins, elle ne trouva pas aussi facilement le sommeil que Yan qui écroulé sur le matelas, ronflait avant que la porte se referme.
Elle s'enfouit sous les couettes, savourant la sensation d'être au sec et au chaud. Seul un sommeil agité et fragmenté l'accueillit. Elle songeait à sa famille, à l'assassin. Comment trouveraient-ils les preuves pour accuser Andraste ? Certainement pas en étant coincés dans une forêt.Ronan lui avait assuré que ses tantes n'abandonneraient pas leurs recherches. Typhenn n'y trouva aucun réconfort si elle devait se terrer sans pouvoir apporter sa contribution.
Une prise de conscience la frappa. Ronan ne l'avait pas conduit ici uniquement à cause de son nom qui faisait d'elle une cible. En la tenant à l'écart, il protégeait tous les veilleurs.
Typhenn s'endormir avec la vision de son corps couvert de peinture, abandonné dans la forêt. Andraste sur plombait sa fosse, une torche dans son poing. Pourtant, Typhenn ne se débarrassait toujours pas de l'impression d'usurper la place d'un autre.
Après une nuit trop courte, l'aurore se glissa enfin silencieusement dans sa chambre. Typhenn exécuta une toilette rapide avec l'eau froide d'une bassine. Des vêtements étaient déposés sur une chaise dans un coin. À son grand soulagement, il s'agissait d'un jean délavé, d'une chemise et un pull. Sa cuisse la démangeait terriblement. Un peu d'air lui ferait du bien. Ses points de suture tiraient, l'obligeant à descendre les marches en clopinant.
Une brume matinale enveloppait les bâtiments,couvrait les pierres de rosé et les fleurs sur les bords des fenêtres. Les pétales ajoutaient une touche de couleur au gris des pierres.
Une cloche sonna sept heures, peu après, un troupeau de gamins se rua en dehors des dortoirs. Elle n'avait jamais vu autant de druides réunis au même endroit et fut surprise de constater une marée de tête, et pas seulement des rousses. Les enfants ne la remarquèrent pas de suite. Il suffit d'une petite avec un mouton en peluche sous le bras. Toutes les autres frimousses se tournèrent vers elle, l'observant étrangement.
On racontait que les forts druidiques bénéficiaient de la protection des créatures de la forêt. Ce qu'il appelait un fort pouvait être une simple maison à un château. En l'occurrence, celui d'Orlène ressemblait une petite ferme transformée en pensionnat.
Typhenn eut soudain conscience des taches de braises qui perçaient son manteau, l'odeur de chair brûlée qui l'accompagnait et surtout de ses cheveux noirs qui tranchaient avec le roux vif de la majorité des petits druides.
Une femme héla le petit groupe, les poings sur ses hanches aussi larges que la porte où elle se tenait. Les cheveux tressés, parés d'autant de plumes que de perles. Contrairement à Orlène, elle portait des vêtements normaux et un peu étroits pour sa carrure.
Les enfants reprirent leurs courses, comme des estomacs sur pattes vers le petit déjeuner. La vague évita Yan qui sortait à son tour, avec des épis dressés sur sa tête. Il massait distraitement sa nuque. Un groupe ébahi par sa taille s'arrêta devant lui. Yan éclata de rire lorsqu'on s'adressa à lui l'air très sérieux. Un autre voulut savoir s'il était un des habitants de la montagne. Il ébouriffa la tête du garçon pas plus haut que trois pommes. Le gamin suivit le groupe en boudant, qu'il ne le prenne pas plus au sérieux.
L'odeur du pain sortant du four remontait des cuisines. Le ventre de Typhenn gargouilla. La femme lui laçant un regard sévère, comme si elle l'avait entendu de l'autre côté de la cour et lui interdisait de mettre un pied dans le réfectoire.
Yan et Typhenn reçurent le message. Ils se détournèrent en même temps.
— Qu'est-ce qu'il a dit ? demanda Typhenn en guise de salutation. Elle désigna le garçon qui s'engouffrait dans le réfectoire d'un signe de tête.
— Il m'expliquait comment éviter que les pixies s'amusent à faire des nœuds dans mes cheveux. Je crois que les couper serait plus simple. Yan essaya d'aplatir ses cheveux coiffés en épouvantail. (L'estomac de Typhenn refit des siennes.)Moi, aussi j'ai une faim de loup, commenta-t-il, avec un sourire en coin en se frottant les mains. Une nuit dans un vrai lit semblait lui suffire pour rattraper des mois d'insomnie dans la rue.
Avec un clin d'œil complice, Yan lui demanda de ne pas bouger. Il disparut, l'abandonnant sous le regard mauvais d'un cerbère protégeant sa portée.
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La porte d'Aker
FantasyDeux millénaires d'absence n'ont pas amoindri leur loyauté. Tous sont prêts à sacrifier leurs vies pour un seul être : Pharaon. Malgré son obstination, les aînés de Typhenn lui refusent sa place parmi les gardiens du roi disparu. Et les dieux n'ont...