Chapitre 13 - Le chant des corbeaux

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La pendule sonna la demi-heure à l'entrée des dortoirs. Typhenn ne savait pas pourquoi elle attendait Yan. Il ne risquait rien et Ronan avait raison sur un point. Ses os avaient besoin de temps pour guérir. Les entrainements de Yan lui avaient très vite fait regretter d'agiter un bâton dans tous les sens.Grâce aux dieux, ce qui aurait dû être une douleur constante se résumait à une pointe dans un recoin de son esprit, qui au pire influençait son humeur déjà grincheuse.

Typhenn retira promptement la main qu'elle avait distraitement posée sur ses côtes et croisa les bras lorsque Yan descendit les marches quatre à quatre. Elle ne pouvait certes pas venir, mais son enthousiasme débordant n'en restait pas moins agaçant.

Le temps qu'il la rejoigne en bas, elle affichait un sourire en coin, son ressentiment envolé. Sa joie de vivre communicative rendait toute rancœur impossible. Le fort entier avait adopté le garçon en moins d'une semaine. Une marque violette perpétuelle fleurissait sur le dos de sa main. Le résultat des joutes qu'il relevait de manière infatigable avec les garçons et quelques filles. Ils se couvraient de bleus et ils l'adoraient. Yan avait paru renaitre en quelques jours à peine.

— Tu m'attendais pour me souhaiter bonne chance ? demanda Yan en sautant la dernière marche.

Typhenn leva les yeux au plafond.

— Écoute Ronan, et tu n'en auras pas besoin.

— Donc ton dernier conseil est de ne pas faire ce que toi, tu ferais, réfléchit Yan tout sourire. Il la devança d'une grande enjambée sautillante.

— Si tu veux, grogna Typhenn. L'avait-elle attendu pour lui donner un conseil, vraiment ?

Yan se retourna une main sur la poignée, l'air froid et humide s'engouffra à l'intérieur. Toujours insensible au froid, il ne portait qu'une chemise sous son manteau de laine.Ronan les observait sortir, une fillette avec des boucles anglaises dans les bras.

— Je vais sans doute louper ton duel, déclara Yan. Il évitait de croiser son regard.

Typhenn fouilla un instant sa mémoire.

— Ah, ça !

Elle était entrée dans leur jeu sur un coup de tête, sourde au bon sens qui aurait voulu qu'elle n'écoute pas leur provocation. Que penserait Rafe si elle humiliait cette gamine dans le simple but de contenter son orgueil ? Il qualifierait cet acte de déshonorable, en plus de se mettre inutilement à dos la maîtresse du fort.

— Je n'irai pas. Il n'y aura pas de duel, insista Typhenn pour le rassurer.

Yan se redressa un peu, les épaules comme soulagées d'un poids.

Elle plissa les yeux, poings sur les hanches.

— Tu n'aurais pas osé me balancer à Ronan ?

Il lui offrit un sourire coupable, esquiva un coup et s'enfuit dans la cour. Au lieu de le suivre, Typhenn les observa à l'abri des regards derrière les rideaux de dentelle jaunie.

Une porte menait directement à la clôture du verger. Comme toutes les portes extérieures, il y avait non loin une armoire remplie de lampes à huile toujours pleines à disposition.La druidesse Gwenaëlle lui était tombée dessus le deuxième jour.Tous les enfants entretenaient leurs lampes pour la prochaine utilisation. Si elle souhaitait rester, elle devrait participer aux tâches quotidiennes. Typhenn avait donc rejoint Yan qui astiquait déjà la sienne sous le regard du Cerbère. Leurs mains avaient senti l'alcool pendant des heures. On leur avait fourni des manteaux en laine, chauds et imperméables. Cela tenait presque de la magie. La laine avait absorbé l'alcool comme une éponge, ses manches empestaient toujours, peu importe le nombre de fois qu'elle rinçait et pressait la laine.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant