Après dix jours dans une forêt sombre et bruyante, l'horizon arrondit par le dos de l'océan, la voix des mouettes dans un ciel plus grand que la terre lui donnait le tournis.Aucun obstacle ne projetait son ombre sur l'herbe rase et cuite parles vents salés. Les akhous d'Anubis se mouvaient, devenaient des formes floues au coin de l'œil sur les fleures violettes qui sclérosaient la lande entre les rochers volcaniques.
Au plus bas du sentier côtier, les vagues martelaient la falaise. Les embruns remontaient en cheminée, piquant la peau et raidissant les vêtements, les obligeant à s'époumoner pour échanger quelques mots engloutis par des pluies salées.
Typhenn observa le dieu à la dérobée, son âme de veilleur partagée entre son enseignement et ce qu'elle voyait. Il n'était pas aussi grand qu'on décrivait Osiris dans les mythes. Si elle ne lui prêtait pas attention, son aura terne l'aurait fait passer pour un simple mortel taciturne. Loin de porter une aura divine ou un cercle solaire, il se présentait comme un homme à la peau sombre dans les vêtements de Rafe, trop large aux épaules, tellement banal qu'on pouvait oublier sa présence.
Une pierre roula sous ses pieds. Typhenn se rattrapa à un piquet de bois flotté. Il bascula sous son poids.Elle eut juste le temps d'apercevoir les côtes pointues d'un bateau échoué sur les rochers en contrebas avant de se projeter en arrière, les bras décrivant des moulinés.
Yan la tira en arrière par le bras. Il y mit tant de force, qu'il bascula dans un buisson d'épines.
— Ne vous approchez pas de la falaise, les chemins douaniers sont traîtres, conseilla Rafe devant.
Son avertissement venait un peu tard.
— Tu pourrais ouvrir une autre porte, cela nous éviterait de nous tuer. Typhenn rassembla sa dignité. Elle aurait juré qu'un sourire moqueur fleurit sur les lèvres de son jeune cousin qui s'appuyait discrètement du Rafe.
Il y a moins de vingt-quatre heures, Typhenn les aurait aidés. Maintenant, elle essayait de maintenir une certaine distance entre eux, se collant au plus près des ajoncs au risque de se faire embrocher par les épines acérées.
— Je ne contrôle pas vraiment les portes,répondit Rafe récalcitrant. Il se racla la gorge le temps de peser ce qu'il révélerait. Nos chroniques s'arrêtent à deux mondes. Le nôtre et la Douat, celui des mortsqui est actuellement aussi une prison pour les dieux. Les portes djet, à proprement parler, sont reliées à un troisième monde qui flotte et frôle constamment le nôtre. Ces portes s'ouvrent à des lieux et des moments particulièrement violents qui fragilisent la frontière et se répètent à l'infini.
Si Rafe affirmait ne posséder aucun contrôle sur ses portes, donc, en tant que passeur, Anubis lui permettait de les contrôler de manière indirecte.
— Il y a longtemps que les règles n'existent plus dans ce troisième monde, poursuivit Rafe. En reliant notre réalité à ce dernier, on peut plier l'espace et voyager d'un point à un autre. Les druides ont une compréhension des mondes et du temps qui nous échappent. Nous pourrions apprendre beaucoup d'eux.
Il oubliait que le nous qui qualifiait autrefois les Alexandre n'existait plus. Ils n'avaient plus de famille. Mais les rôdeurs pouvaient lui dissimuler cette information.
Typhenn recula lorsqu'il tendit un bras vers elle, une esquisse de geste familier.
— Ça ne m'étonne pas. Quand on vole et qu'on ment, le provoqua-t-elle.Titus m'a dit que vous aviez récupéré le grimoire volé aux druides. À qui l'as-tu donné ?
Rafe arrêta son geste. Son expression neutre en parut presque sincèrement blessée.
— Tina, écoute. Je comprends que tu sois en colère. Cela ne veut pas dire que je vais te faciliter la tâche, pour autant.
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La porte d'Aker
FantasyDeux millénaires d'absence n'ont pas amoindri leur loyauté. Tous sont prêts à sacrifier leurs vies pour un seul être : Pharaon. Malgré son obstination, les aînés de Typhenn lui refusent sa place parmi les gardiens du roi disparu. Et les dieux n'ont...