Hellions : partie 1

Chapitre 1 - #15

Même si son intellect lui hurlait de demeurer stoïque, la jeune femme était incapable de retenir les nombreux frissons qui parcouraient son corps tandis que cet individu mystérieux rangeait son téléphone pour mieux concentrer son attention sur elle. Elle déglutit puis répondit d'une voix fluette.

- Bonjour... Je ne vous dérange pas ? Tenta-t-elle de balbutier. Le conférencier hocha négativement la tête.

- Pas le moins du monde. Que puis-je pour toi ? Répondit-il banalement sans cesser de la regarder, les yeux dans les yeux.

Son regard raisin était devenu encore plus intriguant de près. Ses iris colorées semblaient refléter un éclat mystérieux et insaisissable. Cette coloration étrange donnait à cet individu une sorte d'aura difficile à cerner.

Il possédait un visage paraissant banal voir amical... qui était néanmoins devenu la source d'un millier de questions. Trop jeune pour être un érudit. Trop érudit pour être jeune. Paradoxe noyé dans l'extrême confiance en soi qu'il dégageait.

Voyant que le silence s'éternisait, il balaya l'air de sa main et poursuivit avec une intonation plus incisive.

- Que désirais-tu, jeune fille ?

Définitivement, sa façon de parler la paralysait. Pourquoi ? Son sale caractère permettait généralement de palier à ce genre de personne. Rien ne semblait fonctionner avec lui. Elle était nue, désarmée.

- Je... j'avais une question à vous poser. C'est le cours de l'autre fois. Les Skryns, pour être précise. Elle prit le temps de tortiller ses cheveux, détail que l'homme ne manqua pas de noter. Vous avez dit qu'il en existait plusieurs sortes. Je n'ai lu ça nul part. J'étais intriguée.

- Oh. C'est donc ça qui te perturbe, hm ? Je vois.

Il hocha positivement la tête et Amélia souffla un bon coup. Elle était désormais soulagée que sa question ne soit pas jugée stupide. Maudit soit Aito de l'avoir jetée dans ce pétrin ! En un sens, elle l'avait peut-être un peu cherché aussi... mais elle n'osait pas tant se l'avouer.

- J'aimerais que vous m'en disiez plus avant de reprendre. Je suis curieuse et je me destine à la recherche. Je veux acquérir le plus de connaissances possibles avant d'obtenir mon diplôme de fin d'études. Poursuivit-elle avec plus d'assurance, il eut un petit ricanement.

- Je vois. Ils te fascinent en un sens. Est-ce de la pure curiosité scientifique ?

- Parfaitement. En vérité, je suis soucieuse de comprendre leur mode de fonctionnement. Même si les connaissances à ce sujet sont fugaces ... je souhaiterais mieux cerner leurs comportement.

- Elles ne sont pas aussi fugaces que tu peux le penser. Répondit-il, avec un air espiègle.

- Que voulez-vous dire ?

Amélia fut subitement interloquée. Ce petit sous-entendu avait éveillé sa curiosité. Des découvertes avaient-elles été réalisées au point de ne pas être encore rendues publiques ? La rigueur scientifique imposait effectivement une batterie de tests avant tout ajout au savoir commun.

La jeune fille s'apprêtait à assaillir son interlocuteur de question quand celui-ci leva la main, la coupant net avant tout élan trop dynamique.

- Je pense que tu comprendras, d'ici quelques temps, le sens de mes paroles. En tout état de cause, ton questionnement est légitime. Je vais donc te répondre.

Sans attendre, elle attrapa son smartphone et utilisa une application de bloc-note pour être prête à écrire. Il n'était pas question de rater une telle occasion d'en apprendre plus sur les monstres qui avaient autrefois manqué d'éradiquer son espèce. Prête à noter frénétiquement, Amélia attendit avec impatience que le conférencier veuille bien éclairer sa lanterne.

- Pour tout te dire, les Skryns sont organisés selon une structure hiérarchique où chaque individu possède une fonction définie.

- Comme les insectes ?

- Il y a de ça. Lorsque j'ai parlé de types de Skryns, je faisais référence à ces rôles que ces créatures possèdent à leur "naissance". Même si nous ignorons encore comment ces bêtes viennent au monde. Tout ce que je peux te dire, c'est que leur société est semblable à une ruche ou à un essaim. Chacun remplit son rôle et uniquement son rôle. Ainsi va leur mode de fonctionnement.

Amélia ne put s'empêcher de remarquer que les mains de son interlocuteur bougeaient énormément pour illustrer ses propos. Sa voix taquine était devenue passionnée et son regard éternellement enjoué avait désormais pris une rigueur scientifique.

Qui que soit ce garçon, il était véritablement attiré par le sujet et semblait posséder bien plus de connaissances qu'il ne voulait bien l'admettre.

- C'est fascinant. Moi qui les voyait comme des animaux stupides. Répondit-elle naïvement, il eut un fin sourire.

- Le monde ne se limite pas à ce que tu peux apprendre, jeune fille. Il y a tout un tas de choses qu'il faut savoir... explorer soi-même.

Sa voix était redevenue mielleuse si bien que l'esprit légèrement mal tourné de la jeune fille eut directement quelques images peu recommandables en tête. Elle s'empourpra comme jamais.

- Oui... oui... sans doute ! Dit-elle, gênée comme il n'était pas possible de l'être davantage. Le jeune homme éclata d'un petit rire franc, hochant négativement la tête.

- J'ignore à quoi tu as pensé... mais ça n'était sûrement pas mon intention que de t'y faire songer.

Il passa la main dans sa poche et jeta un œil à son téléphone. Il va être l'heure d'y retourner. Je vais préparer la salle.

- Content d'avoir pu te renseigner. Il se détourna et ouvrit la porte de l'amphithéâtre.

- Attendez ! S'exclama-t-elle alors, il se retourna en haussant un sourcil. Puis-je avoir votre nom ? Juste votre nom. Vous êtes intriguant. Monsieur.

- Pas de monsieur entre nous. Ren. C'est ainsi que l'on m'appelle. Répondit-il sans vraiment considérer la distance qu'il aurait potentiellement dû mettre avec une lycéenne.

- Amélia. C'est mon prénom. Enchantée.

Il eut un regard amical et referma la porte. 

Quelques instants plus tard, Aito frappa l'épaule de son amie et reçut un coup de coude dans le thorax pour unique réponse, ce qui ne manqua pas de le faire gronder sans pour autant l'énerver.

- Dans quel pétrin tu m'as mise ? Grogna-t-elle, son regard empourpré ayant cédé la place à des lames incisives.

- Roh... je t'ai aidée. C'était de l'altruisme...

- De l'altruisme ? Je t'en collerai, moi, de l'altruisme ! Bon sang, je suis passée pour une idiote finie par ta faute ! Si je pouvais je t'étranglerai.

- Si l'on considère le peu de force que tu as dans les bras, je dirai que tu as une chance sur dix mille de-... Aito fut coupé par une furie brune qui lui passa devant et vint enserrer Amélia dans ses bras.

Leen avait finalement réussi à s'extirper de son lit, semblait-il. En l'espace de quelques minutes, elle inonda les deux compères d'un flot de paroles et de récits en tout genre relatant la folie de sa soirée d'hier.

Sans vraiment avoir le choix, Aito et Amélia subirent les assauts auditifs de cette satanée pipelette alors que la sonnerie retentissait et qu'ils s'enfonçaient ensemble dans l'amphithéâtre afin de suivre la suite du cours.

Même si elle faisait mine de s'intéresser à Leen, les pensées de la jeune blonde étaient ailleurs. Retrouvant sa place, elle s'assied en contemplant le bas de la pièce où le fameux Ren avait déjà revêtu sa blouse blanche. Qui était-il ?

Au final, avoir son prénom ne l'avançait en rien...