Chapitre 2 - #13

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Le groupe traversa les longs couloirs humides et sombres de l'ancien réseau de tram souterrain. Contrairement à ce qu'avait sous-entendu le sergent, leur progression fut plus aisée que prévu et ne fut retardée que par quelques maigres débris à déblayer. Le pas concentré et craintif de l'escouade devint rapidement plus affirmé à mesure qu'ils avançaient toujours plus profondément vers leur objectif. La peur se mua en espoir. Seth se mit au niveau d'Amélia et Sélène, confus. Il les regarda sans dire mot jusqu'à trouver la bonne approche.

- Je suis désolé, pour tout à l'heure. Je n'aurai pas dû vous abandonner et me ruer au combat comme je l'ai fait. C'était une décision pour le moins stupide. Veuillez accepter mes excuses. Dit-il sur un ton solennel, la sincérité transparaissait dans ses mots.

- Tu t'es comporté comme le dernier des mufles. Maugréa Sélène, acide.

- Je comprends pourquoi tu l'as fait mais ce n'était pas digne de toi. Tu n'as jamais été ainsi, de mémoire. On ne jouait pas à Qanthum en solitaire que je sache. Tempéra Amélia.

- Je n'ai pas la prétention de devenir un vrai chef d'escouade un jour après ça. On aurait pu tomber dans un piège et j'ai été l'élément déclencheur. J'ai oublié les principes de base. C'est inacceptable.

- Tu vas devoir apprendre à mieux gérer ta soif de revanche, c'est tout. Nous ne sommes plus des initiés ici mais des soldats. Tu pourrais te comporter en militaire discipliné si tu n'avais pas un second moteur émotionnel à la place du cerveau. Répondit Sélène, furieuse, elle n'avait visiblement pas digéré cet épisode.

- Cette critique est méritée. Je vais essayer de récupérer des informations.

Le jeune homme accéléra le pas pour arriver au niveau du sous-officier qui se tenait en tête de file. Il savait que le grade d'un soldat faisait varier les capacités de son équipement et les possibilités de l'IA intégré à son casque. Ainsi, il espérait que son supérieur pourrait le renseigner, certains sujets méritaient d'être traité dans un moment d'accalmie comme celui-ci. Se plaçant aux côtés du sergent, Seth hocha la tête respectueuse.

- Monsieur ? Puis-je vous poser quelques questions ?

- Faites, Seth. Nous avons le temps, n'en déplaise à nos charmants ennemis.

- Merci. Avez-vous pu obtenir des informations sur le reste de l'escouade ? Les autres aéronefs ont-ils tous été abattus ? Sommes-nous tous dans ces galeries ? Sommes-nous seuls ?

- Lorsque nous sommes tombés, j'ai pu entendre les conversations de mes pairs. Je pense que d'autres sont en vie mais je ne crois pas que nous nous soyons écrasés proche d'un autre véhicule. Les skryns ont utilisé des lancés de spores acides pour nous abattre et ont tenté de lacérer nos aéronefs en pleine chute. Ces animaux ne sont pas stupides... quoi qu'il en soit, si certain ont survécu, nous les trouverons à la surface.

- Quel est le pourcentage de chance de survie d'un groupe entier ayant survécu au crash de sa navette et se retrouvant en territoire skryn ? Demanda alors Seth, impatient.

- Pourquoi cette question ? Rétorqua le gradé.

Le jeune homme demeura silencieux un instant, que pouvait-il répondre à ça ? Bien entendu, qu'ils se faisaient du soucis pour ses amis. Aito, Leen et surtout Dante étaient quelque part dans cette fourmilière immonde. Il voulait les revoir et leur serrer la main en leur annonçant que le travail était terminé. A cet instant, plus il y pensait, plus il réalisait que ses pensées égoïstes de survie l'avait conduit à ignorer l'absence de ses camarades. Encore un autre défaut à ajouter à la liste de ses imperfections de leader.

Continuant d'avancer, il ne parvenait pas à formuler une réponse satisfaisante. La simple pensée de n'avoir pu dire au-revoir à Dante qui était son plus ancien ami l'étreignait. Pire que tout, ils s'étaient quittés dans un grand sourire entendu, comme si le combat n'était qu'une formalité. Comment se portait son frère de sang ? Son attachement à celui qu'il avait fini par assimiler à sa propre famille dépassait tout le reste. C'est en songeant au calme de Dante qu'il trouva sa réponse.

- En calculant les possibilités pour chaque escouade nous pourrions estimer nos propres chances d'efficacité. Nous avons été envoyé en renfort, si je ne m'abuse ? Alors je dois me rendre compte de la pertinence de notre présence.

- Les probabilités ? Tu veux calculer des probabilités dans un moment pareil ? Tu n'es pas une recrue comme on en croise d'habitude, Seth, laisse-moi te le dire. D'après moi ... je pense qu'évaluer ces chances à 15% serait raisonnable.

Le masque de Seth empêcha son supérieur de voir son visage se décomposer à l'annonce de ce pourcentage ridiculement faible. Il gratifia son supérieur d'un mouvement de tête et le laissa reprendre la tête. Le jeune homme se résolut à contenir ses émotions le plus longtemps possible, il ne devait pas faire preuve de faiblesse dans un moment aussi cruciale. Il fallait demeurer stoïque. Il s'employa donc à contenir les noires pensées qui traversaient son être.



L'escouade arriva enfin dans une nouvelle grande salle dont le fond était un cul-de-sac effondré. A droite, on pouvait voir se dessiner ce qui ressemblait vaguement à un quai recouvert de poussière. Tout y était. Trois anciens lampadaires désaffectés, des bancs figés attendant des voyageurs qui ne viendraient jamais mais surtout, le plus important, l'entrée vers un ascenseur dont le couloir remontait vers les hauteurs. Quelques maigres lueurs éclairaient encore, ici et là, cette station en ruine. Peut-être y avait-il encore de l'espoir ?

Le sergent fit un signe de la main et ordonna aux initiés de se mettre en formation de combat. L'escouade avança prudemment, pas à pas, vers sa précieuse destination. La tension était soudain remontée d'un cran tant le silence des lieux et l'aspect glaçant qui s'en dégageait paraissait surnaturels. Quelque chose semblait attendre dans le noir. Les capteurs n'indiquaient rien. Les IA ne s'affolaient pas. Si un skryn avait été repéré, ils seraient déjà au courant. Le besoin d'échapper à cet enfer devint de plus en plus insoutenable.

C'est ainsi que, sans crier gare, l'une des recrue rescapée du groupe qu'avait rejoint le trio craqua. L'adolescent s'élança comme un fou, courant à toutes jambes. Il émettait des cris de joie et glorifiait on ne sait quelle divinité ou esprit bienveillant d'avoir voulu l'épargner. Le sergent lui intima de revenir sur le champ sous peine de sanction mais le pauvre erre n'en fit qu'à sa tête. On entend un craquement, un grondement. L'importun s'immobilisa.

Seth, Amélia, Sélène et les autres eurent le temps de voir bouger le sable noirâtre sous les pieds du malheureux puis, émergeant des profondes, il apparut. Une créature gargantuesque à la peau muqueuse et aux balafres orangées. Sa gueule béante attrapa l'initiée à la taille et, d'un coup de patte, coupa le corps en deux. Le tronc voltigea en direction de l'escouade qui se mit à faire feu par réflexe. On hurlait, on se débattait, on souhaitait une agonie rapide à la chose.

Le skryn dont la peau semblait absorber le choc des balles s'élança avec une célérité qu'on ne lui aurait pas deviné, les tentacules sur son dos virevoltant avec hâte. Seth cria à Amélia et Sélène de se déporter sur le côté en dépit des ordres du sergent qui ordonnait aux recrues de rester sur une même ligne. A peine le trio eut-il décalé sa position que l'aberration sautait et atterrissait dans un craquement macabre sur un autre soldat. Les tentacules se jetèrent à l'assaut du sergent resté trop près et le perforèrent sans ménagement puis le propulsèrent dans le lointain.

Le trio recule en toute hâte poursuivant ses tirs, Seth eut le réflexe d'attraper son pistolet de détresse et tira une fusée éclairante en direction de la créature. Celle-ci émit un hurlement plaintif, aveuglée. Elle ne le resterait cependant pas longtemps.

Au loin, on entendit le son caractéristique de l'ascenseur attendant ses passagers. Il n'y avait plus de temps à perdre. Le trio s'élança alors en direction des quais en souhaitant ne pas être rattrapé...



Hellions : partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant