* * *
Le son des bottes avançant péniblement dans la pénombre couvrait à peine les étranges échos des gouttes tombant au sol. Dans quel étrange lieu avaient-ils bien pu attérir ? C'était la question que se posait Amélia, fatiguée, trainant le corps inconscient de Seth avec l'aide de Sélène. L'ascenseur avait chuté dans les profondeurs abyssales et passé le temps des cris, de la peur puis de la douleur ... le duo de jeunes femmes avait porté leur camarade blessé pour tenter d'avancer par l'unique chemin qui s'était offert à elles.
Exit, le sol couvert d'un sable étrangement sombre. C'est désormais sur un plancher métallique qu'elles avancaient avec pour seule compagnie quelques fugaces lumières bleutés jonchant de part et d'autre ce tunnel sans fin qui ne semblait aboutir nul part. Où étaient-elles ? Un tel lieu, situé plus profond encore qu'une ancienne rame de tram souterrain ? Accessible depuis un ascenseur qui se voulait public ?
Voilà bien une heure qu'elle luttait de toute ses forces pour ne pas flancher, Seth n'était pas des plus légers et l'armure n'aidait en rien. Plusieurs fois, Sélène et elle avait dû s'arrêter pour reprendre leur souffle. A leur grand étonnement, le skryn ne les avait pas suivi et elle espérait vivement qu'il soit mort de ses blessures. Aucune présence de ces maudits animaux, ici. Il valait mieux, par ailleurs, leurs armes ayant été réduites en miettes par leur descente et leurs IA ne fonctionnant plus à cette profondeur.
Livrées à elles-mêmes au sein d'un environnement inconnu mais visiblement de facture humaine, elles tentaient de trouver une indication ou un indice quelconque sur leur position. Mais à part des portes scellées, des flèches et des écrans éteints, rien ne leur était apparu comme utile. Sélène, pourtant habituée à demeurer inaffectable, commençait lentement à ne plus croire en leur survie.
Amélia cessa soudain d'avancer lorsque d'étranges vibrations commencèrent à faire trembler le sol par petits assauts successifs. Les murs vrombissaient légèrement et le plancher, pourtant stable, semblait trembler. Instinctivement, les deux filles se placèrent contre un mur et posèrent Seth. S'agroupissant, elles tentaient de distinguer la moindre trace ou le moindre indice qui pourraient les aider à comprendre ce qu'il se passait, si un danger les guettait, elles devaient rapidement identifier de quoi il s'agissait.
- Des skryns ? Demanda Amélia, sa camarade répondant par la négative.
- Je ne pense pas. Écoute. On dirait des bruits venant d'une machine. Mais c'est étrange qu'on ne l'entendent que maintenant. Répondit Sélène, aux aguets.
- Une machine, tu as raison... mais quel genre de machine ? Où a-t-on bien pu attérir ? C'est invraisemblable.
- Je n'en sais pas plus que toi, Amélia. Sélène jeta un regard à Seth, toujours inconscient, assis contre le mur.
Elle retira son casque pour dévoiler sa face ensanglantée, il s'était ouvert l'arcade mais avait heureusement été aspergé sur sa plaie d'un gel à cicatrisation rapide par les filles. Chaque tenue en possédant un intégré au niveau d'un recoin spécifique du torse.
Un bruit étrange se fit entendre. Une sorte de crissement, de grondement, strident. Comme si quelque chose ou quelqu'un découpait avec une infime précision une plaque d'une extrême résistance. Le son n'était pas assez fort pour déranger le duo. Amélia se leva et fit quelques pas vers l'avant, sa curiosité piquée au vif. De quoi pouvait-il bien s'agir ? L'étrange écho se poursuivait sans discontinuer. Sélène, peu rassurée, demeurait auprès de Seth, une mine grave plantée sur le visage.
Pas à pas, Amélia s'éloignait de ses compagnons pour pénétrer toujours plus loin dans ce tunnel froid et sordide où nul ne viendrait la secourir. Bravant sa peur, elle se laissait porter par son désir de savoir. Au fond de sa poitrine, son coeur battait la chamade et elle pouvait sentir les gouttes de sueur de son front perler puis glisser sur sa joue. Elle ressentait une effrayante sensation de danger mais pourquoi ? Le bruit cessa d'un coup, sèchement, sans décroître. Dans le silence qui en résulta, il y a eu un craquement.
Tout s'enchaina. Sélène eut à peine le temps de crier que, déjà, Amélia pivotait pour voir le plafond s'effondrer. Les débris métalliques coupèrent sa route et sa replie, la séparant de façon définitive de sa camarade. Les débris formèrent une sorte de rampe qu'elle s'empressa de gravir pour accéder à l'étage supérieur où une étrange lumière émeraude dominait le bleu clair mais pourtant terne des installations.
Poussée par une incroyabale sensation d'envie et de désir profond, elle gravit la pile de cadavres métalliques, de poutres arrachés et de câbles à vifs. Tel une forcenée, elle oublia son duo de camarades. Elle grimpa, encore et encore. Ce qu'elle découvrit en arrivant au bout de ses peines dépassa son imagination.
Elle se trouvait désormais dans une salle aux dimensions gargantuesques parsemés de dizaines de passerelles sur tout son contour. Elle n'était constituée sur son plancher le plus bas que d'un large amas de tubes haut d'environ trois mètres pour deux de diamètre. Au plafond et aux sols, des diodes d'un bleu vif illuminait les lieux ... sans compter les flammes et arcs électriques. L'endroit avait subis des dommages et cela se voyait. Débris et impacts se succédaient dans les étranges silos. Certains étaient éventrés, crachant un liquide dont le teint vert semblait indescriptible tant il contredisait la logique. Émerveillée par le gigantisme de ces lieux, elle en oublia de se focaliser sur l'essentiel.
Au centre de la pièce une structure de haute technologie en forme de sablier de plusieurs mètres dominait les lieux. Ses ramifications hautes et basses étaient grossières, les lampes qui y clignotaient les transformant presque en attracation pour enfant. Au point de jonction de ces entités, un vide d'où émanait une teinte émeraude comme elle n'en avait vu d'autres. Une coloration si pur que ses iris s'y perdirent et qu'elle crut en perdre l'usage de la vue.
Lentement, la lumière décrue et ce qu'elle aperçut alors la figea. Là-haut, dans cet espace vide où aurait pu trôner un astre de joaillerie, se dessinait peu à peu une silhouette. Quoi que ce fut, elle ne sut le décrire. Une grand créature humanoïde à la peau blanche dont la consistance semblait osciller entre la plus parfaite linéarité et l'incohérence granuleuse. Quelques étranges traits fins à l'éclat saphir ornaient sa peau comme des câbles auraient pu couvrir une machine ou une combinaison.
La chose possédaient des bras puissants se terminant par trois longs doigts tentaculaires pourvus d'ongles griffus. Ses jambes élancées ressemblaient à s'y méprendre à des pattes animales dont les genoux auraient été placés en postérieur plutôt qu'en antérieur pour une meilleure célérité. Sa tête était longue, recourbée vers l'arrière et possédait pour ornement une crète aux rayures azurées. Enfin, il était pourvu d'une très longue queue s'achevant par ce qui s'apparentait à une lame.
Amélia fut stupéfaite, horrifiée, terrifiée, apeurée ... et fascinée. Cette chose tenait en lévitation au creux de sa paume trois pierres difformes mais bien palpable dont la teinte faiblissante rappelait la lumière aveuglante de tantôt. De quoi s'agissait-il ? Elle l'ignorait. Elle était, seule, devant l'inconnu. La chose tourna son visage, ou ce qui y ressemblait, vers elle. La jeune femme contempla, de loin, ses grands yeux scintillants sans paupières ni pupilles. Quelques fugaces instants, elle aurait juré que la créature sans bouche lui avait sourit ... ce qui relevait du non-sens le plus total.
L'instant d'après, elle avait disparu. Sans traces, ni fumée. Rien. Cette mystérieuse entité s'était volatilisée pour laisser place à un vacarme assourdissant fait de tirs, de cris, de jurons et de grognements animaux.
Depuis le plafond, on entendit un hurlement déchirant. Une masse noirâtre traversa le métal pour tomber et s'écraser à quelques dizaines de mètres de la jeune femme. Elle se figea.
L'avaient-ils retrouvée ?
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Hellions : partie 1
Science FictionUn monde parfait. Un quotidien idyllique. Une jeune fille insouciante. Une tragédie. A une époque où la technologie frôle le fantastique et où les normes segmentent la société selon un équilibrage presque parfait, certains se plairaient à dire que l...