Hellions : partie 1

Chapitre 5 - #10

Sélène suivit docilement Seth à travers les dédales du Centre sans relancer la conversation. Elle se contenta d'observer son camarade, légèrement devant elle. Son ascension au stade de Hellions ne l'avait pas uniquement changé physiquement, elle percevait en lui une détermination nouvelle et une force qu'elle n'aurait pas soupçonné. A ce jeu-là, il n'était plus question de comprendre s'il avait évolué mais de savoir dans quelle proportion l'ancien initié était devenu un être bien plus complexe. Son rapprochement avec les Spectres l'avait, espérait-elle, épargné de cette frénésie caractéristique que leur avait décrit les Fantômes. Seth choisit de briser la glace à mi-chemin de l'aile privée où les Spectres possédaient leurs quartiers.

- Pourquoi veux-tu absolument rencontrer cette escouade ? Tes raisons sont importantes.

- Ma convalescence a eu des effets étranges... comme tu le sais déjà, j'ai perdu mes parents il y a des années dans un accident au centre de recherche nucléaire à Shion.

- Tu nous en avais parlé, oui. Et bien ?

- Ce que tu ne sais pas, c'est que je pense que ce n'était pas un accident. Des fragments de souvenirs me sont revenus avec les années et je suis prête à affirmer qu'il y avait quelqu'un dans les décombres enflammés qui ont résulté des explosions qui ont emporté mes parents. Il y avait quelqu'un dans ce laboratoire. Expliqua la jeune femme sans laisser paraître plus d'émotions que nécessaire.

- Es-tu certaine de ça ? Le cerveau peut nous jouer des tours et nous aider à faire notre deuil en créant des illusions ou en modifiant des souvenirs.

- Je sais ce que j'ai vu, Seth. Tout est limpide dans mon esprit. Je pourrai te décrire la scène comme j'y étais. Elle marqua une pause. L'inconscience dans laquelle j'ai plongé a offert à mon cerveau la possibilité de me montrer de nouveaux morceaux de ces instants. Je ne pourrai pas t'expliquer. J'étais là-bas. J'étais avec eux. De l'autre côté de la pièce. J'ai vu la scène. Il y avait quelque chose dans ce centre de recherche, Seth. J'en suis certaine.

Il resta interdit, ralentissant le pas pour mieux apprécier la véracité de ce qu'elle venait de lui raconter. Son visage traduisait sa perplexité et elle nota sans mal que son expression s'était lentement modifiée, oscillant entre la compassion et la réflexion. 

- Tu ne me crois pas ? Renchérit-elle.

- En admettant que tout ceci soit vrai. En admettant que tu sois parvenue, on ne sait comment, à voir ce que tu n'as pas vécu. Pourquoi veux-tu voir les Spectres ?

- L'individu que j'ai vu portait des vêtements noirs très semblables à ceux que portent les membres de cette escouade. Il avait un signe distinctif, un tatouage. Peut-être que tes nouveaux camarades sauront m'indiquer de qui il s'agit.

Seth s'arrêta brusquement, il pivota et bloqua la route de Sélène en posant son poing sur le mur. Il la fixa quelques instants sans rien dire, elle passa sur la défensive. Ses yeux trahissaient un agacement et une difficulté notable à contenir ses émotions. Instinctivement, elle s'apprêta à le confronter si besoin.

- Premièrement, ce ne sont pas mes nouveaux camarades. Baalh est le seul Spectre qui m'adresse aujourd'hui la parole. Ils me tolèrent mais ne m'ont, en rien, accepté. Je ne fais pas parti de leur petit groupe. Deuxièmement, tu es bien consciente que tu t'apprêtes à mettre un coup de pieds dans une fourmilière sur des ... perceptions ? Des rêves ? Es-tu seulement consciente de ça ?

- Et alors ? Si ces types peuvent m'aider à comprendre qui a tué mes parents ... alors je leur poserai toutes les questions qu'il faudra. Quitte à les travailler jusqu'à la moelle ! Gronda Sélène, prise dans un élan de rage naissant.

- C'est absurde ! Tu ne peux pas débarquer et faire ta loi ! Contrôle-toi. Le Venom exacerbe tes émotions ! Cria-t-il à son attention, la saisissant aux épaules pour la faire reprendre ses esprits.

Emportée dans un torrent d'émotions devenues alors difficile à réprimer, Sélène agrippa la main droite de son collègue et commença à forcer pour la retirer. Il força pour l'en empêcher mais constata, ébahit, qu'elle parvenait à lui résister. Sa main reculait... ses doigts se décollaient tandis que la jeune femme s'abandonnait à une colère sourde. Il s'entraînait depuis des jours, alors comment était-elle en mesure de lui résister si facilement ? Refusant de faire monter la tension, il prit la décision de reculer.

- Sélène, reprends-toi. Tu ne dois pas laisser ces souvenirs te contrôler, tu t'apprêtes à faire une énorme bêtise ! Ça suffit, arrête ça !

Malgré ses demandes, Seth comprit rapidement que la jeune femme serait très bientôt hors de contrôle. Totalement envahit par ses rêves, ses cauchemars et ses souvenirs, elle était désormais entrée dans une spirale de laquelle il serait difficile de l'extraire. Alors qu'il s'apprêtait à la confronter, il la vit abaisser la tête et réprimer, une à une, ses émotions les plus envahissantes. Par sa simple volonté et à la force de son seul caractère, elle affrontait le feu par le feu et il la sentit retrouver sa stabilité. Elle en sortit, néanmoins, affaiblie et il vint rapidement auprès de son amie pour la soutenir alors qu'elle s'apprêtait à tomber.

Sans lui adresser un mot, il l'aida à se maintenir debout, perplexe. Ce qu'il avait ressenti à l'instant l'avait, malgré tout, effrayé. Il n'avait jamais perdu le contrôle et ne souhaitait cela à aucun des siens. Baalh l'avait averti des risques. Sélène était plus qu'instable et il venait d'en avoir la preuve.

- Amène-moi aux Spectres... s'il te plaît. Murmura-t-elle, suppliante.

- Dans quel état veux-tu te mettre ? Ce n'est pas sérieux, Sélène. Je vais surtout t'amener à ta chambre. Que feras-tu, même, si tu obtiens tes réponses ?

- J'irai trouver celui qui m'a tout pris... et je le tuerai. C'est mon seul objectif... peux-tu comprendre ? Poursuivit la jeune femme, sa voix s'éteignant à mesure qu'elle achevait ses phrases. Profondément, exténuée, elle s'abandonnait à ses délires de vengeances.

- Je ne peux pas te laisser faire ça. Tout est plus compliqué maintenant. Je vais te ramener, tu n'es pas en état de voir qui que ce soit.

Dans l'impossibilité de lutter, Sélène se laissa porter jusqu'à la pièce qu'elle occupait avant son passage dans le laboratoire. Elle laissa Seth la coucher et s'endormit presque aussitôt que son dos fut coller au matelas. Confus et inquiet, il se retira sans en faire plus. Lorsque la porte se referma, il constata que quelqu'un se trouvait tout près de lui. Il tourna la tête pour découvrir Meta adossé au mur. Le Fantôme lui adressa un mouvement de tête.

- Comment va-t-elle ? Demanda-t-il, sans tact.

Seth soupira. Que faisait-il là, celui-ci ?