Chapitre 4 - #7

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La jeune Sélène attendit sa mère, assise et calme, pendant plusieurs minutes avant d'enfin entendre les claquements de ses talons haut sur le plancher de métal qui constituait le hall du centre. Elle se leva instinctivement et se rendit auprès d'elle. Mia Haagsen était une femme relativement grande, d'un bon mètre soixante-quinze. 

Elle avait des cheveux noirs semblables à ceux de sa fille, quoi qu'un brin plus clair tirant sur le brun foncé, coiffés en chignon avec seulement quelques mèches descendantes sur les côtés de son visage et sur ses oreilles. Une petite paire de lunettes mettait en valeur ses yeux couleur bois et son tailleur gris foncé trouvait une résonance particulière avec la longue blouse blanche qui suivait ses mouvements telle une cape.

La fille avait toujours été très admirative de la mère. Elle voyait en elle une femme d'une sévère justesse et d'une affection rare avec son seul enfant lorsqu'elle ne se trouvait pas en public. Au milieu des allers-venus du hall, elle se montra distante comme à son habitude. Avec un simple hochement de tête et un "bonjour" des plus froids, elle demanda à sa fille de la suivre jusque dans les sous-sol. 

Elles prirent un ascenseur, sans dire un mot et se retrouvèrent quelques instants plus tard dans le bureau personnel du professeur Haagsen. Une fois la porte fermée, la sévère chercheuse s'adoucit progressivement pour offrir un grand sourire à son enfant.

- Sélène, je suis heureuse que tu sois venue. Tu es en avance ?

- Oui mais j'ai eu le temps de passer prendre un petit quelque chose. L'adolescente désigna son collier et la mère vint le prendre entre ses doigts.

- C'est une ankh, n'est-ce pas ? Elle est vraiment bien travaillée. Où l'as-tu eu ?

- Dans un magasin, pas très loin d'ici. Je me suis un peu renseigné sur ce qu'elle représente. Il y a vraiment eu des gens qui vénéraient des dieux invisibles ? Ça paraît un peu farfelu, tu trouves pas ?

- Les croyances évoluent avec le temps j'imagine. En tout cas, le symbolisme est intemporel.

- Il te reste beaucoup de travail, m'man ? Demanda la fille qui ne souhaitait pas rester, une nouvelle fois, enfermée dans le bureau.

- J'en ai encore pour une heure. Quelques tests à finir. On fait comme d'habitude, d'accord ? Je ne veux pas que tu sortes d'ici. Tu risques de te faire embarquer par la sécurité comme la semaine dernière.

- Je m'ennuie toute seule, je n'y peux rien. Ronchonna Sélène en haussant les épaules.

- Ton père ne devrait pas tarder. S'il arrive suffisamment tôt, vous partirez ensemble comme prévu pour le cinéma et vous prendrez les places en avant. Ça te va ?

- Sois pas en retard, toi, surtout. Grogna la fille, la mère eut un rire nerveux puis elle hocha la tête.

- Je te promets que cette fois-ci, je serai là et que vous ne serez pas seul.

Mia déposa un baiser sur la tête de sa fille et sortit du bureau en la laissant à l'intérieur. Sélène ne pouvait en vouloir à sa génitrice et elle le savait. Son travail de recherche dans le centre bénéficiait à toute la cité et il aurait été égoïste de lui faire un caprice même si elle en mourrait parfois d'envie. Ses horaires défiaient, souvent, la logique et en comptant les multiples heures de gardes de son père, Sélène passait beaucoup de son temps seule. 

Ils avaient décidé de faire une sortie cinéma obligatoire en famille une fois par semaine afin de pouvoir se retrouver et rire ensemble. Ces derniers temps, ceci dit, elle avait remarqué que sa mère avait manqué plusieurs de leurs rendez-vous suite à des "recherches importantes" dans son laboratoire. Elle refusait d'en dire plus, ce n'était pas faute d'avoir investigué.

Aussi espiègle pouvait-elle être, Sélène s'était toujours refusée à tenter de s'aventurer au-delà du bureau de sa mère. Ici, au cœur même du centre de recherche, elle savait que sa présence pourrait porter préjudice à sa génitrice. Elle ne voyait rien de mal à tenter de s'infiltrer ici et là dans les pièces du rez-de-chaussée qui servaient avant tout de salles de réunion mais il ne fut jamais question, pour elle, de s'aventurer dans les couloirs une fois l'ascenseur prit.

D'une part, elle s'en serait mortellement voulue de compromettre les travaux de sa mère avec ses lubies adolescentes d'espionnage. D'autre part, elle n'avait aucune envie de se retrouver dans les geôles réservées aux intrus qui seraient sans doute moins confortable que le bureau. Celui-ci se présentait comme une grande salle grise illuminée. On y trouvait quelques plates décoratives ici et là. Un canapé le long du mur de gauche faisait face à une table où se trouvait des revues scientifiques.

Au fond de la pièce, un bureau métallique noir transparent peu ordonné où s'empilaient divers objets technologiques, quelques feuilles et où étaient disposés plusieurs plaques de projection holographiques qui servaient d'écran d'ordinateur comme de projecteurs pour les réunions à distance avec le reste des équipes. Le tout était enrobé dans un design high-tech très haut de gamme.

Comme à son habitude, Sélène retira ses chaussures et se jeta dans le canapé pour s'y allonger de tout son long, la tête parfaitement calée avec un coussin contre un accoudoir. Ainsi placée, elle alluma son smartphone et commença à surfer à la recherche de vidéos quelconques à regarder récemment publiées sur le net. Elle tomba sur quelques perles d'humour mais aussi sur une déclaration aux limites du complotisme invitant les citoyens à se rebeller contre le gouvernement de leurs cités.

Les rebelles usaient de tous les moyens pour faire passer leurs idées nauséabondes mais, heureusement, l'internet était bien contrôlé et il était impossible que de telles inepties y survivent plus d'une heure ou deux grand maximum. Elle fut stoppée dans ses recherches lorsque quelqu'un entra dans la salle. Il s'agissait de son père.

Un bon mètre quatre-vingt, musclé et à la silhouette carré. Une fine barbe mal taillée et des cheveux courts poivre et sel. Un visage sévère immédiatement adoucit lorsque sa progéniture vint à sa rencontre pour l'embrasser. Il trimbalait un sac brun délavé sur son épaule, tel un sac à patates.

- Tu es en avance ! Maman avait dit que tu serais là plus tôt mais pas à ce point-là. Lança-t-elle, tout sourire. Il le lui rendit.

- Oui j'ai eu la chance de laisser ma brigade à un sous-officier. Je dois passer voir ta mère et jeter un œil sur la sécurité du complexe avant que nous puissions y aller. J'en ai pas pour longtemps, tu sais que je ne comprends rien à tous leurs trucs scientifique.  Répondit-il, l'air faussement stupide. 

Posant son sac contre le mur, il rouvrit la porte et soudain retentit une explosion. La détonation fit s'éteindre les lumières qui passèrent en mode tamisée surplombée par une teinte rouge. Une alarme effroyable se déclencha et Sélène s'effondra à terre alors qu'une grande partie des objets de la pièce s'échouait à terre. Reprenant ses esprits et commençant à entendre de l'agitation dans le couloir, elle aperçut son père lui lancé un regard des plus inquiets. Il leva la main et haussa le ton.

- Surtout, tu ne bouges pas ! Lui ordonna-t-il sèchement, c'était la première fois de sa vie qu'elle le voyait lui parler ainsi.

Sans attendre, elle se carapata au niveau du canapé et tenta de rassembler quelques affaires éparpillées tandis que son père s'élançait en claquant la porte derrière lui. L'alarme n'en finissait pas et ce bruit strident conduisit l'adolescente à se boucher les oreilles avec ses mains. Une odeur de fumée parvint à ses narines et elle sentit clairement une odeur acide piquer l'intérieur de ses fosses nasales. 

Que se passait-il donc ?



Hellions : partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant