Chapitre 4 - #4

553 86 3
                                    

Seth et Dante s'étaient creusés la tête pendant près d'une heure et demi avant de finalement s'accorder sur l'impossibilité de trancher leur décision de façon immédiate. Les deux jeunes hommes s'étaient alors quittés à la sortie de la bibliothèque, l'un partant dormir tandis que Dante préférait une lente déambulation dans les couloirs du Centre. Cet endroit avait quelque chose d'intrigant et d'ancien qui ne cessait de le troubler, il y avait en ces tunnels faiblement illuminés aux couleurs rutilantes une imperceptible sensation d'infinité.

Il était difficile de préciser la nature du sentiment qui animait son inconscient et c'est à la recherche des termes exacts qu'il s'était aventuré dans ces dédales moelleux et d'apparence bienveillante. Son corps n'avait jamais été aussi actif sur le plan des sensations et du ressenti. Il respirait différemment et appréhendait son environnement avec une hauteur qu'il ne se connaissait pas. Les injections du sérum de Kain avaient-elles exacerbé ses sens primaires ? Devait-il s'en inquiéter ? Difficile de le dire. Impossible, même.

Embourbé dans ses considérations et dans sa redécouverte progressive de ses propres sens, il sentit subitement une petite poigne, froide, attraper sa main. La différence de température le fit sursauter et il fit un pas de côté. Une jeune fille émergea d'une sorte de rideau, couleur bordeaux, qui jonchait parfois les bords des couloirs. Un instant suffit à Dante pour la reconnaître, il se rattrapa et approcha. Il ignorait pourquoi mais il était pris d'une sensation de confiance à son égard.

Surmontés par ses lunettes steampunk, ses cheveux noirs aux reflets rouges étaient désormais pourvu d'une très large mèche de cette même couleur lui tombant sur la droite du visage. Son regard enfantin et tendre n'avait, lui, pas changé. La jeune femme était vêtue d'un petit haut sombre laissant apparaître une partie de son ventre et d'un bas somme toute classique. Elle fit quelques pas vers lui et il l'interpela.

- Road ? Demanda-t-il. Rien de plus ne lui vint.

- Tu te souviens de mon prénom, alors ? Je suis flattée. J'avais peur que tu ne t'enfuis après notre dernière rencontre. Elle lui sourit, espiègle.

- Tes méthodes sont peu orthodoxes. Je n'ai toujours pas compris l'intérêt que tu avais eu à venir ce soir-là.

- Moi non plus. Elle haussa les épaules, laissant le jeune homme pantois.

- Pourquoi l'avoir fait ? Ça n'a pas de sens auquel cas. Tu as été prise d'une simple envie subite et tu l'as fait ?

- Viens avec moi. Dit-elle simplement en passant le bout de ses doigts sur les contours de son menton.

Dante recula à nouveau, il n'avait pas souvenir de l'avoir vu s'approcher aussi près. Docilement, cependant, il reprit sa marche à travers les couloirs en compagnie de l'énigmatique personnage qui avait, par le passé, pénétré ses quartiers privés. Il joignit ses mains dans son dos et revint au niveau de Road. Quelques instants, il attendit qu'elle relance la discussion mais voyant qu'elle ne s'y attelait pas, il éleva à nouveau la voix.

- Je ne pensais pas achever mes déambulations avec toi.

- Tu ne peux t'empêcher de parler, n'est-ce pas ? Ne pouvais-tu pas apprécier le silence ? Lança-t-elle, un moue faussement triste sur le visage.

- Je commence à avoir suffisamment d'expériences en la matière pour ne pas laisser le silence s'éterniser avec une Spectre. Ma méfiance à votre égard est toujours d'actualité. Renchérit-il.

- Pourtant, elle s'est affaiblie. Tu as reçu une proposition à laquelle tu ne t'attendais visiblement pas. Correct ? Dante tiqua et l'observa.

- Baalh t'a déjà mise au courant ?

- Oh... alors c'est lui ? Non, je n'en savais rien. Road eut un petit rire nerveux et arbora alors un sourire en coin. J'avais seulement une intuition que tu as confirmé.

- Si nous devons continuer ce petit jeu, tu vas devoir arrêter de te servir de tes capacités de hellion sur moi. Dante se figea et s'adossa au mur derrière lui.

- Ca ne marche pas comme ça... nous ne sommes pas tous capable de prouesses incroyables et ne pouvons pas tous choisir quand utiliser nos dons. Elle le fixa et pour la première fois, Dante perçu une once de sérieux en elle.

- Que veux-tu dire ? Je ne pourrai jamais comprendre si tu ne m'expliques pas. Dit-il à son tour, tentant de justifier son invective précédente sans trop savoir pourquoi.

- Les hellions ne sont pas tous égaux. Le Venom a des effets distincts selon les individus comme tu le sais sans doute déjà. Certains d'entre nous développent des capacités qui défient la rationalité commune quand d'autres restent de simples êtres humains augmentés génétiquement. Seuls ceux de la première catégorie vivent ici.

Le jeune homme l'écouta avec plus d'attention qu'auparavant, le ton de voix de la jeune fille avait changé. Elle était désormais bien plus investie, il y avait comme un malaise au fond d'elle. Une sorte de mélancolie qu'elle tentait de cacher. Il se surprit à découvrir des sentiments humains, pour la première fois, chez l'un d'entre eux. Il la laissa s'approcher de lui. Elle triturait ses doigts, la mine basse.

- Mais même parmi nous, il existe des disparités. Certains pouvoirs sont destructeurs quand d'autres renforcent juste leur utilisateur. Je suis une hellion hyper-sensorielle. Mon corps, mon esprit et mon cœur détectent les choses avant qu'elles ne me soient dites. Je peux entendre et voir des évidences qui échapperaient normalement à ma connaissance. C'est ainsi que j'ai su où te trouver, que j'ai su que tu étais en proie au doute concernant mon escouade. Elle releva la tête pour le fixer.

- Et je suppose que cette capacité est active pleinement partout où tu te trouves. Tout le temps.

- Tu as raison. Je ne peux pas empêcher mon corps de capter certaines choses et j'agis en conséquence. C'est dans ma nature. Comprends-tu ? Tout cela est plus complexe qu'on ne le pense de prime abord.

- Il semblerait. Pourquoi avoir rejoins les spectres ? Tu es hyper-sensorielle et, je le pense aussi, très sensible d'un point de vue émotionnel. Pourquoi avoir intégré une escouade décriée pour ses méthodes très ...

- Très contestable moralement... ? Finit-elle, il approuva d'un mouvement de la main.

- J'ai peur qu'il ne soit pas encore l'heure de répondre à cette question, Dante. Vraiment. Elle posa ses mains sur son torse et se nicha près de lui. Il se surprit alors à la tenir contre lui, tendrement. Que lui arrivait-il donc ? Il était bien trop tendre avec cette quasi-inconnue.

- Je comprends... je crois. Dit-il uniquement, la voyant se retirer de son étreinte.

- Mais je peux te dire que si j'ai été dans cette chambre, avec toi, il y a quelques temps... c'est parce que mon instinct voulait que je te rencontre.

Dante fixa Road et elle lui retourna un sourire. Devait-il conclure qu'une sorte de destiné était à l'œuvre ou les perceptions de la hellion l'avaient-elles averti d'une nécessité plus imminente et plus pressante ? C'était là toute la question.



Hellions : partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant