Le son d'une cloche résonna dans l'immense salle ronde réservée à l'entraînement des initiés. Les aspirants se jetèrent alors les uns sur les autres. Chaque duo de recrues devant inéluctablement finir son combat pour désigner un vainqueur. Une fois l'un d'eux à terre, un des quatre murs isolant les deux pairs des autres duellistes s'abaissait pour donner accès à une autre chambre de l'arène contenant également un vainqueur.
Le lieu en lui-même était très haut de plafond et permettait un espacement suffisant dans chaque cellule pour rendre les duels équitables. Au total, c'est bien soixante initiés qui étaient en train de livrer bataille.
Alors que les affrontements à mains nues débutaient, deux individus placés en hauteur fixaient les recrues, à l'abri des regards derrière une vitre, dans une pièce aménagée pour rendre l'étude des combats "distrayantes".
Le premier, mains derrière le dos, debout et stoïque était un homme aux airs sévères d'une cinquantaine d'année arborant une barbe épaisse soigneusement taillée ainsi que des cheveux courts recourbés en arrière. Il portait un uniforme noir aux reliures écarlates, couleur distinctive de l'armée. Sur la droite de son costume était épinglé le symbole de Empire, un triangle bicolore inversé à fond rouge dans lequel on apercevait un scorpion noir.
Le second individu était plus fluet et bien moins imposant. Il possédait des lunettes épaisses, une blouse blanche immaculée et des cheveux bruns ébouriffés. Il se tenait à son côté du militaire en se caressant les mains tel un diablotin prêt à accomplir ses méfaits.
Le premier combat se termina, pour le plus grand bonheur du chercheur qui se mit à ricaner. Il prit le temps de détailler le vainqueur, plutôt grand, large d'épaules, des cheveux courts bruns.
- Et bien... celui-ci est très intéressant. Je l'ai déjà repéré la dernière fois. Quel est son nom déjà ? Demanda-t-il d'une voix malsaine.
- Matricule EX-241. Seth, une bonne recrue. Endurant, rapide, fort. C'est peut-être notre meilleur élément sur cette promotion. Récita le militaire, les yeux rivés sur le reste des affrontements.
- Seth... fascinant. Il ferait un sujet parfait.
Le scientifique eut un rire gras, presque dément.
- Et lui ? Sa rapidité m'impressione, son adversaire n'arrive même pas à le toucher.
Le scientifique désigna du doigt un jeune homme aux cheveux blonds coiffés pour l'occasion en queue de cheval. Il livrait bataille contre un autre aspirant plus vieux et plus robuste que lui. Pour autant, aucun des coups du colosse ne l'avait encore touché. Par ailleurs, il se démarquait par le fait qu'il combatte torse nu contrairement aux restes des combattants qui préféraient garder leurs tenues conventionnelles.
- Matricule JY-123, Dante. Lui aussi, est prometteur... Il n'aime pas l'autorité du corps militaire. Cela lui a valu quelques sanctions disciplinaires. Son esprit est vif, affuté. Il se tire de situations catastrophiques sans encombre.
- J'aime les fortes têtes. Le scientifique gloussa en remontant ses petites lunettes sur ses yeux cruels aux iris grises, avide de nouvelles expériences.
Le militaire gronda et détourna la tête vers le professeur à son côté. Il eut une mine de dégoût, il ne supportait plus cet être dément, sans cohérence ni véritable allégeance. Il resta interdit quelques instants avant de reprendre sur un timbre plus grave.
- Je vous rappelle que les Immortels ont placé l'adhésion à votre boucherie organisée sur la base du volontariat. Alors cessez de lorgner mes futurs soldats avec cet air malsain. Ils ne sont ici que depuis trois mois. Ordonna-t-il en craquant les doigts de sa main droite.
- C'est l'escouade que vous avez formée après l'incident de Sion, n'est-il pas ? Interrogea l'autre, sur un ton glacial, ignorant l'avertissement.
Excédé, le gradé se détourna et s'enfonça un peu plus loin dans la pièce en direction d'un grand bureau de bois massif décoré avec des armatures dorées. Il ouvrit un coffret posé sur celui-ci, à côté d'une lampe à néon semblant dater d'un âge oublié. Il en sortit un cigare dont il coupa l'extrémité.
Enfin, il se saisit d'une boite d'allumettes dont il regarda l'intérieur avec un air pensif. "Plus que cinq..." pensa-t-il soudainement. Ces petits morceaux de bois incandescents n'existaient quasiment plus depuis des lustres.
Haussant les épaules, il gratta la tige, l'enflamma et commença à fumer lentement son précieux héritage qui se faisait, lui aussi, rare au 23ème siècle. Refermant le couvercle de son trésor, il glissa sa main gauche dans son pantalon d'uniforme et approcha à nouveau du scientifique qui n'avait pas cessé de regarder les combats.
La plupart des plus faibles avaient déjà été éliminés de l'épreuve et désormais seuls vingt aspirants s'affrontaient. Le professeur remit une nouvelle fois en place ses lunettes et grinça des dents.
- Il y a de bons éléments. Cette petite tragédie de Sion a donné des fruits inattendus...
- Qu'est-ce que vous insinuez, Kain ? Vous vous réjouissez que des milliers de gens aient été massacrés pour détecter peut-être quatre ou cinq potentiels ?
Le militaire tira une bouffée de son cigare et prit le temps de songer à la suite de sa réponse, considérant tout de même la position de son interlocuteur. Le rapport de force qui les opposait l'un à l'autre n'était pas en faveur.
- Encore une fois... C'est du volontariat. Quand ils sauront de quoi il retourne, ils n'accepteront pas.
- Qui sait... ? J'ai de quoi convaincre ces jeunes gens du bienfondé de mon programme. Il ricana en se frottant les mains. L'autre lui offrit un air dégouté pour toute réponse en lui soufflant sa fumée au visage.
- Vous êtes malade...
- Le génie et la folie vont souvent de paire vous savez.
Le scientifique indiqua un combat en contrebas. Une jeune fille aux cheveux blonds parfaitement lisses venait de triompher d'un garçon largement favori en s'attaquant à son manque d'équilibre.
- Il faut si peu de choses pour réussir... de la détermination et toujours cette petite note de folie qui rend l'existence si intéressante. Le professeur eut un gloussement. Méditez là-dessus, général. Je reviendrai.
Le dénommé Kain se détourna et, glissant ses mains dans les poches de sa blouse, se retira de la pièce en sifflotant un air macabre. Seul, le gradé fixa ses recrues avec un goût amer au fond de la gorge. Ce n'était pas le cigare... mais bien cette limace de scientifique qui lui provoquait cette sensation.
- Espèce de dingue... Dit-il dans un soupir de désespoir.
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Hellions : partie 1
Science FictionUn monde parfait. Un quotidien idyllique. Une jeune fille insouciante. Une tragédie. A une époque où la technologie frôle le fantastique et où les normes segmentent la société selon un équilibrage presque parfait, certains se plairaient à dire que l...