Hellions : partie 1

Chapitre 1 - #17

Cet épisode terminé, le groupe décida bien rapidement de poursuivre ses discussions non loin de l'université, dans l'un des nombreux petits bars ouverts aux étudiants durant l'après-midi. Étant donné qu'aucun cours ne serait dispensé avant plusieurs heures, Amélia elle-même ne put rechigner et suivit ses compères.

Attablés autour d'un verre, les étudiants évoquèrent tout un tas de sujets sans grand intérêt scientifique ou philosophique. Finalement, profitant d'un petit silence, Amélia creva un abcès qui lui tenait à cœur depuis un certain moment.

- Pourquoi souhaites-tu t'engager ? Tu connais les risques. Lança-t-elle à Seth qui resta silencieux durant un moment, médusé, cherchant ses mots.

- Pour tout te dire.. c'est une chose à laquelle je pense depuis un bon moment. Répondit Seth avec franchise. J'ai beau chercher, je ne sais pas comment je pourrai être utile à l'Empire autrement. Je ne suis pas scientifique, et encore moins littéraire. Je ne compte pas devenir commerçant, ni m'engager auprès de la Confrérie des Transports. Du coup, je pense que c'est le meilleur choix.

- C'est une sorte d'altruisme par défaut, en somme ? Poursuivit-elle, finalement intriguée.

- En un sens. Disons aussi qu'un certain nombre de membres de ma famille se sont engagés par le passé. Au final, je pense que c'est aussi une façon de suivre une sorte de tradition. Quoi qu'il en soit, je pense pouvoir être utile là-bas.

- Je vois... et toi, alors ? Vers quoi veux-tu aller ? Demanda-t-elle, fixant Dante qui prit le temps de boire une gorgée de sa boisson avant de répondre.

- Je vais l'accompagner. Il haussa les épaules avec un large sourire. Seth est mon plus vieil ami et je n'ai pas grand monde à part lui. J'irai là où il ira. De toute façon, s'il n'a pas mon cerveau pour l'orienter, il ne fera rien de ses bras.

Un grognement de l'intéressé suivi d'un rire quasi-généralisé détendirent l'atmosphère. 

Amélia connaissait le prix d'un tel engagement et celui qu'elle avait dénigré quelques temps plus tôt semblait se révéler plus profond qu'elle ne le pensait. Sa voix et ses expressions trahissaient une sorte de quête personnelle.

De quoi pouvait-il bien s'agir ? Son esprit s'agitait à la pensée que ces deux gredins puissent lui cacher des choses. Elle appréciait découvrir. Plus que toute autre chose. Émettre des hypothèses, les travailler, les valider. Ce raisonnement typiquement analytique était l'une des choses qui l'excitait le plus.

Rien n'équivalait au plaisir de mettre un terme à une recherche longuement menée. Prenant une gorgée de sa boisson, elle se contenta d'écouter et de rire avec les autres sans trop participer aux discussions.

Même si elle trouvait le moment cordial, elle avait toujours eu beaucoup de mal à s'intéresser aux préoccupations des personnes de son âge. Elle se laissa cependant aller à de grands élans de rire. En définitive, elle passa un très bon moment.

C'est après une nouvelle blague vaseuse de Dante que les cinq camarades l'entendirent. D'abord fugace puis forte et stridente. Aucun d'eux ne l'avait jamais entendue mais tous savaient ce qu'elle annonçait. Une horrible sirène stridente résonnait dans tout Sion. Leurs yeux écarquillés se figèrent.

Aito lâcha son verre qui vint s'écraser au sol. Quand le hurlement cessa enfin, tout s'accéléra. Un regard effrayé fut échangé entre Amélia et Leen. Seth et Dante se fixèrent sans bouger. Et en l'espace d'un instant, le groupe entier s'était levé pour courir.

Il fallait partir. Il fallait fuir. Ils étaient là.

Amélia se précipita dans la rue, à la suite de ses compères. Mais que se passait-il ? Son esprit s'embrouillait alors que les premiers cris déchiraient l'atmosphère dans un mélange malsain de peur, de colère et ... d'autre chose qu'elle ne saurait saisir.

Pourquoi maintenant ? Tout cela ressemblait à un cauchemar. Tous se ruaient vers la gare. La jeune fille espérait qu'elle ne verrait aucun Skryn émerger dans un tel lieu de passage. Une fois entassé dans la foule, son groupe n'aurait plus qu'à attendre la mort si un monstre venait à approcher.

- Merde ! Mais qu'est-ce qui se passe ?! S'exclamait Seth tout en courant.

- C'est pas clair dans ton crâne ? On se fait attaquer ! Voilà ce qui se passe ! Aboya Aito qui se trouvait un brin derrière eux.

Attaqué... Sion était attaquée par les Skryns. Mais par quel maléfice étaient-ils arrivés ici ? Les questions étaient si nombreuses qu'elles avaient disparu de l'esprit d'Amélia qui écoutait ses pairs aboyer sans rien trouver à répondre. Autour d'eux, le chaos et l'anarchie avaient pris possession de la cité si paisible.

Arrivée à la gare avec son groupe, Amélia demeura collée à Lenn. Seth, Dante et Aito poussaient dans la cohue générale afin de pouvoir entrer dans les ascenseurs en leur libérant un passage. La pauvre petite blonde écrasée dans cette hystérie frénétique faite de cris, de peurs, et de sueurs eut bien du mal à ne pas hurler ou tomber à terre tant la pression des autres se faisaient écrasante. Soudainement, on la poussa dans un tube ascensionnel.

Elle s'y retrouva en compagnie de ses camarades et de quatre autres personnes. Si les tubes étaient rapides et nombreux, leur nombre de places était limité. La cabine s'éleva lentement dans les hauteurs, Amélia observait le paysage avec des yeux larmoyants.

Sion était au bord de l'implosion. Des départs de feu étaient constatés à tous les étages. Aux quatre coins de la cité, elle croyait entrevoir d'étranges formes noirâtres aux reflets orangés. Des masses gélatineuse à l'apparence bestiale. C'était donc cela, des Skryns ?

Elle avait subitement perdu son intérêt scientifique pour ces choses. Malgré les kilomètres de distance et l'imprécision de ce qu'elle en voyait, leur apparence difforme et sans cohérence la paralysait de terreur.

- Je ne trouve pas les mots... Murmura Leen à son attention. Je ne peux pas croire à ce que je suis en train de voir. Est-ce seulement possible... ? Renchérit-elle, les yeux grands ouverts, paralysés dans une effroyable expression de terreur.

- Comment se fait-il qu'ils soient ici ? Horizon... Horizon n'a pas été percé alors pourquoi... ? On ne méritait pas d'en arriver là... Gronda Seth à son tour, frappant son poing dans la vitre qui ne céda heureusement pas.

- La Garde Impériale sera trop longue à arriver sur place. Je ne pense pas que nous puissions compter sur elle. Notre seule chance... c'est la fuite dans les souterrains vers d'autres cités. Conclut Aito, tentant de conserver son calme.

Amélia aurait souhaité ajouter quelque chose, répondre à ses camarades en une littanie pertinente comme à son habitude. Mais pas un son ne sortit de sa bouche. Pas un mot ne lui vint. Elle regarda son téléphone et vit avec stupeur s'afficher pour la première fois de sa vie "Réseau indisponible". Qu'est-ce que cela voulait dire ?

L'ascenseur arriva enfin sur les quais, les portes s'ouvrirent.