Rentrée bredouille et pour le moins touchée de son échange avec Meta, Sélène ne parvint pas à trouver le sommeil. Elle mit beaucoup de temps à s'assoupir, se tortillant et grognant entre ses draps. Il lui était impossible de ne pas se replonger dans ses souvenirs lointains. Seule, dans le noire, elle se permettait quelques élans de nostalgie et de faiblesse.
Elle ne laisserait aucune larme couler sur ses joues mais la jeune femme s'abandonnait volontiers à quelques plaintes. Qu'aurait été son avenir si elle avait pu sauver ne serait-ce qu'un de ses parents ? Si elle avait retenu son père dans ce bureau ?
"Avec des hypothèses, tu referais le monde ma pauvre fille..." susurra-t-elle à sa propre attention, las d'être embarquée malgré elle dans des suppliques que cet acabit. Elle parvint à distancer ses songes mélodramatiques et s'abandonna à Morphée quelques heures pour être réveillée aux environs de dix heures du matin par un son des plus infernal. Un crissement aiguë d'une intensité croissante, elle se redressa en criant à ce fichu réveil d'aller au diable. Immédiatement, un hologramme orangé apparu tout près de son lit.
- Statistiquement, des jurons prononcés dès le matin favorisent la mauvaise humeur. Annonça Jaëger sur son timbre cybernétique habituel.
- Tes calculs prennent-ils en compte ta stupide sonnerie ? Foutue IA... Maugréa-t-elle, passant ses mains sur ses yeux.
- Une dose appropriée de sons et d'ultrasons pour obtenir un réveil efficace. C'est tout ce qui m'importe. Vous conviendrez que l'efficacité est ma tâche première. Quoi qu'il en soit, j'ai fait apporter vos doses quotidiennes comme stipulé par le Professeur.
Sélène put constater qu'un petit plateau de métal en lévitation s'approchait doucement de son lit, sur celui-ci était disposé un grand verre d'eau ainsi que trois comprimés et une seringue remplit d'un liquide couleur gris. La jeune femme soupira.
- Les comprimés me paraissent plus gros et le contenu de la seringue plus important.
- Affirmation correcte. Comme prescrit dans vos traitements pré-opératoire, je dois augmenter progressivement vos doses de sérums. Les comprimés, en revanche, n'ont pas bougé. Vos besoins en vitamines diverses n'augmentent pas avec les injections. Comme vous le savez, le manque d'expositions au soleil contraint à passer par un traitement médicamenteux pour palier à vos carences éventuelles.
- J'avais bien compris les premières fois où tu me l'as dis, merci. Sélène attrapa les cachets, les avalant d'un trait et buvant la moitié du verre à la suite.
La jeune femme s'empara ensuite de la seringue et l'approcha de son bras, une petite diode lumineuse rouge passerait au vert une fois qu'elle serait dans une position optimale pour piquer. Tout en cherchant une veine, elle laissa son regard divaguer sur la substance qu'elle s'injectait depuis plusieurs jours maintenant.
Chaque matin, elle s'abandonnait à détailler ses couleurs grises aux limites de l'argenté. Elle ignorait véritablement ce qui la constituait mais elle savait pertinemment qu'il était préférable de ne pas poser trop de questions. La seringue bipa, et en quelques instants, l'affaire fut réglée.
L'injection ne provoquait plus la moindre douleur désormais, ni la substance dérivée du Venom, ni la pénétration de l'aiguille n'avait plus le moindre effet. Reposant le récipient vide, elle laissa aller sa tête en arrière.
- Vous êtes attendue d'ici trois heures, précisément, dans l'aile ouest du Centre. Vos accès seront temporairement mis à jour. Une fois à l'intérieur, vous serez amenée sous bonne escorte avec vos collègues dans une salle de réunion où le professeur Kain vous parlera plus en détails de ce qui vous attend dans son laboratoire. Votre métamorphose n'attendra plus très longtemps.
- Dans l'aile ouest ? Qu'y a-t-il là-bas ? Demanda-t-elle, se levant de son lit pour se diriger vers sa penderie.
- Un petit amphithéâtre de réunions et l'accès aux laboratoires du professeur. Vous comprendrez facilement que l'accès y est limité. Si cela peut vous rassurer, même parmi les hellions, rares sont ceux ayant les accréditations nécessaires pour pénétrer en ces lieux sans être inquiétés ou sanctionnés.
"Intéressant" pensa-t-elle, dos à l'IA. Son esprit, maintenant éveillé, n'avait pas manqué de bien assimiler cette information. Toute chose scellée contenait nécessairement des secrets et c'était bien pour les découvrir qu'elle était ici. Tous les moyens étaient bon pour atteindre son objectif qui demeurait inchangé malgré ses aveux à Meta. Il avait dit qu'il n'en parlerait pas et Jaëger ne semblait pas très différent de d'habitude. Si le hellion avait tenu parole alors elle pouvait poursuivre ses investigations sans être dérangée.
- Je vous souhaite une bonne fin de matinée. Déclara l'IA avant de disparaître.
Sélène enfila la première tenue qui lui passa sous la main, l'agrémentant de mitaines noires. Pourquoi ? Elle n'en savait rien. Une envie. Elle sortit de sa chambre, la verrouilla et se dirigea vers la salle commune. Si on pouvait reconnaître à cet endroit le fait d'être plus chaleureux et luxueux que les installations extérieures, il manquait cruellement de vie. Les couloirs étaient vides. On ne pouvait y croiser que d'autres cobayes mais leur petit nombre empêchait tout aller-venu capable d'animer un temps soit peu cet endroit trop beau pour être vrai.
Elle n'avait jamais pensé à fraterniser avec la petite dizaine de sélectionnés en plus de son groupe et aucun d'eux n'avait manifesté l'envie de les approcher. Pour ainsi dire, tous restaient dans leurs groupes respectifs. Il n'était pas encore arrivé qu'ils soient tous réunis et c'était peut-être mieux ainsi.
En vérité, partager les sentiments contraires d'angoisses et d'excitation de ses trois camarades étaient déjà difficile ... alors si ce nombre passait à treize ou quatorze, il y aurait de quoi devenir folle. Sélène poussa la porte de la salle commune et y découvrit avec surprise un attroupement en pleine discussion visiblement animée.
Au centre de ce troupeau, Seth, sa tablette en mains. Entre deux gorgés de café ou de thé, tout un chacun semblait donner son avis. Sélène put compter sept personnes, en s'excluant. De la masse émergea Amélia qui, la remarquant, marcha dans sa direction.
Sans trop se demander à quoi était dû cette agitation, elle aurait tout le temps d'y penser après, la jeune femme se fit couler un café à partir de la machine prévue à cet effet sur le plan de travail tout près de la porte. Savourer une boisson chaude servie par un appareil dernier cri était toujours plus plaisant que le jus de chaussettes des militaires.
Elle sentit la main d'Amélia se poser sur son épaule et se tourna, elle constata que son amie avait un air grave vissé sur le visage.
- Tu en tires une tête. Qu'est-ce qui se passe ?
- Cutter's Lane. La base dans laquelle on s'est entraînée avant de venir ici... Commença la blonde, cherchant ses mots.
- Oui, et bien quoi ?
- Elle a été détruite. Il n'en reste rien. Pas un survivant.
Sélène se figea et manqua de faire tomber sa tasse. Cutter's Lane, une base militaire de formation en plein coeur de l'Empire, venait-elle vraiment d'être détruite ?
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Hellions : partie 1
Science FictionUn monde parfait. Un quotidien idyllique. Une jeune fille insouciante. Une tragédie. A une époque où la technologie frôle le fantastique et où les normes segmentent la société selon un équilibrage presque parfait, certains se plairaient à dire que l...