Chapitre 3 - #7

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Quelques secondes passèrent durant lesquelles Amélia ne sentit plus qu'une chaleur extrême et un effroi à peine descriptible. L'individu ne se retournait pas et demeurait inlassablement fixe. Elle ne pouvait ni détailler, ni sonder son visage. Comme hypnotisé, elle décortiqua l'étrange symbole au dos de son manteau, celui-là même qu'elle avait vu à Shion. Ce soleil d'argent balayé par deux lames entrecroisées. Elle se tint soudainement à la rampe de ses deux mains et osa poser les pieds sur cette terrasse de métal. Que se passait-il ?

Elle aurait pu comparer la terreur qu'il lui infligeait à cette horrible sensation de malaise qu'elle avait ressenti en affrontant les Skryns. Quoi que cette fois-ci, cela s'avérait peut-être pire encore. Pourquoi avait-elle cette sensation de danger ? Cet homme impérieux n'avait pas encore pris la peine de la regarder mais elle était certaine qu'il l'avait déjà entendue. Cela paraissait peu probable mais elle en était convaincue. Il savait qu'elle était ici. Pire, peut-être. Était-ce lui qui l'avait attirée ?

Amélia souhaita jouer la sécurité et, prenant le risque de passer pour une couard, la jeune femme se résigna à partir. Il lui fallut presque trois minutes, ce qui lui parut être une éternité, pour oser lui tourner le dos. Ses dents claquaient, ses yeux pleuraient presque. Lorsqu'elle toucha la première marche de son pied, le hellion haussa la voix et elle se figea, presque transpercée par ses mots comme elle l'aurait été par une épée.

- Attends. Ordonna la voix monocorde,  grave, caverneuse et ô combien effrayante.

L'esprit de la jeune fille bouillonnait. Que faire ? Ses jambes refusaient de courir et sa tête ne parvenait plus à réfléchir. Résignée, elle renonça et, fichue pour fichue, approcha de son sauveur, non sans afficher un visage craintif. Lorsqu'elle fut suffisamment proche, il pivota à demi et elle put reconnaître le visage de l'homme qui l'avait autrefois tenu dans ses bras. Un visage fermé, des traits froids, un contour de barbe sombre, une cicatrice à la joue gauche, des yeux faits de profondeurs abyssales et de ténèbres tourbillonnantes. Il lui tendit, doucement, une main.

- Tu es Amélia. N'est-ce pas ? L'adolescente resta muette, interdite, parfaitement prise au dépourvue. Elle se décida enfin à répondre, serrant cette poigne tendue vers elle. Le visage de son interlocuteur ne laissait transparaître aucune émotion, c'était cela qui la dérangeait le plus.

- Oui, c'est moi. J'ai été transférée comme cobaye il y a peu. Vous vous rappelez de moi ? L'inconnu l'invita à poser ses mains sur la rampe, il s'y accouda, ses iris se perdant dans le vide infini devant eux.

- Je me souviens de toi. Tu as changé depuis notre dernière rencontre. Sa voix s'attendrissait et devenait plus tendre à chaque mots qu'il prononçait. Tentait-il de la mettre à l'aise ? Elle prit place à côté de lui.

- Je vous dois la vie. Merci. J'ai eu de la chance. Marmonna-t-elle, n'osant pas hausser le ton au même niveau que le sien. Il l'intimidait vraiment.

- La chance n'existe pas, ni le hasard. Il n'existe qu'un enchaînement d'événements  bien définis à l'avance. Condoléances pour ta famille, tes amis et ta ville. Nous avons ce que nous avons pu. 

Amélia entendit un grincement sourd et abaissa les yeux, la main droite de cet homme serrait le métal de la rampe. Ce tintement macabre à peine audible était celui de l'acier lentement broyé par une force hors du commun. Elle déglutit en appréhendant enfin le fossé qui la séparait de lui. Il ne s'agissement pas uniquement de puissance physique brute mais bien d'expérience. Qu'avait-il pu voir pour devenir ainsi ? Elle ne souhaitait pas le savoir.

- Vous avez fait ce que vous pouviez. Personne ne s'y attendait. Ils sont sortis de nulle part. Amélia scruta le Vide, quelques souvenirs remontant en elle.

Hellions : partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant