Chapitre 2 - #3

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De retour à ses quartiers, sous une douche, Amélia profitait de la chaleur apaisante de l'eau coulant sur sa peau pour apaiser lentement les bleus et les plaies reçues au cours de cette séance d'entraînement. Alors qu'elle lavait ses cheveux, une pensée dérangeante traversa son esprit.  Elle se retrouva quelques mois en arrière en face de cette monstruosité prête à la tuer. Elle revit l'épée, entendit les coups de feu et vit le manteau argenté, le soleil croisé d'épées. Malgré son intégration dans les rangs de l'armée impériale, elle n'avait trouvé aucune nouvelle information sur cet individu.

Qui était-il ? La question demeurait entière. Rapidement rincée, Amélia fit coulisser la porte de la douche et se sécha. Enroulant une serviette autour de sa taille, elle posa sa main sur le petit panel de contrôle à côté de l'entrée, la porte se déverrouilla et s'ouvrit. Elle pénétra dans ce qui était sa chambre depuis plus de trois mois, partagée avec une autre jeune fille. Deux lits, un bureau, deux armoires et deux tables de chevets. Une moquette sombre au sol et des murs d'acier à peine décorés mais parcourus de temps à autre de fentes où ranger leurs affaires.

Pas de confort ici, ni de robots pour les servir. Elle s'assit et attrapa un sèche-cheveux, elle consulta le côté de l'appareil et vit que la batterie indiquait trente-trois pourcent. Cela suffirait amplement. Elle l'alluma et commença à brosser ses cheveux blonds.

- Quatrième ! C'est pas si mal. Déclara une voix alors même qu'on entrait dans la chambre. Amélia se tourna et observa sa colocataire avec une petite moue déçue.

Environ un mètre soixante-huit, une démarche de garçon pour un corps frêle. La jeune fille était emmitouflée dans une tenue noire renforcée et portait même un casque dont elle avait peint la face d'un crâne rouge.

L'armure d'apparence lourde était salement amochée. Des impacts en tout genre étaient visibles à sa surface. Lorsque sa colocataire s'approcha de son lit, Amélia aperçut une trace de griffe dans son dos. Sa protection dorsale avait été tellement entamée que l'on aurait presque pu voir sa chair.



L'intéressée retira son masque pour dévoiler un visage angélique à la coiffure pour le moins originale. Rasée sur le côté gauche, cheveux mi-long tombant sur le côté droit. Elle commença à retirer péniblement sa suite sous le regard curieux d'Amélia.

- Mais je ne suis que quatrième. Je ne sais même pas qui a gagné. Toujours le même, j'imagine ? Répondit-elle.

- Ouai, toujours. C'est Seth.

Sa colocataire retira péniblement ses bottes et les jeta vers l'avant, elle commença ensuite à déverrouiller l'armure de son torse dans un grognement, laissant apparaître une poitrine relativement généreuse et à peine cachée par un bandeau.

- Foutue épreuve... ma tenue est foutue. Je vais l'emmener en réparation...

- Hm... de quel test s'agissait-il ? Demanda Amélia sans vraiment s'y intéresser.

- C'était bizarre cette fois. Ils nous ont enfermé dans une salle assez grande avec un décor virtuel. Dans le style d'une ville en ruine, tu vois ? Ça m'a un peu rappelé Sion en fait... Déclara-t-elle en retirant ses jambières cette fois-ci.

L'esprit de la blonde se cristallisa un instant. Elle fut transportée dans le passé durant quelques secondes, le petit pavillon tranquille, son grand-père, Thron, le lycée... puis le sang, le feu et la mort.  Elle grinça des dents, sa rigueur militaire désormais acquise lui permettait d'encaisser toutes ses "pensées parasites" comme les appelaient ses instructeurs.

Amélia reprit son brossage de cheveux et répondit sur le ton le plus calme qu'elle fut capable de formuler.

- Et quel était le but de cet exercice ?

- Il y a avait des lianes métalliques étranges qui sortaient d'un peu partout, comme des tentacules de Skryns. On devait arriver jusqu'à un point précis de la zone en se faisant toucher le moins possible. Elle prit une inspiration, jeta son armure dans une boite prévue à cette effet dans son armoire et poursuivit.

- Au début, on a cru à un entrainement théorique sauf que c'était pas le cas. Ces trucs nous touchaient vraiment !  S'exclama-t-elle en projetant sa tenue.

- C'était déroutant, ils auraient pu nous tuer. T'as vu le dos de mon armure ? Un peu plus et j'y gagnais une merveilleuse balafre.

- Hm, hm. J'ai vu... j'ai vu...  La blonde arrêta son appareil et posa sa brosse pour détailler sa camarade. Amélia prit un peu de temps avant de continuer.

- Apaises-toi Sélène, les émotions négatives paralysent l'esprit humain. Positive. L'autre ne manqua pas de hausser les épaules.

- On a pas tous ton calme... quoi qu'il en soit, je vais prendre une douche.  Elle se mit en marche vers la salle de bains rudimentaire qu'on leur proposait dans cette chambre, les regards se croisèrent.

- Tu seras au cours théorique de ce soir ? Demandit-elle, Amélia répondit d'un hochement de tête.

- Je n'en raterai pas une miette, tu me connais.

- Tu es vraiment bizarre comme fille... enfin. On s'y verra sûrement, tu seras partie quand je sortirai de là. Donc, à plus tard. D'un mouvement de main, Sélène disparut dans la salle.

Finissant de sécher et lisser ses cheveux, la jeune fille attrapa une tablette tactile sur sa table de chevet. L'armée mettait une de ces dernières à la disposition de chaque soldat ou recrue. Même si celle-ci disposait d'informations limitées aux médias et aux données militaires, cela n'empêchaient pas certaines nouveautés pertinentes d'arriver aux oreilles des initiés.



Vagabondant entre les news épinglées, Amélia put visionner la cérémonie de remise des grands prix scientifiques de fin d'année.

Dans une salle pleine de monde et sous des tonnerres d'applaudissement, les plus brillants chercheurs de l'Empire se succédaient sur l'estrade pour recevoir des statuettes d'argent, d'or ou de platine en fonction de la reconnaissance de leur talent.

Bien que fascinantes, toute ces récompenses n'intéressaient pas la jeune fille. Une seule lui importait : le Calice du savoir. Une pièce unique de joaillerie constituée d'or jaune et d'or blanc.

Comme l'an passé, c'est bien entendu le nom du Professeur Kain qui fut appelé par le doyen des Immortels en personne pour recevoir la distinction suprême. Cette coupe lui octroierait, en plus du prestige, une bourse spéciale afin d'étoffer ses recherches.

Sa nomination ne surprenait pas Amélia, voilà bien dix ans que cet homme recevait le Calice sans être devancé.

Qui était-il ? Un génie parmi les génies. L'un des concepteurs de l'anti-gravité publique. Un innovateur dans le domaine militaire anti-skryn et un grand philosophe dont les thèses sur les monstres venus d'ailleurs avaient fait grand bruit.

Au fil des années, ses inventions n'avaient subis aucunes critiques et certains le disaient même en très bon terme avec l'Empereur au point d'en dire qu'ils étaient de très proches amis.

Que ces rumeurs soient fondées ou non, le Professeur apparaissait toujours en publique dans un costume parfaitement soigné et avec des cheveux coiffés de côté scrupuleusement ordonnés. Un homme froid en apparence mais au charisme étonnant.

Observant avec des yeux pétillants la remise du Calice, la jeune fille contemplait son idole avec un regard envieux. Si elle avait dû fixer un objectif à son existence, un seul... c'était de pouvoir un jour travailler avec ce grand nom de la recherche scientifique.

Le professeur Kain.

Hellions : partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant