La sonnerie stridente poursuivait ses longs hurlements déchirant, Seth aida Dante à se relever et le fit sortir de sa cellule. Un rapide coup d'oeil à Sélène et aux autres ex-détenus lui fit rapidement comprendre l'état dans lequel ils se trouvaient. Lents, perdus et catatoniques, on leur avait probablement administré une drogue ou quelque chose s'en rapprochant. C'était sa théorie, du moins. Levant la voix suffisamment fort pour être entendu, il conseilla à tous les cobayes incertains de se cramponner à un mur et d'avancer. La longue traversée du couloir débuta. Ils devaient impérativement revenir dans le hall afin de prendre l'ascenseur, si on les piégeait ici, les choses se compliqueraient.
Le son aiguë et infâme de la sirène d'alarme pesait lourdement, elle semblait être douée d'un étrange pouvoir. Seth se sentait plus faible, comme accablé par une pression impalpable mais pourtant bien réel. Ses muscles paraissaient plus lourd et le poids de Dante semblait démultiplié. Sans comprendre et refusant de se résigner, Seth parvint à passer la porte du cercle central de la prison étrangement épargné par l'alerte. Amélia, portant Sélène, lui emboita le pas. Le jeune homme pivota pour découvrir les quatre autres prisonniers incapables de bouger, à quelques mètres de la sortie.
- Reste ici, je vais les chercher ! Lança-t-il à la jeune fille qui lui saisit le bras.
- Attends ! Il y a quelque chose de bizarre dans ce tunnel, tu l'as remarqué non ? Si tu y retournes, tu n'en reviendras peut-être pas. On doit s'enfuir tout de suite.
- Je ne laisse jamais personne derrière. Rétorqua Seth qui se libéra de l'entrave et s'élança à la rescousse des cobayes.
Attrapant son pair le plus proche, puis un second situé non loin, il tenta d'oublier les tiraillements de ses muscles ainsi que le cri déchirant qui tentait de faire vriller son esprit. Pas à pas, il les amena jusqu'à la zone sûre et reprit son souffle. Dans le fond du couloir demeurait encore deux adolescents, un garçon et une fille. Étaient-ils davantage souffrant des effets de l'alarme ou s'étaient-ils mal remis de leur état de prisonniers ? Sans chercher à comprendre, Seth se rua à leur aide.
Le goût du sang commençait à atteindre sa gorge et son odeur envahissait ses narines. Le sifflement sans fin de cette alarme maudite était-il destiné à tuer quiconque tenterait de s'évader ? Seth s'arrêta brusquement et prit appui contre un mur, ses jambes commençaient à se paralyser et ses muscles se contractaient sans qu'il ne le leur ordonne. Voyant sa détresse, Amélia se mit à crier.
- C'est de la folie pur et simple ! Reviens ! On ne peut rien faire pour eux !
Refusant catégoriquement d'écouter les mises en garde de sa camarade, le jeune homme parvint à se faire violence et poursuivit sa marche, atteignant bientôt les deux pauvres erres allongés au sol, tremblant.
- Accrochez-vous à moi, on va se sortir de là. Leur lança-t-il, tendant ses mains qu'ils attrapèrent faiblement.
A la force de sa volonté, refusant de voir d'autres innocents sacrifiés, il prit sur lui la responsabilité de les mener à bon port. Il ne laisserait personne derrière lui et refuserait toute alternative. Les hellions eux-même ne se constituaient-ils pas en clan ? En groupe ? L'individualisme ne mènerait nul part et c'est à cette conviction qu'il s'accrocha au cours de cette véritable traversée du désert. Oubliant jusqu'à la douleur, il s'effondra au centre de la salle jonction de la prison avec les deux rescapés.
Verrouillant la porte derrière lui en coupant définitivement le groupe de l'alarme et de ses effets, la jeune femme s'approcha de son compagnon. Du sang s'écoulait depuis ses narines et il semblait avoir du mal à respirer mais au moins il était en vie. Loin de se soucier de son propre sort, Seth vérifia l'état de Dante et de Sélène en les regardant. Allongés, ils étaient encore groggy et avaient du mal à trouver leurs repères.
- Amélia... Dit-il, bientôt arrêtée par la jeune fille.
- Ce n'est pas le moment de me faire un discours sur l'amitié et sur la camaraderie, t'es pas en grande forme.
- On va devoir... prendre notre temps... pour récupérer... ils ont été drogué... je crois... Poursuivit Seth, peinant à s'exprimer et reprenant son souffle le plus souvent possible.
- Du temps, on en manque. On ne va pas tarder à être repéré. Ce truc dans le couloir aurait pu nous tuer, je commence à douter de notre analyse de la situation. Je n'ai plus autant de certitudes.
Seth hocha négativement la tête et prit encore quelques instants pour se détendre avant de se mettre à genou. Son corps endolorit le lançait cruellement, de quelle genre d'armes venait-il d'être la victime ? Aucun prisonnier drogué n'aurait pu s'en sortir vivant, c'était une certitude. Le Centre utilisait-il ce sérum pour chacun de ses détenus ou ne s'en était-il servi ici que pour les tester, Amélia et lui ? Dante et Sélène peinait à se remettre, les autres n'étaient pas en meilleure forme.
Le groupe fut contraint de s'immobiliser pendant une bonne dizaine de minutes, Amélia faisant le guet afin de s'assurer qu'aucune sentinelle ne pénétrait dans le tunnel depuis le hall central. Cet apparent calme ennuyait Seth plus qu'il ne le rassurait, un système performant les aurait déjà repérés et aurait envoyé des patrouilles à leur rencontre. Reprenant en vigueur avec les minutes écoulés, il vint se placer aux côtés d'Amélia, Dante et Sélène.
- On a pris des risques pour vos beaux yeux, vous le savez, hein ? Pourquoi vous êtes partis devant ?
- Ma faute. Répondit Sélène en haussant les épaules.
- Et la mienne, Amélia était introuvable et nous étions livrés à nous-même. Sélène a émis une théorie sur le Centre et nous avons cherché à la suivre, rien de plus. Visiblement, on s'est fait attraper. Continua Dante, calmement.
- Vous avez réussi à apprendre quelque chose ? Les interrogea Amélia, une main sur l'épaule de sa camarade visiblement plus secouée que Dante. Celle-ci fut soudain traversée par un frisson et se renfrogna.
- Oui. On a consulté des archives dans le bureau de contrôle. On a pu se rendre compte qu'on a été repéré depuis longtemps, avant les incidents de Shion. Tous les quatre. On a aussi eu l'occasion de voir à quoi ressemblait une transformation en hellion... c'est une boucherie à laquelle je ne veux pas participer. Tous ces appareils, ces hurlements, ce sang... Elle passa une main devant sa bouche, s'arrêtant de parler au profit de Dante.
- La métamorphose est un processus lent et complexe, tout ne se résoud pas en une seule intervention. Il y a des séquelles, des décès pendant le processus. Même à terme, tous les hellions ne se valent pas. C'est très confus dans mon esprit mais ce pourquoi on a signé est très différent de la réalité. Ce qui se passe dans le laboratoire de Kain n'est pas humain, c'est de la barbarie. La sensation que j'ai eu en visionnant ces archives... c'est que si je devenais un hellion, cela reviendrait à perdre mon humanité.
Seth et Amélia ne surent quoi répondre, ils se contentèrent d'acquiescer sans en dire plus. Tout ça n'était que des mots, ils n'avaient pas vu de leurs yeux cette réalité que leur décrivait leurs amis mais l'effroi et le dégoût sur leurs visages indiquaient que tout ceci n'était que pur vérité. Ils auraient tout le temps d'en parler plus tard, ceci dit. Seth prit la décision d'ignorer temporairement l'impact de cette discussion et se releva. D'une voix forte, il interpela l'ensemble des cobayes rebelles autour de lui.
- Plus de dix minutes, on doit bouger, maintenant. Si on reste ici, on va se faire attraper et je n'ai pas envie de finir mon existence drogué au fond d'une de leurs cellules. Allez, debout !
Il durcit volontairement le ton, le faisant apparaître intransigeant mais cette rigueur militaire était nécessaire pour être certains que ces pauvres âmes désespérées, et visiblement traumatisées, puissent se rattacher à quelque chose. Un à un, ils suivirent son ordre et se tinrent prêt à marcher.
Il fallait atteindre le hall principal, et c'est dans cette optique que débuta la traversée du second couloir.
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Hellions : partie 1
Science FictionUn monde parfait. Un quotidien idyllique. Une jeune fille insouciante. Une tragédie. A une époque où la technologie frôle le fantastique et où les normes segmentent la société selon un équilibrage presque parfait, certains se plairaient à dire que l...