Chapitre 4 - #5

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Les heures tournaient et la nuit toucherait bientôt à sa fin. Dans les couloirs désormais froid, une ombre continuait à se mouvoir. Celle-ci tentait d'accéder à certaines portes closes, faisait le tour des pièces accessibles et cherchait à tord ou à raison un moyen d'accéder à quelques passages dissimulés à travers les murs. Espiègle, Sélène prenait soin d'éteindre autant qu'elle le pouvait les lumières des salles où elle se mettait à l'ouvrage. C'est ainsi que, dans l'une des salles d'entraînement obscurcie par la pénombre, elle tentait de forcer un coffre de fournitures réservés aux Spectres.

Armée à sa ceinture d'un unique couteau, déniché lors de ses pérégrinations, elle se tenait prête à réagir au moindre bruit suspect. Pourtant, lorsqu'une voix résonna au-dessus d'elle, ce fut un simple tremblement suivi d'un pivot sur 180° qui accompagnèrent un petit hoquet et un léger cri de surprise rapidement étouffée.

- Tu es décidément pleine de ressource, jeune fille. Lui avait-on lancé.

Remise de ses quelques émotions, elle tenta bien de se relever et d'attraper son couteau pour menacer l'impudent mais sa simple vue la déconcerta. Elle finit par abaisser son arme en soupirant.

- Et tu es meilleur que moi à ce genre de jeu, Meta. Lâcha-t-elle, dépitée d'avoir été prise si rapidement.

- En général, je ne me serai pas tenu sur mes gardes mais votre petit quatuor possède un potentiel certain. De tous les éléments récemment intégré à cette partie du Centre, tu étais celle que je tenais à surveiller.

- Tu comptes rapporter mes petites divagations ? Il hocha négativement la tête.

- Nous avons dépassé ce stade depuis que vous êtes entrés ici. Vous ne reverrez la lumière du jour qu'une fois transformés ou morts. Il n'y a rien de plus que tu puisses découvrir avec tes petites magouilles habituelles.

- Dommage. Sélène fit quelques pas devant elle, attrapant un tabouret et s'y asseyant. Meta lui vint lui faire face, bras croisés.

- Tu es en croisade contre quelque chose. Lança-t-il, l'air sérieux.

- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

- De tous ceux qui sont venus ici, tu es celle qui a le plus remis en question l'ordre établi. Tu es constamment en train de chercher des informations, en train d'exhumer on ne sait quelle trouvaille. Tu es insatiable. Pourquoi as-tu accepté de suivre ce programme ?

- Parce que j'ai envie de réduire en bouilli les pourritures qui ont détruit ma vie. Répondit-elle de façon directe, sans réfléchir.

- C'est une réponse préparée.

- Encore une fois, tu supposes.

- En rien. Un traumatisme du niveau de Shion ne pourrait pas conduire à une réponse aussi rapide. Tu t'es conditionnée à ce genre de questions. Tes motivations sont différentes. Même à Cutter's Lane, tu étais connue pour tes penchants rebelles et ton insupportable façon de glaner des ressources ou des données.

- Si mes supérieurs ont eu ce ressenti c'est uniquement car je les faisais sortir de leur zone de confort. Sélène fixa son interlocuteur dans les yeux. Elle ne tremblait pas, n'hésitait pas.

- Tu es plus intelligente que ça. Je vais me répéter : pourquoi avoir choisi de rejoindre les hellions et l'armée de façon générale ? Tu n'es pas le type de personne qui se contentera de suivre les ordres et je ne te vois pas suffisamment patiente pour faire carrière dans un tel milieu. Tu as mis ta vie en jeu en rejoignant le corps des hellions.

- Ma vie est prix bien moindre comparativement à ce qu'il me reste. Shion était mon foyer. J'y avais mes amis, mes habitudes et mon avenir.

- Une famille aussi, peut-être.

Un frisson parcourut subitement le corps de la jeune femme qui tortilla machinalement ses doigts. Meta ne manqua pas de relever ce détail et n'attendit pas qu'elle réagisse pour poursuivre ses insinuations.

- Je dirai que je viens de toucher un point sensible.

- L'interprétation du langage corporel fait, aussi, parti de tes capacités ? A ce rythme, autant me dire que tu peux lire mes pensées. Grogna-t-elle, frustrée que l'on puisse la lire aussi aisément.

- Même s'il existe un hellion capable d'une telle prouesse, crois bien qu'il ne s'agit en rien de moi. Shion était importante pour toi et je dirai que tu la désignes comme un foyer car il s'agissait bien d'une grande famille de substitution.

Meta attrapa un tabouret haut, à son tour, et s'assit. Il continuait de jauger Sélène. Son visage, éternellement fermée, ne laissait rien transparaître et elle s'en agaçait. Ses questions étaient pertinentes, bien trop pertinentes mais elle comptait bien jouer franc jeu pour une fois.

- Jeune adolescente, j'ai perdu mes parents. Ils travaillaient dans le centre d'alimentation nucléaire de Shion. Un accident avec des produits radioactifs leur a coûté la vie. J'ai appris à vivre seule grâce aux aides humanitaires de la ville. J'ai beaucoup compté sur mes amitiés et mes diverses activités parallèles pour m'en sortir. Meta hocha la tête, compréhensif. Sélène le découvrait sous un jour plus humain que ce qu'il avait laissé voir jusqu'ici.

- J'en suis navré.

- Il n'y a pas lieu de l'être, le passé appartient au passé. Elle détourna le regard, plongeant celui-ci vers le vide et la pénombre qui les entourait.

- Ton désir de vengeance est-il la seule chose qui t'a conduit à risquer ta vie ? Je me demande. Meta posa sa main sur son menton, pensif.

- Cela paraît si difficile à croire ? Sélène le fixa de nouveau.

- Si tu étais n'importe qui, j'aurai accepté cette explication sans en demander davantage. Mais tu es trop investie, trop douée et trop acharnée pour n'être portée que par un pâle sentiment de haine. Les êtres humains se singularisent par leurs capacités physiques, mentales mais aussi psychique. Si je ne devais juger que ce dernier critère sur toi, je dirai que tu n'as en rien l'attitude d'une adolescente éplorée engloutie dans un tourbillon de colère sourde.

Sélène tiqua à nouveau, l'instinct de Meta la surprenant autant qu'il l'agaçait. S'était-il appuyé uniquement sur son langage corporel ? Avait-il épluché ses dossiers ? Il était dans le vrai et elle le savait. Coincée sur ce maudit siège, il ne la laisserai sans doute pas partir avant d'avoir eu ses réponses. Pouvait-elle troquer son silence sur ses récentes nouvelles activités d'espionnage contre des réponses ? Peut-être.

La jeune femme grinça des dents, dévoiler son passé pour assurer son futur n'était pas une chose qui l'enchantait.

Hellions : partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant