Chapitre 3 - #25

587 92 5
                                    

Seth suivit Meta sans discuter jusqu'à la salle suivante où il le vit réveiller tour à tour ses amis. Amélia fut surprise de s'être fait aussi facilement avoir, Dante manifesta un mécontentement de façon très audible et Sélène se contenta d'hocher la tête, visiblement étonnée d'être encore en vie. Le jeune homme fut étonné de la relative "douceur" avec laquelle leur adversaire de tantôt avait pris soin de tirer les deux filles de leur sommeil. Son ami à cheveux blonds n'avait pas eu le droit à tant de tendresse mais son réveil restait acceptable étant donné la raclée qu'il leur avait mis précédemment.

Le groupe, une fois remis, emboîta le pas au hellion jusqu'à l'ascenseur avec lequel ils étaient arrivés. Une fois à l'intérieur, ils le virent utiliser ses empruntes digitales sur le panneau de contrôle pour demander l'accès à un niveau spécial. S'enfonçant toujours plus loin dans les profondeurs, leur module de transport sembla prendre une éternité pour les amener à bon port. Amélia brisa le silence d'une voix fluette, peu assurée.

- Où sont passés ceux que nous avons libéré ? Ils ne sont pas avec nous ?

- Leur prestation ne m'a pas convaincu. Répondit l'hellion sans même se retourner.

- Qu'en avez-vous fait ? Pas de réponse, la jeune femme attendit puis reformula, haussant le ton.

- Vous ne les avez quand même pas exécutés froidement ?

- Je suis beaucoup de choses mais je ne suis pas un meurtrier. Ils vont bien. Mais ils ne sont pas encore prêts.

- Prêt à quoi ? Poursuivit Dante, soulagé d'apprendre qu'il n'était pas bloqué avec un psychopathe.

- Faire parti du programme à part entière.

- Qu'est-ce que ça veut dire, exactement ? A quoi est-ce que vous jouez ?

- Ce n'est pas à moi de répondre.

L'ascenseur se figea, la porte s'ouvrit et Meta mena sa troupe à travers un couloir bien plus chaleureux que tout ce qu'ils avaient connu jusqu'à maintenant. Le lieu semblait surréaliste. Le sol n'était pas fait de métal brute mais bien d'une sorte d'étrange simili-plastique difficile à décrire, couleur brune. Les murs étaient ornés de lampes aux formes raffinés, d'une tapisserie tirant sur le bordeaux et semblaient plus travaillés, plus lisses, plus doux, plus qualitatifs. L'odeur général transigeait avec le vide morbide de l'acier et, enfin, une installation laissait arriver aux narines de ses invités comme un doux parfum de bois ancien. 

Le quatuor se regarda tout en avançant, tout ceci était presque trop beau. On était bien loin des standards rigoureux de l'armée, ils se seraient cru dans une reconstitution des bâtiments antiques dans lesquels vivaient les immortels. Ici et là, des tableaux et même des colonnes de bois brute sculptées se payaient le luxe d'être exposé. Dans les hauteurs, quelques fines bandes linéaires couleur bleue rappelaient aux adolescents que la technologie continuait à les poursuivre malgré tout.

- Ce sont des capteurs, maintenant, nous sommes sûrs que Jaëger nous voit. Chuchota Sélène à Amélia.

- Cet endroit ... on dirait un conte de fées. Tout ceci doit coûter une fortune, depuis quand n'as-tu pas vu du bois ? C'est devenu tellement rare... répondit l'autre.

- Je suppose que c'est à ça que doit ressembler le lieu où habite ceux qui combattent à égal avec les skryns. Renchérit son amie qui fit ensuite silence dans un hochement de tête entendu.

Quelques mètres devant eux, une porte massive en bois s'ouvrit, chacun de ses côtés coulissa de côté et apparut alors une silhouette connue. Remontant ses lunettes et ébouriffant ses cheveux négligés, Kain les attendait avec un large sourire aux lèvres. Arrivé à son niveau, le quatuor se figea et seul Meta s'autorisa à se placer à côté du scientifique, pivotant d'un quart pour le regarder et maintenir un oeil sur ses "prisonniers".

- Ils sont là, comme vous l'avez demandé.

- Merci mon petit. Tu peux y aller, je m'en occupe.

- Vous êtes certain ? Je n'aime pas vous savoir seul, Doc. Surtout pas avec des... potentiels aussi instables. Le cinquantenaire s'autorisa un rire amusé et frappa sa main contre l'épaule du hellion.

- Tout ira bien, tu peux y aller. Prends du repos, tu l'as mérité mon fils.

Sur ces derniers mots, le Hibou agréa d'un signe de la main et s'enfonça dans le couloir qui lui faisait face. Avant qu'il ne tourne à droite et disparaisse, Amélia eut furtivement le temps de voir quelque chose d'étrange se produire. Alors qu'il retirait son manteau gris, elle aurait juré que son armure grise était en train de bouger, de se modifier pour prendre une autre apparence. Cette vision fantasmatique la troubla si bien qu'elle manqua le début des échanges entre ses amis et le professeur. C'est la puissante voix de Seth qui la tira de ses songes.

- Expliquez-vous. Sommait-il.

- Toujours aussi impatient à ce que je vois. Répondit le professeur, le jeune homme gronda et s'approcha de lui.

- Sauf erreur de ma part, vous n'êtes pas un hellion, docteur. Autrement dit, je peux me défouler sur vous si l'envie m'en prend. Vous me traitez d'impatient mais tout n'a été que mensonges jusqu'ici. Même vos scientifiques et vos gardes au-dessus de nous jouent un rôle auprès de recrues ignorantes. Pourquoi ?

L'agressivité latente de leur compagnon n'étonnait pas vraiment les trois autres adolescents, eux-même affectés par ce qui était en train de leur arriver. Ce programme commençait à leur faire peur et l'envie de fuir était plus que présente au sein de leurs esprits. Chacun avait l'impression d'être un rat de laboratoire constamment testé. Kain eut un sourire et porta sa main sur l'épaule de Seth.

- Tu as raison, mon jeune ami. Je ne possède pas les capacités de mes bien-aimés petits. Mais sache que si tu poses la main sur moi, il n'y aura nul part sur ce qu'il reste de notre planète où tu seras à l'abri de leur courroux. Sache qu'il existe des êtres plus infâmes que Baalh dans les souterrains où tu te trouves. Me suis-je bien fait comprendre ?

Les yeux pervers et menaçants du quinquagénaire eurent un effet instantanée sur Seth qui sembla perdre en véhémence. Cet individu possédait un étrange pouvoir charismatique, sa voix, son aspect, son intellect. Cette menace n'en était pas juste une. Elle avait sciemment posé, dosé. Comme pris à la gorge, le trublion fit un pas en arrière, comme vaincu moralement par cet être insaisissable qu'était le professeur Kain. Celui-ci leur adressa un nouveau sourire et leur fit signe de le suivre. A peine eut-il franchi le seuil de la porte qu'il les arrêta.

- Vos chaussures, je vous prie. Vos bottes militaires sont bien trop sales pour abîmer la moquette que j'ai placé au sol.

De facto, d'un coup d'oeil, cette affirmation se vérifia. Terminé le sol de métal et de plastique, à partir de la porte s'étalait désormais au sol une large moquette de très bonne qualité dont la teinte rubis mettait en valeur les chandeliers dans les hauteurs ainsi que les dorures des tableaux. Incrédules devant tant de luxe, ils s'exécutèrent. 

- Qu'est-ce que tout ça signifie, professeur ? L'interrogea Sélène en se déchaussant.

- Que veux-tu dire jeune fille ?

- Du bois, de la moquette, cette odeur, ce luxe. Cet endroit ressemble à un appartement d'immortel en bien plus grand. Pourquoi ? Ce cadre n'a rien à voir avec ce que l'on a vu précédemment.

- Tu as raison. C'est ainsi car ces lieux abritent mes enfants bien aimés. Ceux qui luttaient, luttent et lutteront à jamais contre les monstres qui vous ont arraché votre innocence, votre cité. Chaque jour, ils risquent leurs vies pour cette cause. Chaque voyage, chaque mission peut être un aller simple sans retour. Autant leur permettre de vivre dans le luxe lorsqu'ils ne sont pas au front. Qu'en pensez-vous ?

Il n'y avait rien à répondre. Le timbre de voix solennel du professeur, ses yeux humides et son air déchiré avaient parlé pour lui. Contrairement à ce qu'ils auraient pu croire. Envers et contre toute logique. Cet homme fou semblait éprouver un amour paternel sincère pour les hellions qu'il avait créé.

Était-ce vraiment de l'amour... ou le fruit malsain de l'admiration de son propre travail ? C'était la question que se posait Amélia et ses camarades alors que débutait, enfin, leur marche.


Hellions : partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant