Chapitre 5 - #8

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C'est dans un abysse fumant aux cloisons froides et à l'apparence délabré qu'évoluait Sélène. Était-ce des ruines ? Probablement. Les murs lacérés et brisés portaient la marque des combats qui avaient ravagé ces lieux souterrains. Entre rêve et réalité, la jeune femme tentait de se frayer un chemin vers la sortie qui la mènerait à la conscience. Son esprit ne pensait plus à l'opération, ni à sa condition. Ses mouvements, eux-même, semblaient être davantage le fruit d'un mécanisme automatique que d'une vraie réflexion. Spectatrice, elle se vit poser la paume sur un câble pendant depuis les hauteurs pour le repousser afin de continuer à évoluer dans cet environnement.

Une marque à demi-effacée à l'angle d'un couloir la fit réaliser : c'était les ruines de Cutter's Lane. Cette base l'avait vu passer du statut d'adolescente éplorée à celui de soldat durant six longs mois. Contrairement à d'autres, elle avait aimé cette rigidité, cette férocité, cette fierté qu'avaient essayé de leur inculquerles examinateurs. A la recherche de réponses, elle avait cependant été frustré de n'avoir jamais réussi à soutirer de véritables informations sur la tragédie qui avait coûté la vie à ses parents.

Elle ne s'était plus rendu ici depuis la tragédie, inexpliquée, qui avait détruit cette base. Qu'avait-il bien pu se passer ? Sélène entendit un hurlement dans le lointain, entre l'homme et l'animal. Elle se figea. Était-ce un skryn ? Non, c'était bien trop humain. Elle se mit à courir, ou du moins, elle se vit courir. La jeune femme traversa ruines et entassements divers pour échouer devant une porte close, celle-ci menait au poste de contrôle grâce auquel le Général surveillait les entraînements dans la grande arène souterraine. Elle se souvenait y avoir été convoqué une fois, durant ses premières fois, pour recevoir des compliments quant à sa combativité.

Pourquoi était-elle ici ? Sélène posa la main sur l'entrée mais fut incapable de l'ouvrir. Elle entendit à nouveau crier. Plus de doute, cela venait de cette pièce. Que pouvait-il bien se passer ? Elle tenta de forcer sur la porte pour la faire coulisser sans grands résultats, c'est à peine si la poussière entassée bougea. Nouveau cri déchirant, plus précis. Il n'y avait pas une voix mais un concert de hurlements décharnés provenant de plusieurs bouches à la fois. Ils étaient plusieurs. A nouveau, elle plaqua ses mains sur la paroi de métal et poussa. La jeune femme serra les dents et gronda de colère comme de peine alors que ses bras endoloris commençait doucement à faire bouger le métal rouillé qui, dans un crissement macabre, accompagnait le mouvement.

Centimètres par centimètres, Sélène construisait son futur passage. Elle passait ses yeux de temps à autre à travers l'ouverture grandissante qu'elle parvenait à créer sans rien discerner à l'intérieur et sans qu'aucun nouveau cri ne lui parvienne. Cette courageuse, et difficile, lutte contre la porte d'acier dura pendant plusieurs minutes mais la jeune femme parvint bientôt à se faufiler dans cette pièce noire d'où lui était parvenu les cris. Elle se sentit brutalement engloutie par les ténèbres, son corps ne lui répondit plus et elle aurait juré ressentir l'étreinte d'une ombre menaçante autour d'elle. Sélène tenta de pivota pour sortir, apeuré, mais elle constata bien vite que la porte avait disparu. Tout n'était que noirceur.

Le sol disparu et elle tomba, ou tout du moins, elle le ressentit comme tel. Sa tête et son corps furent balancés en haut puis en bas, de gauche à droite, dans un tourbillon incompréhensible. Lorsqu'un plancher fut à nouveau perceptible sous ses pieds, elle se trouvait dans l'angle noir d'une pièce à peine éclairée. Cette sinistre chambre de recherches comportait tout un tas d'accessoire de haute technologie mais ce qui attira son attention, ce fut un grand tube ovale disposé au centre de l'endroit. Devant lui, plusieurs scientifiques qu'elle avait du mal à discerner. Elle s'approcha.

Comme s'ils ne la voyaient pas approcher, les hommes et femmes de sciences éclairées par une lumière verte visiblement projeté par le contenu de la cuve - dont elle n'apercevait que le dos métallique - continuaient leurs conversations. Ses pas étaient lourds, elle aurait souhaité se rapprocher plus vite mais en fut tout simplement incapable en bonne spectatrice de ses propres mouvements. Elle entendit une voix familière.

- Je sais que cela paraît impossible mais les rapports à ce sujet ne peuvent être contredit. Voyez comme moi ! A-t-il l'air d'un fantasme ? Tonitrua une femme, un paquet de feuilles à la main et la main tendue vers le tube. Sélène aurait reconnu l'accentuation de cette voix entre mille.

"Maman ?" pensa-t-elle sans pouvoir le dire. Son corps continua d'approcher et son esprit, soudainement mit en marche, commença à s'interroger. Quel était cet endroit ? Tout ceci était-il un souvenir ? Non. Elle n'avait jamais été ici. Mais qu'était-ce donc ? 

- Je sais ce que tu ressens... mais pour l'instant, nous devons rester au stade d'hypothèses. Mener plus de tests serait dangereux. Répondit un homme, posant sa main sur l'épaule de sa mère.

"C'est papa..." se dit-elle enfin. Une frustration incroyable s'empara d'elle. Pourquoi ne pouvait-elle pas prendre le contrôle ? Elle aurait voulu courir, s'élancer, les serrer contre elle ne serait-ce que quelques fugaces instants. 

- Quelque chose ne va pas... ça s'emballe. Éloignez-vous ! Tout de suite ! Annonça-t-on depuis un haut-parleur.

La panique s'empara de la salle alors que des arcs électriques et des flammèches commençaient à poindre depuis le grand récipient. Le groupe auquel appartenait à ses parents recula et esquissa l'envie de se remettre à l'abri. Mais avant qu'elle ne put s'approcher davantage tout bascula. Le tube explosa, la déflagration fauchant une partie du public, dont sa mère, et laissant indemne l'autre. Sélène fut projetée contre un mur et ouvrit grand les yeux. Elle ne voulait rien rater, rien manquer.

De la carcasse métallique conique émergèrent des flammes à l'apparence améthyste. Celles-ci se répandirent à travers la salle, déclenchant divers incendie et provoquant d'autres explosions. Bientôt, le feu - rouge incandescent - remplaça le pourpre et dans un concert malsain de crépitements en tous genre, la chambre de recherche commença à s'auto-détruire. Des restes du tube émergea alors quelque chose, non, quelqu'un. Sélène tenta de se concentrer mais fut bien incapable de discerner autre chose qu'une silhouette humaine aux vêtements déchirés tels qu'elle les avait vu autrefois à Shion.

Elle constata à nouveau la déchirure du manteau de l'inconnu à l'épaule et revit l'Uraeus tatoué sur sa chair. Malgré le feu ambiant, il demeura dans l'ombre. Sa simple présence apeura les scientifiques qui ramassèrent leurs amis mourants en tentant de rallier la sortie. L'un des survivants lutta contre les flammes sans pouvoir atteindre la porte, Sélène le vit se tourna et observer à travers la baie vitrée qui donnait sur la salle suivante. Une petite fille était visible dans le lointain. "C'est moi..." comprit-elle à haute voix, saisissait toute l'importance de ce qu'elle était en train de vivre.

La silhouette noire frappa lourdement son pied droit au sol et de nouvelles flammes violacées émergèrent autour de lui. Tel un souffle dévastateur, il attisa les braises déjà présentes et provoqua une violente salve qui emporta les survivants dans un torrent ardent. La jeune femme assista, impuissante, à la disparition de son père réduit en un tas de cendres fumant tandis que la déflagration brisait la vitre pour projeter sa version infantile à travers l'anti-chambre lointaine.

- Alors tout ça... c'était bien réel... murmura-t-elle à mesure que la scène prenait en intensité. 

L'inconnu indiscernable se tourna enfin pour la regarder. Elle tendit la main de rage dans sa direction, jurant intérieurement. Sans qu'elle ne puisse rien faire, elle le vit hocher la tête. Le feu améthyste revint, comme émergeant du corps mystérieux. Les flammes se jetèrent sur elles, l'entourèrent. Elle eut l'impression de fondre, de carboniser, de disparaître. Elle hurla.

Et c'est dans un hurlement que ses yeux s'ouvrir dans une chambre froide aux néons blancs...

Hellions : partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant