Incapable de se mouvoir, Dante avait senti son sang geler lorsqu'il avait entendu cette phrase murmurée à son oreille. Elle était comme ensorcelée, véhiculant un désir à peine voilé, une fascination curieuse mais également une menace omniprésente. Il tenta de planter son regard dans les yeux sombres de l'inconnue et prit le temps de formuler sa réponse. D'ordinaire, il aurait sans doute agi à la va-vite mais avec une hellion, il valait mieux assurer ses arrières. Il répondit sur un timbre de voix qui se voulu ferme sans être agressif.
- Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici ? Elle se mordit la lèvre inférieure et hocha négativement la tête. D'un mouvement de la main, elle fit pression sur ses épaules et l'allongea puis se plaça au-dessus de lui. Ses mains allèrent trouver les poignets de l'adolescent pour le bloquer.
- Non, mon beau. Tutoies-moi. N'ai pas peur, je ne vais pas te faire mal.
- Que fais-tu ici et qui es-tu ? Elle sourit, comme une enfant inoffensive.
- Je m'appelle Road et je suis un Spectre. J'avais envie de partager un petit moment avec toi. Tu sais... je suis plus à l'aise dans l'intimité. Dit-elle en se penchant à nouveau vers son oreille pour y passer subtilement la langue.
Dante se trouvait presque désarmé, cette situation l'embarrassait. Non pas qu'avoir une femme sur lui en train de lui procurer quelques sensations soit un problème en soi mais l'atmosphère était tout simplement malsaine. Ce mélange bâtard de peur et de rapprochement intime ne lui plaisait guère. Il ignorait s'il devait se sentir oppressé ou chanceux.
- Ne pouvais-tu pas simplement toquer à ma porte ? Que peux bien me vouloir un Spectre ? Est-ce la suite des tourments qu'a subis mon camarade ?
- Tu me vexes. Road plissa les yeux et laissa un silence avant de poursuivre.
- Ai-je l'air d'une montagne de muscles stupide incapable de retenir ses coups et imbue d'elle-même au point de briser les os de mes potentiels futurs pairs de combat ? Hm ?
- Non. Mais tu es un Spectre et je me méfie de vous.
- A tord ou à raison ? Que t'avons-nous fait ? Ton ami n'a pas eu de chances. Feras-tu d'un cas isolé une généralité ?
Dante tenta de se dégager subtilement mais il sentit le poids et la force du hellion le retenir. En véritable serpent, elle resserrait son étreinte avec ses cuisses. Elle remit une mèche de ses cheveux noirs derrière son oreille. Essayait-elle de le manipuler ?
- Je le sens au fond de moi, vous n'êtes pas normaux. Le fait que tu pénètres dans ma chambre sans me demander mon autorisation suffit à me faire penser que ça ne tourne pas rond avec vous.
Road fit une moue et approcha son visage du sien, les épaisses lunettes steampunk vissées sur le haut de sa tête glissèrent lentement puis tombèrent sur son cou. Elle sourit. Dante avait bien du mal à imaginer cette jeune fille en tueuse sanguinaire, elle avait les yeux de l'innocence même. Son subconscient lui hurlait de se méfier mais ses défenses finissaient presque par tomber, la proximité entre eux n'aidant en rien.
- Me verrais-tu en mauvaise fille ?
- J'ignore ce que tu es, ni qui tu es. J'ai... beaucoup de mal à te cerner. Que veux-tu concrètement ? Il la fixa en tenta de durcir son regard, elle recula alors doucement son visage et l'espace d'un instant, il cru apercevoir une lueur rosée parcourir ses iris avant de s'évanouir.
- Je viens pour te présenter mes excuses.
- Je te demande pardon ? Il resta interdit et ne comprit pas. De quoi parlait-elle ?
- Je suis désolé pour Baalh. Dit-elle, faiblement, en se redressant pour remettre ses lunettes à leur place légitime. Dante ne répondit pas. Qu'aurait-il pu dire ? Ca n'avait aucun sens. Un Spectre pénétrait sa chambre pour s'excuser ?
- Je ne comprends pas... qui représentes-tu ? Ton escouade ?
- Non. Je ne représente personne. Les Spectres ne s'excusent pas. Mais Road s'excuse. Ce qui est arrivé à ton ami est cruel... j'ai ressenti toute ta peine quand je suis passé par ici. Je me suis arrêté pour te consoler. Tu te tourmentes pour une chose inéluctable. J'ai trouvé ça immensément triste. Mon pauvre Dante...
La jeune fille posa une main douce et câline sur la joue de Dante, en pleine incompréhension, alors que ses yeux s'humidifiaient. Il y avait une sincérité insoupçonné au fond d'elle et il avait, soudain, l'impression qu'elle comprenait tout ce qu'il cachait dans les tréfonds de son cœur. Comme si elle avait été capable de lire en lui comme dans un livre sans qu'il n'ait rien pu faire. Sorcellerie ? Pouvoir mental ? Il ne comprenait plus. Il ne savait plus. Il se retrouvait là, seul, avec une Spectre en train de pleurer sur son lit et sur lui.
- Tu n'as pas à t'excuser... tu n'y aies pour rien. Seth a choisi ce combat et ton camarade a fait ce qu'il a jugé nécessaire.
- Baalh est un monstre, même chez nous. On le surnomme le "Titan" ou le "Boucher" en fonction de l'appréciation qu'on se fait de lui. Il incarne la sauvagerie et la colère. Cet homme n'est qu'un fragment de colère primitive insoumise que nul ne peut réfréner. Une fois lancée, rare sont ceux qui osent l'arrêter.
- Seth voudra essayer et souhaitera un match retour. Je le connais...
- Il y laissera la vie, ne le laisse pas faire ! S'exclama-t-elle, posant ses mains sur son torse et se couchant presque sur lui en nichant son visage dans son cou.
- J'essayerai... Road, c'est bien ça ? Dante se fit violence et replia ses bras autour d'elle.
- Road. C'est comme ça que je m'appelle, oui. Je voudrai faire la sieste avec toi mais je dois y aller. C'est plutôt triste. La jeune femme quitta subitement son étreinte, roula de côté et sautilla pour se mettre debout. Elle craqua sa nuque et le regarda de haut.
- Nous nous reverrons, ô, ça oui. J'ai apprécié ce petit instant avec toi, Dante. Bonne chance pour la suite. N'approchez pas trop de nous, hein ? Elle lui fit un clin d'œil puis, d'un pas décidé, se dirigea vers la porte qu'elle ouvrit avant de disparaître.
Il fallut plusieurs minutes à Dante pour comprendre, analyser et accepter ce qu'il venait de se passer. Road, la Spectre sensible. La transformation en hellion affectait visiblement la psyché de ses utilisateurs en des proportions difficiles à quantifier. L'adolescent ne retrouva pas le sommeil. Il décida de prendre une douche brûlante avant de partir en quête de Sélène et d'Amélia afin de leur raconter son aventure. Il voulait entendre leur avis.
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Hellions : partie 1
Science FictionUn monde parfait. Un quotidien idyllique. Une jeune fille insouciante. Une tragédie. A une époque où la technologie frôle le fantastique et où les normes segmentent la société selon un équilibrage presque parfait, certains se plairaient à dire que l...