Chapitre 1 - #21

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Lentement, les paupières de la jeune femme s'ouvrirent pour découvrir au-dessus d'elle un néon blanc dont la luminosité avait été réduite de moitié. Elle était allongée sur un matelas confortable au fond d'une petite pièce aux murs immaculés. Une armoire, une table de chevet, un porte-manteau et une porte. Plus surprenant que tout, elle était en vie.

Vêtue avec ce qui semblait être une robe de chambre épaisse couleur bleu clair, ses souvenirs se mêlaient dans un chaos sans nom. L'attaque, le train, la cité en flamme, le sauveur en manteau noir, l'épée d'argent. Tant de choses qu'elle ne s'expliquait pas. Lâchant une quinte de toux, elle vint passer une main sur ses jambes pour y découvrir des bandages cicatrisant.

- Veuillez prendre garde à ne pas les arracher. Déclara une voix cybernétique sur un ton monocorde.

A côté du lit apparut doucement l'image holographique bleutée d'une femme aux cheveux attachés en queue de cheval.

Bien que de forme humaine, cette entité possédait une "peau" lisse et parsemée de filaments oscillant entre le blanc et le gris. Seuls ses simili-cheveux étaient noirs, ou quelque chose s'en rapprochant.

Amélia sursauta à son approche et prit ensuite le temps de la regarder. Elle comprit rapidement de quoi il s'agissait même si elle pensait cette technologie encore incomplète, du moins pour le grand public.

- Qui êtes-vous ? Demanda-t-elle naïvement.

- Je suis l'Intelligence Artificielle A-712 mais la plupart des membres de cet endroit me surnomme Any.

Le visage de l'hologramme se mit à sourire, on aurait jurer un véritable être humain.

- Comment vous sentez-vous mademoiselle ?

- Je ne sais pas vraiment... J'ai beaucoup perdu en peu de temps...

Elle passa sa main sur son bras, l'air amoindrie et dépitée.

- Concernant votre état physique, vos jambes avaient été le plus sérieusement touchées. Nous avons fait en sorte de les restaurer et de les panser.

- Merci... Combien de temps suis-je restée endormie ? Demanda-t-elle en se rendant compte qu'elle n'avait aucune idée de la durée qui s'était écoulée depuis son sauvetage.

- Un peu plus de 24 heures, vous vous êtes remise assez rapidement.

- Et... mon grand-père ? Demanda Amélia avec une voix lente et froide, ces événements l'avaient marquées plus profondément qu'elle n'aurait su le décrire.

- Votre grand-père dites-vous ? Un instant.

L'IA posa la main sur sa tempe et prit un air pensif certainement en train de consulter ses banques de données. Le cœur de la jeune fille aurait dû s'emballer mais il n'en fut rien. L'odeur des corps et de la cendre. La vision des pauvres erres mutilés. La sensation d'impuissance. Tout ces éléments ne lui laissaient plus grand espoir de revoir celui qu'elle aimait tant.

Le vieil homme avait porté Amélia depuis la disparition de ses parents. Parfois sévère mais toujours juste, il avait souvent eu du mal à exprimer son amour pour sa petite-fille mais s'était toujours révélé excellent conseiller même lorsqu'elle refusait de l'admettre. Il n'avait eu de cesse de la pousser vers le haut pour la voir atteindre ses rêves.

Any retira sa main de sa tempe et prit un air compatissant, ou tout du moins, quelque chose s'en rapprochant.

- Je suis navrée. Je vous ai enregistrée sous le nom d'Amélia Denver. Je n'ai aucun autre survivant dans ma liste de données. J'ai bien peur que votre grand-père ne s'en soit pas tiré ou soit encore à Sion.

Lentement, les larmes montèrent à ses yeux. Ses mains se recroquevillèrent sur le draps et elle abaissa la tête. Avait-elle donc tout perdu ?

Amélia se replia sur elle-même, enfonçant sa tête dans ses jambes qu'elle cercla de ses bras. Tremblante, presque agonisante de chagrin et de terrain. Les souvenirs se mêlaient à la peine. L'IA reprit son air sérieux.

- Demoiselle, votre état est stable. Je vais vous demander de vous habiller avec vos vêtements dans l'armoire. Ils ont été lavé et rafistolé. D'autres ont besoin de cette chambre. Dans le couloir, sur votre droite, vous trouverez une salle commune d'attente. Certains de vos compagnons y sont peut-être. Je vous laisse vous tenir au courant de la suite des démarches pour votre réinsertion via les annonces de l'armée. Bonne journée.

Glaçant, l'hologramme disparut en laissant la jeune femme dans sa peine. Sans faire preuve de compassion ou de compréhension. Ce n'était qu'un programme informatique alors qu'attendre de lui ? Les minutes passèrent et la peine s'étouffa.

Elle attrapa un mouchoir placé dans une boite sur la table de chevet, ironie préventive à n'en point douter. Séchant ses larmes et prenant le temps de se calmer, Amélia se leva et approcha de l'armoire. Elle devait relativiser tout cela de son mieux pour continuer à avancer.

Posant sa main sur la plaque tactile au centre, elle provoqua le coulissement sur le côté des panneaux qui refermait le mobilier. Ses vêtements étaient effectivement là. Elle les enfila rapidement et approcha de la sortie. 

La porte s'ouvrit et elle découvrit un vaste couloir. Les murs inclinés étaient criblés d'entrées similaires à celle de sa propre chambre. Marchant de long en large de l'allée, robots, réfugiés et militaires vaquaient à diverses occupations. Où était-elle ?

Tournant la tête à droite comme indiqué par l'IA, la jeune fille remarqua effectivement une grande baie vitrée au bout du tunnel. Cette dernière semblait déboucher sur une immense salle commune, comme prévu. Elle se mit en route.

Glissant ses mains dans ses poches, elle fut bien mal de constater que son smartphone n'était plus là. Retour à l'âge de pierre... Pensa-t-elle alors puis elle se reprit. Quel intérêt de songer à cela maintenant ? Aucun. Pourtant elle venait de le faire. Était-elle bien plus addict à sa technologie et à son confort qu'elle ne l'aurait cru ?

Nul ne la regardait, nul ne s'intéressait à elle. Elle semblait avoir été toilettée et presque apprêtée, tout devait être parfait même ici. Surtout ici, en vérité, là où l'espoir meurt avec les rêves. Personne ne semblait remarquer sa détresse, son désarroi, sa tristesse.

Dans ce sordide tunnel aux murs parfaitement lisses, tous avaient des raisons d'être aidés et tous avaient des raisons d'ignorer la souffrance de leur prochain au profit de leurs propres blessures, physiques comme psychiques.

Voilà le terrifiant bilan de l'assaut de créatures malsaines sur une cité sans véritables défenses.

Arrivée au niveau de la salle, les portes transparentes s'ouvrirent d'elles-même et Amélia déboucha dans une salle au plafond relativement haut. Sur les côtés, des humanoïdes robotiques semblaient rassurer les survivants et distribuer nourritures et boissons.

Des tables encerclées de fauteuils ou canapés aux allures confortables étaient disposées au centre de la pièce pour permettre à tous de s'asseoir et de se reposer. Sur les murs, des écrans géants diffusaient des informations en direct.

Enfin, tout au fond de la pièce, deux ascenseurs gardés par des soldats. Celui de gauche était surmonté d'un logo en forme de train. Celui de droite était, lui, surmonté d'un logo en forme de fusil. Que signifiait tout ceci ?

- Amélia ! Cria-t-on alors. Elle tourna la tête vers la gauche.

Se levant d'un fauteuil où il était entrain de parler avec d'autres réfugiés, Aito se hâta de rejoindre son amie et l'enserra dans ses bras. Elle lui rendit la pareille, le serrant comme elle ne l'avait jamais fait avec quiconque.

Enfin, un visage familier venait à elle et avec lui, un maigre espoir de pouvoir se raccrocher à quelque chose de connu.

Hellions : partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant