C'est dans un cri de terreur et de douleur que Seth émergea du profond sommeil dans lequel il était plongé depuis plusieurs jours. L'esprit embrumé, le jeune homme prit le temps de se calmer avant de se redresser et de s'asseoir, dos collé contre le mur blanc derrière lui. Il balaya du regard la pièce où il se trouvait et constata qu'elle n'avait pas grand chose à offrir si ce n'est un lit, une petite armoire et de quoi se faire une toilette sommaire. Constatant sa nudité totale, il observa ses mains et ses avant-bras encore lacérés de cicatrices. Quelques images lui revenait sporadiquement. La machine, l'opération, le Venom, la douleur au cerveau et le noir. Depuis qu'il avait perdu connaissance il n'avait fait qu'errer à travers des visions cauchemardesques, combattant ses peurs et ses doutes.
Une dizaine de minutes s'écoula avant qu'il ne se décide à tenter de se lever. A peine ses pieds eurent-ils touché le sol qu'il ressentit une douleur lancinante dans ses jambes, les séquelles de la métamorphose étaient visiblement encore bien présentes. Refusant de laisser quelques cicatrices dicter son comportement, Seth parvint à se lever et à marcher doucement vers l'armoire. Tel un enfant réalisant ses premiers pas, il tenta de conserver l'équilibre mais trébucha, cognant sa tête contre le mobilier qu'il était presque parvenu à atteindre. La souffrance qui traversa alors ses chevilles et remonta jusqu'à son bassin l'enragea. Dans un grognement distinctif, il écrasa son poing dans la porte de l'armoire.
Ce qui se passa alors défia toute logique car c'est avec une aisance presque insolente que le coup porté avait traversé la paroi de bois synthétique en creusant un trou dans cette dernière. Le jeune homme resta interdit, sa stupeur était telle qu'il en oublia sa douleur et se redressa en retirant sa main de l'intérieur de la penderie. Que venait-il se passer ? Il scruta sa main. Pas une égratignure, pas une écharde. Il sentit une indescriptible sensation de puissance monter en lui. Elle était là depuis son réveil sans qu'il s'en soit rendu compte, cette force et cette résistance qu'il n'était pas capable d'expliquer. Était-ce là les prémices de ses dons en tant que hellion ?
Il resta planté quelques instants devant le trou béant qu'il venait de creuser. Sa mémoire, jusqu'à lors bloquée, lui revenait lentement et tout devint plus précis. C'était bien l'oeuvre du poison qui coulait à travers ses veines, il avait survécu. Seth se rendit soudain compte de la chance qu'il avait eu et repensa à ses pairs : Dante, Amélia et Sélène. Qu'était-il advenu d'eux ? Le doute et la peur l'étreignirent. Il ouvrit les portes devant lui et chercha quelques affaires pour se vêtir. Curieusement, il y avait un choix assez large. Attrapant ce qui lui passait sous la main, le jeune homme commença à enfiler les vêtements un à un. Une sensation bizarre le prit à nouveau.
Le contact du tissu sur sa peau l'irrita à chaque nouvelle couche ajoutée, il était pris d'une irrépressible envie d'arracher ce qu'il venait tout juste de mettre. Que se passait-il ? Son t-shirt se mit soudain à le gratter, à le démanger et il ne put finir de mettre son pantalon tant sa perception des fibres sur ses jambes le dérangeait. Son caleçon, lui-même, fut finalement perçu comme une terrible agression de sa peau et de ses pores. Incapable de résister à ses pulsions primaires et sous le coup d'une gêne inexplicable, il arracha sans mal tout ce qu'il était parvenu à enfiler pour se remettre à nu. Aidé de ses muscles désormais surhumains, il n'eut aucun mal à déchirer les vêtements dont il ne subsista bientôt plus que quelques haillons au sol.
Il recula, pris de vertiges et l'esprit embrumé par l'incompréhension, il y avait de quoi. Son corps venait-il de faire un rejet massif et hystérique d'une chose plus que commune : à se vêtir ? Pourquoi ? Le tissu couvrant sa peau lui était devenu insupportable et il semblait avoir développé une hypersensibilité. Fasciné par sa propre peau, il eut tôt fait de regarder le mur en face de son lit où trônait une simple porte. Concentré, il crut entendre quelque chose et s'approcha. Le bruit, fin, émanait du sol et le jeune n'eut qu'à se mettre à genou pour comprendre. Il entendait l'air qui s'écoulait entre cette pièce et le couloir, encore un prodige lié à sa condition nouvelle ?
Son esprit semblait réfléchir et se développer plus vite que ses idées ne parvenaient à s'aligner. Seth eut l'étrange impression de ne plus être maître de son propre corps et sa psyché pendant quelques instants. Déstabilisé, il retourna près du lit et s'assied. Comment se faisait-il que son corps tolérait les draps et pas les vêtements ? Ses cellules faisaient-elles la différence entre un tissu destiné à une fonction de sommeil et un autre destiné à leur emprisonnement journalier ? Une telle chose était-elle seulement possible ? Il déglutit, c'était insensé. Il attrapa sa tête entre ses mains et tenta de se calmer. Se souvenant de ses entraînements de recrue en cas de situation de crise, il inspira, expira et fit le vide.
Les yeux fermés, il parvint enfin à se recentrer. Son corps lui paraissait incroyablement plus développé et ceux dans tous les sens du terme. Il ne s'agissait plus que de prouesses physiques car ses sens eux-même lui paraissait bien supérieur à tout ce qu'ils avaient jamais été. Son esprit s'égara dans quelques rêveries et put toucher du doigt cette chose qui le dérangeait tant : ses limites. Celui qu'il était aujourd'hui n'était pas celui d'hier et de ce fait il ne devait plus réfléchir comme il l'aurait fait avant l'opération. Les images de ses compagnons lui revinrent en tête et dans un élan de bienveillance, il se convainquit de la nécessité de se vêtir. Il se rappela de cette tenue si confortable qu'il arborait à Cutter's Lane entre les entraînements et sentit des picotements émaner de sa peau.
Il ouvrit les yeux et se dressa sur ses jambes, terrorisé. Ses yeux firent des allers-retours sur l'ensemble de son corps sans comprendre ce qui était en train de se passer. De sa peau émanait désormais comme une surcouche de vapeurs mêlées à quelques très légères effluves noires. Ces dernières se concentraient et semblait créer les vêtements qu'il venait d'imaginer sous ses yeux. Il eut pour réflexe de se palper, laissa échapper un cri de surprise et se colla au mur en se tortillant tentant d'arracher ce tissu factice sans y parvenir. Qu'est-ce que tout cela signifiait ? En l'espace de deux minutes, tout son corps s'était retrouvé vêtu. Il avait ce pantalon kaki caractéristique, ce débardeur couleur grise qu'il affectionnait tant et jusqu'à ses bottes de recrues suppléées de chaussettes avaient été recréées.
Il se laissa tomber contre le mur et s'assied au sol cette fois-ci en regardant son corps. Entre le dégoût, l'incompréhension et la terreur, Seth tentait d'expliquer ce qu'il venait de se passer avec rationalité. Une muqueuse s'était installée sur son épiderme, de la vapeur avait émergé depuis les pores de sa peau et tout ça avait créé ce qu'il avait imaginé à partir de rien. Tout ceci lui paraissait surréaliste, rêvait-il ? Tout portait à croire que non. Paralysé par ses questionnements et son incapacité à expliquer l'inexplicable, il n'avait pas entendu la porte de sa chambre s'ouvrir. Il ne se rendit compte de la présence d'un autre individu que lorsqu'une voix forte tonitrua à son attention.
- C'est toujours déstabilisant la première fois. Tu t'y feras, gamin.
Seth, dominé par un instinct primaire, se dressa sur ses jambes et pivota vif comme l'éclair pour faire face au nouveau venu. Le colosse apparaissant désormais dans l'encadrement de la porte lui était bien connu : Baalh. Sans qu'il n'y puisse rien les images de leur dernier affrontement lui revinrent en tête comme une spirale frénétique, il se remémora la douleur, la condescendance du géant et son impuissance. Prit dans un torrent de colère impossible à contrôler, Seth s'élança malgré lui en direction de celui qui lui avait infligé tant de souffrances.
Le poing dressé, il hurla : espèce de fumier, cette fois-ci, je vais pas te rater ! ... et il frappa.
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Hellions : partie 1
Science FictionUn monde parfait. Un quotidien idyllique. Une jeune fille insouciante. Une tragédie. A une époque où la technologie frôle le fantastique et où les normes segmentent la société selon un équilibrage presque parfait, certains se plairaient à dire que l...