Hellions : partie 1

Chapitre 3 - #26

Abandonnant leurs bottes à terre sur demande de Kain, le quatuor commença à suivre le professeur à travers les couloirs quasi-féeriques du Centre, le vrai. Cette ambiance luxueuse et opulente regorgeant de matériaux aujourd'hui quasiment impossible à se procurer donnait au tout une apparence trop lisse. Si les risques prient par les hellions étaient à la hauteur de la magnificence de l'endroit alors combien d'entre eux survivaient réellement à chaque mission ? Amélia se sentit quelque peu oppressée, et si Ren ne revenait finalement jamais ? Elle s'interdisait de considérer cette hypothèse. Il ne décéderait pas avant qu'elle l'ait revu.

- Pourquoi avoir mis en place un tel jeu de rôle ? Un jeu de piste, presque. Je ne comprends pas. Questionna Sélène qui s'était approchée du scientifique pour marcher à son niveau.

- La question mérite d'être posée. Devenir hellion c'est avant tout un état d'esprit. Vos corps vont être amenés à supporter de grands changements mais vos esprits seront plus affectés encore. Je ne peux pas me permettre d'accepter des individus sans recul ni défiance au sein de mon projet. Je ne le tolérerai pas. Répondit Kain, ajustant ses lunettes.

- Les hellions sont incroyablement forts pourtant. Vous ne devriez pas attendre d'eux une soumission quasi-totale ? Ils seraient plus simples à contrôler.

- Non. J'ai mené des expériences aux limites de l'acceptable mais jamais je ne souhaiterai créer une arme à partir d'un être humain. Homo sapiens demeurera homo sapiens après être passé dans mon laboratoire. C'était l'une des conditions de conception de ce projet.

- Alors vous considérez important que nous gardions un libre arbitre et une libre compréhension de notre environnement ? Enchaîna Amélia, les deux adolescentes se montrant plus loquaces que leurs pairs masculins, méfiants.

- Indéniablement. Aucun robot, aucune IA ne pourra jamais rivaliser avec l'esprit d'adaptation d'un humain même si certains voudraient faire penser l'inverse.

- Que faites-vous réellement à ceux qui deviennent des hellions ?

A cette question, cependant, Kain ne répondit pas. Il se contenta de poursuivre sa marche jusqu'à les amener devant une double porte massive. Attrapant les poignées dorées de celles-ci, il poussa les battants et leur offrit l'un des plus beaux spectacle de toute leur existence. Une gigantesque salle semblable à la fois aux grands salons des Immortels et aux bibliothèques des temps anciens. Répartis sur deux étages, cette formidable pièce était équipée de sièges, banquettes et autres coussins dont nul n'aurait souhaité contesté la qualité. Chandeliers et lampes dorées ornaient plafonds et murs. 

Au fond, une grande table de bois massive semblait attendre que l'on serve un repas commun comme dans les familles de jadis décrite dans les livres d'histoire. Cette salle, hors du temps, hors de sa propre dimension, possédait une délicieuse odeur fruitée relevée par les notes du bois ancien et celui des bougies flambant en ses coins obscurs. Pétrifiés, le quatuor resta inerte jusqu'à ce qu'Amélia réalise. L'adolescente courut sans la moindre hésitation en direction de l'une des nombreuses étagères où s'amoncelaient quantité de livres divers. Elle en prit un en toute hâte et l'ouvrit.

- Du papier... Susurra-t-elle, effleurant avec une douceur quasi-angélique cette chose dont elle avait entendu parler mais qu'elle n'avait jamais pu contempler.

Elle ne pouvait y croire tant la présence de cette matière semblait surréaliste. Ses doigts prirent le temps d'épouser les contours de l'oeuvre, son dos, sa reliure, sa couverture. Précise, elle caressa avec sensualité les pages qu'elle tournait délicatement. Le papier avait une odeur. L'écriture, bien qu'imprimée, semblait avoir une histoire. Elle se retint de pleurer. Son esprit scientifique, son esprit critique et son esprit littéraire revinrent soudain à la vie après plusieurs mois d'errances. Tremblante, elle lut quelques lignes sans vraiment comprendre le sens des mots qui se trouvaient devant elle. Une langue inconnue.