Chapitre 4 - #8

497 78 4
                                    

Sélène tenta d'organiser ses pensées mais de nouvelles détonations accompagnées de hurlements dans le couloir et de secousses importantes vinrent à nouveau la troubler. Prise d'un sentiment de peur comme elle n'en avait alors jamais connu, l'adolescente préféra choisir la désobéissance à l'attente passive. Bravant l'interdit formulé par son père quelques minutes auparavant, elle sauva quelques affaires et ouvrit la porte pour s'enfuir du bureau à la recherche de ses parents.

Une fois dehors, c'est une scène de désolations surréaliste que la jeune fille eut à affronter. Au sol, des débris en tout genre tombés des plafonds ou abandonnés par les fuyards. Le personnel du centre, effrayé, prenait ses jambes à son cou à travers les couloirs. Certains tombaient, étaient piétinés puis se relevaient pour continuer. Tous partaient à l'assaut des escaliers afin de remonter à la surface au plus vite. Éclairée par les seules teintes rouges réservées aux situations de crise, Sélène longea les murs et évita au maximum d'être bousculée.

Une détonation, encore. Elle sentit le sol trembler et tomba tout près d'un homme. Il avait le visage ensanglanté, ouvert à l'arcade sourcilière droite. Il regarda l'adolescente, désolé.

- Le professeur Haagsen ! Je cherche Haagsen ! Vous l'avez vu ? Où est-elle ?! Hurla-t-elle pour se faire entendre, son interlocuteur ébahit et sonné fit un geste las derrière lui.

- Salle de recherche... B4. Bout du couloir, à droite, grande porte. Je crois... oui... Il se releva, prêt à repartir. Elle tenta de l'interpeller avant qu'il ne s'enfuit.

- Mais qu'est-ce qui se passe ?

- Un équipement expérimental est devenu incontrôlable. Il faut partir d'ici, les prochaines déflagrations pourraient balayer ce niveau et ceux en dessous ! Vociféra l'inconnu avant de repartir à vive allure.

Dans le tumulte et la folie ambiante, l'adolescente poursuivit son chemin. Le flux des fuyards commença lentement à se tarir et elle parvint au bout du couloir. Comme indiqué, elle tourna à droite et put apercevoir à quelques centaines de mètres devant elle une immense porte de métal dont l'un des côté avait été légèrement arraché. Manquant de s'écraser à terre lorsqu'une autre secousse balaya l'installation, Sélène prit son courage à deux mains et poursuivit.

La chaleur ambiante avait clairement augmenté et le fin courant d'air toujours perceptible dans les tunnels froids du centre de recherche avait disparu. L'odeur acide désagréable qu'elle avait déjà senti dans le bureau se faisait plus présente que jamais. Ses yeux la piquaient et son instinct tentait de la conduire à la fuite. Mais ses parents étaient là-bas, elle le savait. Ils ne se seraient pas enfuis sans elle. Impossible.

Entendant un craquement au-dessus d'elle, l'adolescente esquiva in extremis la chute d'une plaque de métal normalement fixée au plafond. Prenant conscience, petit à petit, de l'urgence imminente de la situation, elle força ses jambes à courir malgré la douleur et le risque de chute en cas de nouvelles secousses.

Sélène parvint devant la fameuse entrée et parvint à s'y glisser par la faille qui y avait été créé par les secousses et, peut-être, les explosions. Elle se retrouva au beau milieu d'un véritable enfer. Tout autour d'elle, les flammes, le chaos, des équipes détruits et surtout des cadavres au sol. Choquée, la jeune fille colla son dos contre la porte en bloquant ses mains sur sa bouche pour ne pas hurler. 

Devant elle, une grande baie vitrée visiblement renforcée et donc en bon état malgré plusieurs éclats ou lésions présentes dans le verre. La jeune femme put apercevoir, de l'autre côté, une salle encore plus grandes que la fumée rendait difficile à discerner. Au milieu du feu proéminent, elle put tout de même voir des formes s'agiter. Attrapant à terre ce qui ressemblait à un masque, l'adolescente couvrit sa bouche pour éviter de s'intoxiquer avec les vapeurs empoisonnées qui se dégageaient des flammes.

Slalomant entre les corps et les équipements en ruines, elle se fraya un chemin à travers les décombres pour arriver au niveau de la vitre. Sur la droite de celle-ci, une porte blindée visiblement verrouillée. Passant sa main sur ses yeux brûlés par l'atmosphère et l'acidité ambiante, Sélène distingua plus facilement la salle qui s'étendait devant elle. A presque dix mètres, de l'autre côté, deux personnes tentaient visiblement de s'occuper de trois autres à terres. Parmi les scientifiques au sol la jeune fille put reconnaître sa mère. Du moins, elle l'identifia comme tel.

L'écran de fumée rendait difficile toute approximation de son état et elle se mit à hurler depuis sa position pour qu'on la remarque. L'un de ceux qui était encore debout parvint à la voir, il fit un signe de la main à son collègue qui se releva. Cette fois, c'est son père que l'adolescente reconnut. Elle parvint un distinguer un rictus sur son visage, était-ce de la surprise ou de la colère ? Un peu des deux. Elle ne devait pas être ici.

Il tenta de s'avancer parmi les débris mais fut jeté à terre lorsque, plus loin dans la pièce, une nouvelle explosion retentit. Était-ce seulement au fond de cette salle ou bien plus loin ? Sélène n'en savait rien, le feu bloquait toute vision. Elle tomba à nouveau. La main droite collée à la vitre, elle se releva péniblement. Sa tête était lourde, les vapeurs et la fumée ne l'aidaient pas et commençait lentement à lui faire perdre conscience, provoquant quelques délires et hallucinations.

Était-ce le fruit de ses inhalations qui lui donnait l'impression que les grandes flammes dans le fond de la pièce devant elle avait, parfois, quelques teintes améthystes ? Subtiles, presque imperceptibles. Rêvait-elle ? La chaleur devenait insupportable et elle fut bientôt incapable de se maintenir sur ses jambes sans être appuyée, la tête contre le verre. Elle n'entendait pas ce que son père lui criait, ou du moins, tenait de lui crier. Il faisait de grands gestes. Il voulait sans doute la voir fuir.

Au prix de grands efforts et de plusieurs blessures, il parvint à bouger une partie des débris mais ne fut pas en mesure de rejoindre sa fille. Il y eut une sorte de crissement dans le lointain et Sélène eut l'impression que le sol affaissait. Avant qu'elle ne comprenne, elle jeta un regard à son paternel et la vit lui adresser un grand sourire. Cachant sa peur, ses doutes et ses émotions, il sembla dire quelque chose. Elle ne l'entendit pas mais le lu sur ses lèvres : "je t'aime".

L'instant d'après, tout volait en éclat. Il y eut une explosion gargantuesque. Elle souffla les survivants, brisant la vitre renforcée et Sélène fut projetée à travers la pièce pour venir s'écraser dans la grande porte d'entrée. Dans la fournaise, les débris et la mort, elle put admirer les grands brasiers oranges et rouges qui s'apprêtaient à l'engloutir. Rêvait-elle, lorsqu'elle vit à nouveau ces petites teintes violacés dans les cœurs de ces flammes ? Elle n'en savait rien.

Ce fut tout.

* * * 


Hellions : partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant