Chapitre 2 - #8

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La voix d'Aito, demeuré muet jusqu'à lors, tira Amélia de ses songes et lui permit de reprendre le fil de la conversation. Coudes sur la table et doigts entremêlés, le jeune homme fixait Leon avec une lueur intriguée au fond des iris.

- Si votre intérêt est le savoir, pourquoi ne pas avoir averti tous les soldats de votre présence ce soir ? Vous auriez eu un auditoire bien plus vaste. Au lieu de ça, vous vous retrouvez avec à peine dix participants. N'est-ce pas contradictoire ? Demanda Aito, poursuivant son petit interrogatoire. Maintenant qu'il avait la parole, il ne comptait pas la céder.

- Remarque pertinente. Cela étant dit, ce que je vous apprends là ne sera pas utile aux soldats lambdas sur le champs de bataille. Ma ... popularité aurait attiré ici tout un tas de recrues incapables d'utiliser ou de saisir le sens des informations que je vous offre. J'ai préféré me faire discret, afin de pouvoir évaluer qui étaient les aspirants prometteurs.

- Peut-on juger une recrue comme prometteuse à la simple vue de celle-ci dans un cours théorique ? Demanda en ricochet un jeune homme situé en bout de table.

Amélia le détailla. Il s'agissait d'un garçon à la peau légèrement mâte, au crâne presque rasé et au bouc naissant. Affalé dans son siège, un bras recourbé sur le dossier et l'autre longuement étendu sur la table, il défia presque le stratège du regard.

- Développez. Lui intima Leon.

- Le savoir a beau être important, sur le terrain, il n'y a plus que vous, votre troupe et votre arme. Les monstres dehors se fichent bien de savoir que vous connaissiez leurs méthodes de prolifération, ou que vous les considériez comme des êtres intelligents. Ils vont vous tuer sans état d'âme. Vous dites que nous sommes prometteurs mais certains ici sont à peine capable de passer le premier tour dans l'arène.

Il désigna du doigt, sans vergogne, une fille située presque face à lui. Amélia la regarda à son tour. Petite, mince, aux cheveux longs blonds et à la mine enfantine, elle se recroquevilla sans répondre.

- Par expérience, la plupart de ceux que j'ai aperçu à ces cours théoriques ont survécu plus longtemps que leurs pairs. Mais votre point de vue se défend, jeune homme. Je ne m'étalerai pas davantage. Conclut le stratège.

Le cours poursuivit avec des détails malheureusement moins croustillants. Leon passa une partie de son temps à conter des exemples de batailles gagnées sur le Mur ou, rarement, par-delà celui-ci pour permettre à son auditoire de se faire une brève idée des stratégies adoptées par le Quartier Général en temps de crise. Il insista également sur le fait que le Trône avait une part importante dans les décisions.

Après deux heures de conférence, les recrues furent congédiées. Leon ne permit à aucunes d'elles de venir lui poser des questions en privées. On laissa donc le brillant homme dans son coin et l'on plia bagage sans discuter. Suivant le flot, Amélia ne put s'empêcher de noter un murmure adressé par Seth au jeune homme arrogant qui avait interpellé Leon.

Abandonnant Aito et Dante, elle suivit à distance les deux compères qui semblaient se diriger vers l'une des salles de musculation. C'est avec une certaine discrétion qu'Amélia se plaça derrière la porte de la salle où ils s'étaient engouffrés quelques instants plus tôt. Elle se surprit elle-même à faire le moins de bruit possible, il n'y avait aucun danger apparent. Cela étant dit, elle ne souhaitait pas devenir celle dont on se méfie simplement pour avoir été curieuse.

Jetant un œil dans la pièce, elle constata que Seth et son interlocuteur échangeaient de façon ardente, leurs voix portaient jusqu'à elle mais le sens de leurs mots lui échappait. Tentant de s'approcher un peu plus près du bord, elle eut un mouvement de recul quand la porte automatique se referma, coulissant de côté. Évidemment... fichue technologie !

Elle resta interdite quelques instants, elle n'en saurait visiblement pas davantage à moins de pénétrer dans la salle. Elle n'avait cependant pas la tenue adaptée, s'étant changée pour prendre des vêtements plus proches de ceux qu'elles possédaient à Sion. Bien loin des shorts et des débardeurs requis pour les entraînements.

Pénétrer dans la salle maintenant serait préjudiciable, les deux compères remarqueraient bien vite ses intentions. Avec un bref soupir, elle rebroussa donc chemin, insatisfaite.

Quelques couloirs plus loin, elle croisa Aito planté devant un écran géant. Ils étaient régulièrement disposés dans les tunnels qui serpentaient dans la base.

Ces derniers indiquaient les épreuves à venir, proposaient des informations sommaires venues de l'extérieur et offraient surtout le classement des dix meilleurs élèves de chaque promotion. A mesure qu'elle se rapprochait, Amélia put constater que c'est bien la liste des prochains entrainement qui intéressait son camarde.

- Tu es toujours trop curieuse. Lui lança-t-il sans décrocher son regard de l'écran, relevant ses lunettes avec son index et son majeur.

- Peut-être.. tu me connais à force. Répondit la jeune fille en se plaçant à côté de lui.

- Les années passent mais nos petits travers demeurent. D'aussi loin que je me souvienne, tu n'as jamais su te contenter des vérités que l'on te donnait. C'est un trait qui m'agaçait mais qui a fini par m'intéresser.

- Si nous nous contentions de rester dans un cercle des possibles restreint, l'Humanité n'aurait jamais évoluée. C'est ce que je pense.

- Peut-être... D'un autre côté, des erreurs tragiques ont été commise en tentant de passer au-delà des limites. Il doit y avoir un juste milieu, nous nous égarons. Il passa sa main sur son menton.

- Certes. Je voulais en savoir plus su celui qui a joué les arrogants pendant le cours. Mépriser la connaissance est un tord. Amélia laissa un silence s'instaurer avant de reprendre.

Aito eut un petit soupire et vint hocher négativement la tête. Il leva la main et tapota l'arrière du crâne de sa camarade.

- Tu as la tête dure, il n'a pas méprisé la connaissance. Il a émis des doutes vis-à-vis du fait que le potentiel d'un soldat puisse être uniquement basé sur la théorie qu'il maitrise. C'est parfaitement différent. Curieuse et hâtive, ce sont tes défauts.

- Probablement... Oui.

- Glenn Williams. C'est ainsi qu'il se nomme, il vivait à Sion comme nous mais dans la partie Est de la cité. Nous avons dû le croiser sans le remarquer à l'université.

- Comment le sais-tu ? Et pourquoi t'es-tu renseigné ? L'interrogea-t-elle, surprise.

- Je le sais car, aussi étrange que cela puisse paraître, un certain nombre de nos camarades viennent se confier à moi. Ensuite, je me suis documenté car je savais que tu serais curieuse de savoir qui il était. Je te connais par cœur, Amélia. Il remonta ses lunettes à nouveau, esquissant un sourire.

Amélia eut un bref rire et poursuivit la discussion qui déboucha sur diveres banalités du passé. Elle ne chercha pas à en découvrir plus sur le fameux Glenn mais elle demeurait intriguée quand à l'intérêt que Aito lui portait. Sentant la fatigue la guetter, la jeune fille regagna sa chambre sans demander son reste.

Mais un pressentiment étrange et dérangeant compliqua la venue de son sommeil..

Hellions : partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant