Hellions : partie 1

Chapitre 3 - #16

Lorsqu'il fut enfin au fait de la situation, Seth prit le temps d'analyser ce qu'Amélia venait de lui raconter. De toute évidence, elle avait dû être plongé dans un sommeil profond jusqu'à ce qu'il vienne la découvrir. Était-ce une intention volontaire d'Allen ? Le fait qu'elle n'est plus eu de contacts Dante ou Sélène l'inquiétait bien davantage. Qu'avait-il pu arriver à leurs compagnons pendant leur absence ? C'était bien ça le fond du problème. Il aida la jeune fille à se relever et une fois qu'elle fut rapidement débarbouillée puis changée, ils se rendirent dans les étages inférieurs du Centre à la recherche de réponses.

Les deux amis vagabondèrent pendant près d'une heure, allant du réfectoire aux salles d'exercices en passant par l'infirmerie. Ils furent préoccupés de ne trouver aucune trace de leurs compères mais quelque chose alerta Seth. Au détour d'un couloir, se rendant dans le hall principal pour interroger Jaeger, le jeune homme indiqua à son amie que le nombre de cobayes avait drastiquement diminué. Elle ne mit pas longtemps avant d'en prendre également conscience. Ils étaient bien moins nombreux qu'à leur arrivée, comme si la moitié d'entre eux avait disparu.

Aucune épreuve n'avait encore commencé et il apparaissait difficile de penser qu'on les testait sans les prévenir. Les deux esprits droits et inflexibles refusaient l'éventualité qu'on puisse supprimer de façon arbitraire des cobayes. Ils devaient interroger l'IA, il s'agissait sans doute de la dernière chose à faire. Rien ne lui échappait. Du moins, en théorie. Continuant à sillonner les dédales métalliques, ils passèrent à côté de deux autres recrues en pleine discussion. L'un d'eux semblait parler d'un incendie qui aurait eu lieu dans les vestiaires des sentinelles il y a environ deux jours. Attendant d'être éloigné, Seth fixa sa comparse.

- Un incendie ? Et aucune alarme n'a été déclenché ? Tu l'aurais entendu... Dit-il d'un air suspicieux.

- Quelque chose ne tourne vraisemblablement pas rond. Mais j'ai du mal à mettre le doigt dessus. Il y a des éléments illogiques. Partout.

- Je ne peux pas concevoir qu'un incendie se déclare dans un lieu aussi sécurisé que cette base. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un accident.

- Qu'est-ce qui te fait penser ça ? On nous aurait informé si un criminel se baladait dans nos murs.

- Penses-tu ? Plus j'y songe et plus je me dis que nous avons peut-être tord d'être si prompte à faire confiance au système et aux codes établis. Seth s'arrêta et plaqua son dos contre un mur.

- Tu veux dire qu'on en attend trop du Centre et des protocoles ? La vie n'est rien sans un cadre. On sombre dans l'anarchie. Je ne crois pas qu'un tel endroit, dirigé par un puits de science comme Kain, puisse se permettre des écarts.

- Pourtant, il est lui-même en marge. Nous le savons tous les deux. Ce programme est secret, ses rouages sont inconnus. Nous devrions reconsidérer notre façon d'appréhender ce milieu.

Seth vit une grimace enlaidir le visage de son amie qui détourna le regard, elle semblait frustrée. Au fond, la rigueur miliaire n'avait fait qu'accentuer son inflexibilité. L'étudiante bien comme il faut, sûre d'elle, protocolaire était devenue un monstre de dogmes, de croyances et de rigidité ... c'était paradoxal. Il n'avait jamais eu cette image d'elle et là où il aurait voulu la voir devenir critique, elle s'enfonçait inéluctablement dans un trop plein de confiance versé en des puissances dont elle devrait se méfier. 

Remettre en question certains mystères au point d'aller parler seul à seul avec un Hellion ? Elle en était capable. Mais admettre que sa réalité entière pouvait être un coup monté destiné à la tester, elle ne voulait rien en savoir. Faisait-elle une résistance à cette possibilité ? Si oui, pourquoi ? Il passa sa main sur son menton avant de poursuivre.

- Amélia. Nous devons remettre en question tout ce qui se trouve sous notre regard. Je suis comme toi, j'aime lorsque les choses sont bien fixées et lorsque les protocoles sont respectés. Mais cette fois-ci, nous sommes autre part. Nous sommes dans l'antre de l'étrange. Ce que les hellions font dépasse déjà l'entendement. Alors considère que tout ce qui les entoure possède ce halo de bizarrerie. Tu veux bien ?

- Je peux essayer... Elle haussa les épaules, peu convaincue. Son obstination à refuser de voir plus que de simples mystères laissait Seth perplexe. Il devait l'aider à appréhender différemment le Centre.

Ils reprirent leur marche dans les longs tunnels sinueux, ne croisant que de rares gardes ou autres scientifiques en blouse blanche. Cette base, qui ressemblait à une fourmilière à leur arrivée, était devenu un sordide complexe d'acier dans lequel des travailleurs semblables à des ombres déambulaient sans but. Cette atmosphère oppressante se renforçait à chaque "disparition" constatée. Certains visages avaient disparu de la circulation et cet état de fait donnait à l'ensemble un aspect particulièrement anxiogène.

Malgré l'incendie, supposé criminel par Seth, les gardes ne semblaient pas déboussolés. Ils discutaient et patrouillaient comme à leur habitude. Seul différence comparativement à avant, une sentinelle humanoïde robotique était désormais constamment placée devant les vestiaires. Seth tiqua. Il s'agissait du premier androïde qu'il voyait au sein du Centre, si on excluait les robots domestiques et autres machines d'entraînement. Les installations de l'Empire étaient très souvent protégés par des êtres mécanisés de haute technologie alors comment se faisait-il qu'un laboratoire aussi secret que le Centre en soit dépourvu ? De nouvelles questions émergeaient.

Arrivant enfin à destination, les deux adolescents demandèrent à être mis en relation avec Jaëger. On leur indiqua une salle située quelques couloirs plus loin. Une fois rendu sur place, ils arrivèrent dans ce qui s'apparentait à une salle de réunion. Chacun d'eux pris un siège et, quelques secondes plus tard, apparus un hologramme orangé d'apparence humaine. Ils reconnurent assez vite l'IA et la saluèrent.

- Bonjour Seth. Bonjour Amélia. Je suis heureux de constater que vous vous êtes remis de vos mésaventures. Que puis-je pour vous ? Demanda la voix cybernétique.

- Jaëger. Tu es le maître ici, n'est-ce pas ? Tu nous l'as dis toi-même. Rien ne t'échappe. L'interrogea Seth, immédiatement.

- Correct. Je suis en charge d'un certain nombre de protocoles dont la sécurité. En quoi puis-je vous être utile ?

- Je veux savoir où sont Sélène et Dante. Nos deux compagnons. Ils ont vraisemblablement disparu. Par la même, je veux savoir où sont tous les cobayes manquants. Nous avons remarqué notre nombre diminuait.

- Cette donnée est incorrect, Seth. Votre nombre ne diminue pas, il se stabilise. Répondit l'IA, calmement.

- Qu'est-ce que ça signifie ? Gronda Amélia, cherchant à obtenir des réponses concrètes tant pour retrouver ses pairs que pour vérifier les suspicions de son camarade.

- Aucun cobaye ne disparaît. Votre nombre ne chute pas. Les humains manquants sont simplement passés à autre chose. 

- Dante et Sélène ne seraient pas partis sans rien dire, Jaëger et tu le sais. Seth fulminait presque littéralement, ses poings étaient serrés et sa mâchoire crispée.

- Vos amis ont pris une autre voie. Vous êtes seuls maintenant.

- De quel droit ? Nous voulons des réponses, tu restes vague et ce n'est pas dans ton habitude. Tu nous dois la vérité. Enchérit Amélia, arrachant un sourire à peine humain à l'hologramme.

- Allons, Amélia. Je ne vous dois rien, hormis la protection qui vous ait dû par votre condition. Peut-être devriez-vous voir au-delà des apparences. Je n'ai rien de plus à vous enseigner pour le moment.

Avant même que Seth puisse invectiver l'IA, celle-ci disparu. S'en suivi une litanie rageuse qui plongea le jeune homme dans une colère noire. Tout ceci n'avait aucun sens, il connaissait Dante mieux que quiconque. Jaëger mentait et il en était convaincu. Tournant la tête vers Amélia, il constata que le visage de la jeune fille se cristallisait dans une expression d'une effroyable neutralité.

Cette discussion l'avait-elle conforté dans ses idées ou avait-elle déclenché un conflit au fond de son esprit ?