Tremblante, Amélia posa ses paumes au sol et tenta de se relever. Ses jambes la faisaient cruellement souffrir et c'est en se dressant sur ses pieds qu'elle remarqua les multiples blessures qui éventraient son jean. Elle avait probablement été victime de projections de verres.
S'il est vrai que son sang coulait en quantité, elle ne semblait pas être suffisamment atteinte pour perdre l'usage de ses deux jambes. Elle scruta tout autour d'elle. Bâtiments en ruines, cadavres et flammes. Sion avait-elle été totalement détruite ?
Dans le lointain, la jeune femme entendit des coups de feux et des hurlements monstrueux. L'armée était sûrement déjà entrée en action aux quatre coins de la cité, en tout cas, elle le souhaitait. Elle se mit à déambuler dans la rue macabre qui se déroulait face à elle.
Tentant de se repérer, elle ignorait où le train était tombé. Les bas-fonds de Sion lui étaient inconnus et l'état de délabrement avancé des bâtiments l'entourant ne l'aidait en rien. Elle s'approcha d'un mur et s'en servit comme appui pour poursuivre sa route.
Pendant près de dix minutes, elle espéra trouver une quelconque trace de vie capable de lui venir en aide... en vain. Les Skryns avaient tué chaque homme, chaque femme, chaque enfant. Il ne subsistait rien de plus que des cadavres mutilés et déchirés.
Ces scènes atroces auraient donné l'envie de vomir à Amélia si elle n'était pas suffisamment préoccupée par sa survie pour passer outre. L'espoir la quitta définitivement lorsque les coups de feux cessèrent. Elle se retourna dos contre le bâtiment et tomba assise.
S'en était trop pour elle. Une simple étudiante tentant de sauver sa vie... mais y avait-il quelque chose à sauver ? Elle passa sa main sur ses plaies qui, non contentes de la harceler avec une douleur constante l'empêcheraient sans doute de courir. A quoi bon tenter de poursuivre sa marche ?
Elle entendit un gargouillement non loin. Elle se mit frénétiquement à en chercher l'origine. Dans un recoin à quelques mètres, entre deux bâtiments, une nouvelle ombre monstrueuse semblait être entrain de dévorer un cadavre.
Subitement, et en dépît de la souffrance, elle accéléra la cadence de son avancée afin de s'éloigner au plus vite. Son instinct de survie reprenait le dessus et l'adrénaline tentait de lui faire oublier sa douleur. Hélas, chaque pas était un supplice interminable.
Arrivée à un angle, elle tourna à droite et s'assit à nouveau. La fatigue lui pesait et ses muscles ne pouvaient guère en supporter davantage. Quelques tirs fugaces avaient repris sans lui apporter le moindre espoir.
Amélia eut la sensation que le sol tremblait.. et c'est avec un soupir qu'elle se résigna à la conclusion inéluctable que le skryn l'avait suivie. Elle commença à se décaler, rampant pour échapper au cruel animal qui serait bientôt dans son angle de vue.
Elle pouvait l'ouïr. Chacun de ses puissants pas était accompagné d'une petite secousse et d'un immonde gargouillis abominable. La chose était-elle si monstrueuse ? Si informe ? Si terrifiante ? Des années durant, elle avait toujours cherché à en savoir plus sur les Skryns. Aujourd'hui, pourtant, elle s'en repentait avec effroi.
Il y eut un craquement... et Amélia cessa de ramper. Elle hésita un temps à se retourner, respirant à vive allure. Fallait-elle qu'elle pivote et se redresse pour contempler la mort en face ? N'était-il pas mieux de disparaître en ignorant l'ineffable monstruosité qui lui aurait pris ses derniers instants ? Peut-être.
Mais la curiosité scientifique qui l'avait amenée à toujours vouloir en savoir davantage se manifesta soudain. Elle pivota alors et se redressa, dos contre le mur. Le sol cessa de trembler et depuis l'angle, elle put voir la chose émerger.
Cette bête colossale lui aurait tiré un hurlement de terreur si elle avait pu disposer de la voix suffisante pour crier. Deux mètres de haut pour au moins quatre de long. Une peau muqueuse et abjecte de couleur noir possédant quelques zébrures orangés pétillantes.
Son épiderme semblait parfois relever de la plus parfaite linéarité pour être, l'instant suivant, un capharnaüm malsain de tissus poreux et gluants. Comme si les lois de la matière ne s'appliquaient plus sur la surface de cette aberration.
Sa tête, massive, longue et pointue était pourvue de deux gigantesques "yeux" oranges. Point d'orbites, de pupilles ou d'iris. Non. Il n'y avait ici que deux plaques gluantes situées là où l'on aurait pu attendre des cavités oculaires.
La gueule, pourvue de dents noires et acérées, dégoulinait d'une bave sombre et visiblement chaude au vu de la fumée s'en échappant. Les maigres gouttes tombant au sol semblaient ronger ce dernier, sans doute un liquide acide pour dissoudre ses ennemis.
La créature quadrupède possédait deux pattes antérieures protubérantes et plus massives que les postérieures. On aurait pu penser que le monstre en aurait été moins agile, hors, toutes les données avaient édifié l'inverse.
Capable de bonds prodigieux, les skryns étaient en mesure de briser des murs d'acier et de courir à vitesse égale avec les rames de train. Légèrement surélevé dû aux pattes avant, le poitrail de la chose était paré d'une grande marque orangée qui serpentait, en petits filaments fin, sur l'ensemble de la créature.
Amélia déglutit finalement en scrutant le dos de l'aberration. Sur celui-ci, pour le moment repliés en arrière, de longs tentacules aussi acérés que des lames attendaient leur heure. Pour le moment rigide, elle savait qu'ils étaient en mesure de devenir aussi rapide qu'agile.
D'une longueur égale au corps de la bête, ces appendices servaient aux skryns pour attraper leurs proies à distance et les ramener vers leur gueule qui achèverait le travail.
L'aberration regarda la jeune fille puis se mit à approcher... lentement, sa bave dégoulinant au sol et ses yeux pétillants contemplant sa proie sans défense. La jeune fille avait renoncé à la lutte, elle ne pouvait rien faire de plus.
Ici et maintenant, tout allait se terminer.
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Hellions : partie 1
Science FictionUn monde parfait. Un quotidien idyllique. Une jeune fille insouciante. Une tragédie. A une époque où la technologie frôle le fantastique et où les normes segmentent la société selon un équilibrage presque parfait, certains se plairaient à dire que l...