Chapitre 5 - # 18

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Dante était parvenu à voir le bond, il avait clairement ressenti la volonté d'Allen et aurait presque pu reculer s'il avait disposé de la vitesse et de la vitalité suffisantes. Son corps déjà endolori demeura cependant paralysé et il ne put que regarder, comme suspendu dans le temps, le Fantôme se jeta vers lui le bras droit tendu et la main ouverte. Il la destinait visiblement à son visage. Pourquoi ? Ce qui, pour le commun des mortels, se serait avéré être l'équivalent de quelques secondes ralentissait au gré des pérégrinations de l'esprit du jeune hellion. Réfléchissait-il si vite que sa perception du temps en était altéré ? A l'instant même où cette question lui vint, tout redevint normal. Il serra les dents.

Surgissant depuis l'arrière, une ombre se glissa dans la pièce. Celle-ci bondit en direction de Dante et en un clin d'oeil, Allen était projeté de côté après avoir reçu un coup de poing pour le moins violent au visage. Le fantôme partit s'échouer plus loin et arrêta sa course brutalement s'écrasant contre une machine. Dante sentit une vague fraîche envahir la pièce, la température avait brutalement chuté autour d'eux tandis que sous ses yeux le nouvel individu, qui venait vraisemblablement de lui sauver la vie, craquait ses poings. Au début, il ne le reconnut pas puis les souvenirs de Cutter's Lane revinrent subitement.

Sa coiffure extravagante, cheveux en pique couleur glace, l'aspect effilé de son visage et ses yeux fins cachant une brutalité latente attendant d'être exposée au grand jour. Il était venu avec Road ce jour-là, au moment où Kain leur avait présenté son projet. Drapé dans les atours ébènes caractéristiques des Spectres, son sauveur lui jeta un regard à mi-chemin entre le dédain et l'amusement le plus complet. Alors qu'Allen se relevait péniblement, touchant le bord de son visage endolori, Road levait le ton en direction du nouvel arrivant.

- Zero ! Qu'est-ce que tu fous ici ? 

- Surveille ton langage, morveuse. Rétorqua-t-il, sa voix était plus grave qu'on aurait pu s'y attendre et Dante estima effectivement que derrière l'extravagance devait se cacher un hellion plus aguerri qu'il n'y paraissait.

Elle ne lui répondit pas, ce qui étonna d'autant plus le jeune homme qui ne savait définitivement plus où se mettre ni quoi penser. Pourquoi Allen avait-il tenté de le saisir ? L'action combinée à ses révélations précédentes lui donnait matière à penser. Le dénommé Zero s'approcha du fantôme à pas pesant. Dante ne pouvait l'affirmer mais à chaque fois qu'il levait son pied pour amorcer son prochain mouvement l'extravagant personnage laissait sur le derrière lui une fine buée. Et plus il s'éloignait, plus la température ambiante lui paraissait remonter. Quel genre d'homme était-ce ? A la vérité, il était plus âgé qu'eux et son visage, bien qu'étrange, trahissait les horreurs dont il avait été témoin.

- C'est pas fairplay d'essayer d'altérer la mémoire d'un gamin futé. Lança Zero à Allen qui venait tout juste de lever. Celui-ci garda le silence.

- Après tout, il a bien le droit de savoir que nos soupçons sur sa copine sont fondés. S'il le trouve par lui-même, qui crois-tu être pour lui arracher ses souvenirs ? Renchaîna l'autre, son ton de voix n'était pas menaçant il trahissait cependant la distance volontaire qui le séparait fictivement de son interlocuteur.

- Tu aurais dû te mêler de tes affaires... ne crois pas que nous en resterons là. Vous autres, bougres et étroits d'esprits, ne comprenez pas les justes nécessités imposées par le salue de la majorité. Marmonna enfin Allen contenant quelques pulsions vengeresses.

- Ton charabia n'hypnotise que les gamins dans ton genre. Fais-moi le plaisir de débarrasser le plancher. Que je ne te reprenne pas à jouer avec les esprits de nos jeunes recrues, pauvre fanatique. 

C'était ça, la manipulation mentale. Les dons exceptionnels d'Allen pour faire voir ce qui n'existe pas, pour parler avec les esprits, pour parvenir à voyager dans des plans en dehors du réel. Ainsi était la nature de ses pouvoirs si étranges et particuliers. Voilà, également, pourquoi il disait ne pas être en mesure de déployer des compétences de destructions. Il était un manipulateur. Ce signifiait-il qu'il était capable de tromper les skryns ? Si oui, alors son soutien était indispensable à la réussite de toute mission. Dante se mit en marche en direction de Road, celle-ci possédait-elle les mêmes aptitudes ? Elle le regardait, navrée, sans se préoccuper d'Allen.

Il s'arrêta en marche et se retourna, le Fantôme était sur le départ, son visage parsemé de regrets et d'amertume. Être chassé de la sorte ne lui convenait pas et il venait de perdre la face. Pire que tout, il était désormais affublé du rôle de méchant là où il avait mené une rude campagne pour que les Spectres soient désignés comme tels. Un instant, ses yeux trouvèrent celui du jeune homme et Dante n'y vit que désespoir. Était-ce la situation elle-même qui le mortifiait ainsi ou y avait-il autre chose ? Impossible à dire. Il rejoignit bien vite les deux hellions restant. La main de Zero vint se poser sur son épaule, bienveillante.

- C'était moins une, gamin.

- Je te remercie... j'ignore ce qu'il me voulait mais ça n'avait pas l'air  bienveillant.

- Il comptait imposer une illusion a ton esprit et te faire abandonner un maximum de tes souvenirs pour éviter que tu ne poses le doigt là où il n'avait pas d'intérêt à ce que tu fouines.

- Pourquoi faire cela ?

- Les Fantômes cultivent la culture du secret. Moins nombreux sont les impliqués, meilleurs sont les résultats. Et bien entendu, moins nombreux sont ceux à profiter du trésor. C'est ainsi qu'ils ont toujours agi... quelle bande de fouines et de tricheurs.

- Zero... Tenta de poursuivre Road, immédiatement arrêtée d'un geste de la main par son camarade.

- Je ne veux rien entendre. Nous avons déjà été clair sur le fait qu'il fallait se tenir à l'écart des actes des Fantômes pour notre sécurité et celle des jeunes. Cette promotion est spéciale et chaque altération de ces imbéciles complique davantage notre combat pour la vérité.

- Assez des complots et des intrigues, alors. J'exige des réponses désormais. Affirma Dante reprenant enfin du poil de la bête.

- Tu me plais bien toi. Lui répondit son aîné en se dirigeant vers la console principale de Jaëger au fond de la salle. Je répondrai volontiers avec le peu de connaissances que j'ai du sujet mais avant cela, je dois arrêter cette machine infernale. 

- Il n'y a qu'Allen qui puisse le faire, tu le sais... Rétorqua Road à son attention sans le désarmer pour autant. Cette affirmation fit tiquer Dante mais il eut la sensation que même si la question était posée aucune réponse ne serait apportée. Il changea de sujet.

- Si c'est Amélia le coeur de cette crise alors il faut aller la reprendre à l'infirmerie ! S'exclama-t-il.

- Ne t'en fais pas, Baalh s'en charge pour nous. Indiqua Zero s'arrêtant à une vingtaine de mètres de la console.

Une dizaine androïdes de grande taille - deux mètres peut-être plus - fait d'un alliage de métal brillant émergea alors depuis des trappes situées dans le sol. Un système de défense auto-géré par Jaëger. L'hologramme de ce dernier apparut, cette fois-ci dans les airs au-dessus de ses précieux défenseurs. Au même instant, les machines dégainaient de grands bâtons parsemés de courants électriques. Au vu des arcs produits par ces armes un seul coup mettrait à terre un homme robuste sans le moindre mal.

- Activation de mes protocoles de défense. Votre erreur grossière vous coûtera cher si vous avancez davantage, Zero.

- Tu sais, Jaëger, j'ai jamais pu t'encadrer. T'es vraiment rebutant comme IA. Les gants de Zero mutèrent en une substance gluante qui remontant le long de ses mains avant de totalement fusionner avec sa peau.

Dante se concentra sur les mains désormais nues de son aîné pour découvrir qu'une fine brume en émanait comme celle qu'il laissait derrière ses pas tout à l'heure. Soudain, sa peau virée au bleu glacé et de fines échardes gelées poussèrent sur sa peau. Une couche de gel le recouvrit du bout des doigts jusqu'à mi-bras. Les robots se mirent en garde.

- Tout à l'heure, nous t'avons parlé des hellions qui possédaient un potentiel de destruction inné. Alors prépare-toi bien pour ce qui va suivre. Déclara Road avant de déglutir. 

Le hellion aux bras gelés craqua sa nuque et se jeta alors en direction de ses adversaires métalliques en mugissant tel un dératé. Quel genre de pouvoirs surnaturels allait-il bien pouvoir déployer devant les yeux ébahis d'un Dante en pleine remise en question ?

Hellions : partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant