Le voile ténébreux du sommeil se leva sur un décor morose. Une cité en ruine et à l'agonie, parsemée de débris, de corps flétris et dont le sol était recouvert par endroit d'une épaisse couche de mucus noir. Celui-ci grimpait en filament sur certains bâtiments et engloutissait les cadavres. Point de soleil dans les cieux mais bien une terrifiante noirceur et un épais manteau de nuages sombres ne laissant passer que quelques rares rayonnements de soleil rapidement étouffés. Au milieu de cette apocalypse, Amélia s'éveilla. Assise sur la carcasse d'un véhicule abandonné, elle détailla les lieux avec un calme relatif.
Contrairement à la fois précédente, elle pouvait clairement sentir son corps et ses idées étaient claires. Elle se souvenait avoir lâché prise à la fin de l'opération. Cet endroit n'était pas réel, il n'était qu'une projection de sa psyché et de son inconscient. Il était étrange que de tels "rêves" se manifestent et qu'elle puisse y exercer une influence consciente. Cet état, presque méditatif, trahissait l'ensemble des études qu'elle avait lu sur le fonctionnement du cerveau humain. Elle descendit de son perchoir et commença à marcher à travers ce désert froid et hostile.
Shion. Sa ville natale n'était donc plus la proie de flots insondables mais bien d'une désolation profonde. Elle s'agenouilla devant un petit monticule de cette substance noire caractéristique et le toucha du bout du doigt. La chose était chaude, muqueuse mais pas collante. Cette corruption représentait-elle la part grandissante d'Esath sur son esprit ? Curieux parallèle avec la réalité. Les skryns avaient en effet l'habitude de couvrir leur territoire d'une telle couche de glaire noirâtre. Où était-elle ?
L'adolescente poursuivit, même si cet endroit était réel il y avait par moment quelques imprécisions et flous qui se dessinaient à son regard. Si cette projection mentale était inspirée de son ressenti et de ses souvenirs alors il paraissait certain que ces lieux ne respecteraient pas fidèlement la réalité. Parvenant au centre de Shion, sur la grande place circulaire, elle fut frappée par la présence d'une incohérence dans le paysage. Là, au cœur des souvenirs de sa ville perdue, se dressait un arbre mort. Gigantesque. Peut-être faisait-il vingt ou trente mètres de haut, elle n'aurait su le dire.
Son écorce était aussi noir que le charbon et ses ramifications dépourvues de fleur s'élançaient vers les cieux mais retombaient inlassablement sans jamais atteindre leur idylle. Son aspect général lui apparaissait fragile, si fragile qu'elle aurait pu briser n'importe laquelle de ses branches d'un coup de poing malgré la taille impressionnante de certaines d'entre elles. Curieuse, elle se hâta d'arriver tout près de lui mais s'empêcha de venir le toucher en observant une distance de sécurité.
Qu'était-il censé représenter ? Perdue dans ses réflexions elle ne sentit pas le sol bouger autour d'elle. Bientôt, de vils appendices noirs et muqueux vinrent émerger depuis le sol pour l'enserrer de leur étreinte. L'un d'eux se placer autour de sa gorge, elle y porta les mains instantanément. Deux autres immobilisèrent ses jambes et une dernière vint s'enrouler autour de sa taille. Forcée à mettre un genou à terre, la jeune fille se mit à lutter pour éviter d'être étouffée. Déployant toute sa force, elle parvint à décoller la première tentacule purulente de sa peau sans pouvoir la briser. Au moins, put-elle enfin respirer.
Depuis le bitume brisé émergea lentement une forme décharnée tel de la lave en fusion s'élançant avec une quasi-délicatesse à l'assaut des hauteurs d'un volcan. De l'amas gluant qui se forma devant Amélia ne subsista bientôt plus qu'une silhouette féminine. Celle-ci vint à se débarrasser des impuretés et du surplus de mucus pour apparaître clairement : Esath. L'adolescente fut, à nouveau, choquée par leur quasi-similarité de visage étant donné que le reste du corps nue de sa supposée jumelle n'était constitué que du tissu vagabond et épars des skryns.
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Hellions : partie 1
Science FictionUn monde parfait. Un quotidien idyllique. Une jeune fille insouciante. Une tragédie. A une époque où la technologie frôle le fantastique et où les normes segmentent la société selon un équilibrage presque parfait, certains se plairaient à dire que l...