Hellions : partie 1

Chapitre 3 - #4

Dante ne pouvait que constater l'étendue de la bravoure, ou de la folie, de son ami. Il était dressé, droit et fier, devant cet imposant hellion dont la main semblait capable de briser des rocs. Les ricanements de Sero se poursuivaient, ce qui faisait craindre le pire au jeune homme qui hésitait encore à rejoindre son camarade. Un pressentiment étrange l'en empêchait, un instinct ou peut-être de la peur ? Il n'en savait rien. Il s'apprêtait à faire un pas en avant lorsque le hellion leva le ton.

- Si j'étais toi, je me garderai d'avancer. Cette déclaration sonnait comme un glas. Dante se tourna.

- Pourquoi ça ?

- Ton ami. Il va avoir besoin de quelqu'un pour le ramasser et l'emmener à l'infirmerie quand Baalh en aura fini avec lui. Il fit grincer sa lame sur le bord du râtelier tout proche. Ses iris bleutés arrachèrent un frisson à Dante.

- Je vais aller lui filer un coup de main et nous verrons.

- Tu ne comprends pas. Même si vous étiez dix, çela ne changerai rien. Cet homme est le plus fort de tous les hellions en terme de puissance brute. Il a déjà achevé un skryn à mains nues. Cet exploit, ils ne sont que deux à pouvoir se vanter de l'avoir fait. Sero laissa le silence s'instaurer.

- Ne sois pas idiot. Dante déglutit puis se ravisa et ne put que se résigner à regarder sous le regard approbateur de Sero.

Face à face, Baalh et Seth n'en finissaient pas de se dévisager. L'un prêt à s'élancer contre un colosse à l'apparence invincible et l'autre interloqué par le moucheron qui osait se mettre en travers de son chemin. Le visage terne se couvrit d'une expression démente et profondément colérique.

- Dis-moi, moustique. Quel est ton nom ? Interrogea le monstre en faisant tourner son bras gauche.

- Seth.  A qui est-ce que je fais face, alors ? Répondit l'autre.

- Baalh, de l'escouade Spectre. Hellion numéro soixante-douze. Tu es sûrement plein de bonté, petit, mais tu vas bouger de mon chemin. Jamais un cobaye n'avait osé arrêter l'une de mes petites séances. Tu m'as mis en rogne. Le colosse craqua ses poings en conservant son air cruel.

Le géant se jeta en direction de Seth et abattit un coup de poing avec férocité. Voyant parfaitement l'assaut venir, ce dernier n'eut qu'à se porter de côté pour esquiver. Le hellion sembla déstabilisé par l'apparente rapidité de déplacement de son jeune adversaire mais cela ne le découragea pas.

Dans des élans meurtriers, il frappa encore et encore. Tous ses muscles semblaient se contracter comme un seul tandis que ses puissants poings cherchaient à atteindre leur cible. En vain. Fatigué par ce jeu de chat et de souris, Baalh leva sa jambe droite et l'abattit vers le ventre de sa cible.

Seth disposa ses bras en croix... et fut surpris. La violence du coup fut sans précédent, et sans s'y attendre, il voltigea quatre mètres en arrière. Il peina à retrouver son équilibre et posa un genou à terre. Ses avant-bras commencèrent à le faire souffrir, il se les frotta machinalement et releva la tête en direction du hellion. Quelle force cette montagne pouvait-elle encore déployer ? Il y avait de quoi s'inquiéter.

Dante n'en perdait pas une miette et conservait ses poings serrés, le stress sans doute. Il n'avait jamais vu quiconque être projeté de la sorte après un coup. Le jeune homme ne pouvait s'empêcher de contempler Baalh. Était-il vraiment capable de tuer des skryns à mains nues ? Jusqu'où allaient les modifications de Kain ? Allen les avait bien mis en garde contre les Spectres. En vérité, Dante commençait à se demander qui des skryns ou d'eux étaient les plus effrayants.

- Tes mouvements sont bons. Tu as des allures de chef d'escouade. Je me trompe ? Demanda la montagne en s'approchant. Seth se releva puis se remit en garde.

- Non.

- Si c'était toi le meilleur... je ne vois pas pourquoi nous vous avons recruté. Regarde-toi. Va-t-on vraiment me faire croire que vous êtes bons à quelque chose ? Vous vous êtes fait massacrer et c'est peut-être la meilleure chose qui vous soit arrivée.

Il n'en fallut pas plus pour enrager Seth qui chargea en direction du colosse. Celui-ci se mit à sourire, tel un psychopathe devant sa victime, il avait réussi à le provoquer. Rageusement, la recrue se jeta à l'assaut du hellion qui en profita pour envoyer de nouveaux coups dès qu'il fut à portée.

Seth n'était pas aussi stupide qu'il en avait l'air et semblait avoir été sous-estimé par Baalh qui le manqua une nouvelle fois. Malgré les assauts suivants, les poings du titan ne parvinrent jamais à toucher juste et l'aspirant parvint à s'échapper à l'aide de quelques pas de côté. Il souhaitait conserver une certaine distance, espérait-il fatiguer son adversaire ? Baalh soupira.

- Combien de temps comptes-tu fuir ? Je commence à m'ennuyer. Affronte-moi ! Gronda le géant.

Seth s'élança. Il avait suffisamment observer son adversaire et avait désormais une stratégie bien évidente en tête. Lorsqu'il fut à portée de coups, les assauts fusèrent à nouveau. Prenant garde à esquiver les poings du hellion, c'était bien les jambes que Seth comptait viser. Comme il l'avait supposé, lorsque son adversaire constata l'impossibilité de le toucher à l'aide de ses bras, il envoya un coup de sa jambe droite comme l'autre fois.

Posant sa main gauche sur la jambe pour se propulser de côté, la recrue se servit de la puissance démentielle de son adversaire pour parvenir à encaisser le coup tout en étant à portée du flanc. Seth serra le poing droit et l'envoya contre le flanc ennemi avec toute la violence qu'il put trouver. On n'entrndit qu'un craquement. Une douleur sans précédent s'empara de Seth surt toute la longueur de son bras. Il lâcha un hurlement.

Dante vit son camarade tomber à genou en tenant sa main droite. Baalh, au-dessus, ne manqua pas de rire devant le comique de la situation. Le sang du colosse ne fit qu'un tour, d'un coup de sa jambe, il vint frapper son adversaire en plein milieu du torse. Celui-ci voltigea et s'écrasa à terre, faisant plusieurs tonneaux sur lui-même avant de se retrouver sur le dos.

Son corps entier le faisait désormais souffrir et il aurait eu bien de la peine à se relever. Si ses os et ses muscles le paralysaient, son esprit demeurait vif. Que se passait-il ? Pourquoi son coup n'avait même pas atteint Baalh ? Comment se fait-il qu'il soit le seul à souffrir de l'assaut porté ? Il avait mis toute sa force dans cette attaque. Il entendit les pas lourds du colosse se rapprocher. Sa voix grasse s'éleva.

- Espèce de larve. Tu as vraiment cru que tes petits poings allaient m'atteindre ? C'est pathétique. Le colosse saisit son adversaire à la gorge et le souleva. La pression était telle que le jeune homme peinait à respirer. L'emprise n'était cependant pas létale.

Monstre. C'était le seul terme que Seth trouvait pour qualifier ce terrifiant hellion. Une horrible douleur vint soudainement le prendre au ventre. Il venait de recevoir un coup de poing. Il sentit le goût de son sang remonter dans sa gorge mais impossible de le cracher à cause de la pression. Il s'efforça d'avaler la mixture sanguinolente.

Un autre coup vint s'abattre, puis un autre et encore un autre. Il sentait ses os se briser, ses muscles vaciller. Il aurait volontier hurlé mais il en était incapable. Ses bras pendaient misérablement le long de son buste. Il ne pouvait que subir, encaissant chaque nouvel assaut. Ses yeux souhaitaient se fermer mais le manque d'air le forçait à demeurer conscient et il comprit rapidement le but de la manœuvre.

Baalh le gardait volontairement en vie, le torturant sadiquement pour avoir osé s'interposer. Seth ne sentit bientôt plus les coups. Seul le goût du sang inondant sa bouche et le rythme de plus en plus réduit de ses respirations devinrent perceptibles. Une fois qu'il l'eut suffisamment saccagé, le colosse le laissa retomber misérablement.

Ses paupières luttaient pour rester ouvertes, Seth put voir Baalh s'éloigner et Dante se précipiter dans sa direction. Il n'avait même pas osé bouger pour le soutenir... mais cette décision, il la comprenait. Même si il l'avait fait, au fond, il n'aurait servi à rien. Personne n'aurait servi à rien. Il ferma les yeux et se sentit partir lentement vers les tréfonds de l'inconscience. Cette délivrance presque attendue le soulageait au moins du poids de la douleur.

C'était donc ça, les Spectres.