Dante, toujours troublé, déambulait dans les couloirs du Centre en se rendant à l'étage des salles d'entraînements au milieu desquels trônait une salle de repos. Au vue de l'heure indiquée par sa montre numérique, 21h passée, il pensait y trouver au moins Sélène. Il doutait davantage de sa capacité à y rencontrer Amélia. L'image de Road et ses paroles avaient envahies son esprit, il se trouvait bien incapable de penser à autre chose. La formulation de ses excuses et son visage avaient l'air sincères mais était-ce réellement le cas ? Arrivé à destination, il découvrit Sélène avachi sur une banquette avec une tasse de café en main. La saluant d'un geste de la main, il la rejoignit et s'assied à son côté.
- Tu en tires une tête. C'est toujours l'état de Seth qui te préoccupe ? Demanda-t-elle, soucieuse.
- Pas vraiment, non. Une Spectre est venue me déranger en plein sommeil, je l'ai surprise dans ma chambre en me réveillant.
- Comment est-elle arrivée là ? La jeune femme eut l'air soudain plus préoccupée.
- Aucune idée. Elle est entrée alors que j'avais verrouillé de l'intérieur.
- Elle ne t'a rien fait de mal, au moins ? Elle était là pour t'intimider ? Raconte-moi. Poursuivit-elle, buvant deux gorgées de café et prenant des airs pour le moins concerné. C'était bien la première fois qu'elle lui témoignait une telle expression.
- Elle est venue s'excuser, soi-disant, pour Seth. Elle ne venait pas au nom des Spectres mais en son propre nom. Crois-le ou pas, elle avait l'air sincère. Enfin... je crois. Elle n'avait pas les traits d'une menteuse de mon point de vue. J'ai presque eu l'impression qu'elle compatissait et qu'elle comprenait ma peine.
- Tu crois sincèrement ça ? J'ai de sérieux doutes, Dante. Les Spectres sont des manipulateurs, des monstres. On nous a déjà suffisamment prévenu.
- Mais sur quoi pouvons-nous nous baser ? Nous sommes ici depuis moins de deux jours. Nous avons pris pour argent comptant ce que Allen nous a gentiment fait gober mais nous n'avons pas d'autres preuves que les Spectres sont aussi mauvais que ça.
- Ton meilleur ami a été plongé dans un coma artificiel durant les soins intensifs destinés à le sauver des blessures qui lui ont été administré par un Spectre. Est-ce quelque chose de suffisant ? A mes yeux, oui. Dante hocha négativement la tête.
- Road m'en a parlé. Elle prétend que Baalh est un original parmi les Spectres. C'est une puissance de la nature incontrôlable et c'est la faute à sa métamorphose. On nous avait prévenu que devenir hellions modifiait la personnalité de chacun. Non ?
- Tout de même. Allen nous prévient et même pas 24 heures plus tard, Seth se fait massacrer par un colosse fou furieux. Il y a des liens de causes à effets. Ce n'est pas dans ta nature d'avoir autant de doutes, Dante. Qu'est-ce qui se passe ?
Le jeune homme attrapa son menton et ne répondit pas immédiatement. Road avait jeté le trouble dans son esprit. Ses argument sous-entendaient des intrigues différentes de ce qu'il avait été amené a théoriser jusqu'ici. Les Spectres et les Fantômes se livraient-ils une guerre d'influence ? Comment les hellions étaient-ils administrés ? Sans réponses concrètes concernant la hiérarchisation de ces êtres surnaturels il serait impossible de prendre parti.
- Nous avons été un peu hâtif dans notre jugement, Sélène. Considérons ce que nous savons de source fiable. Nous pouvons nous méfier des Spectres mais je ne pense pas que les catégoriser comme nos ennemis et les Fantômes comme nos amis soit la bonne décision. Nous avons besoin d'informations.
- Qui pourrait nous les donner d'après toi ? Jaëger ? Il ne répondra pas. Les hellions refuseront de nous parler et même s'ils le faisaient, nous ne pourrions pas être sûrs qu'ils ne nous mentent pas. Répondit Sélène, finissant sa tasse et devenant aussi songeuse de lui.
- Où est Amélia ? J'ai besoin de lui parler. J'aimerai avoir son avis sur la question.
Lorsqu'il eut fini de parler, Dante remarqua malaise poindre sur le visage de sa camarade. Il comprit dans la seconde suivante qu'il avait touché un point sensible. Le visage de Sélène s'était décomposé et son regard avait fui.
- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi fais-tu cette tête ?
- Elle est partie à un rendez-vous privé pour rencontrer Allen, seule. Je ne souhaitais pas qu'elle s'y rende mais tu la connais non ? Elle grogna, mordillant le bord de sa tasse.
- Seule avec lui ? C'est de la folie ... cette fille est décidément impossible à faire tenir en place. Si nous partons du principe que les Fantômes sont aussi fourbes que les Spectres alors Amélia est peut-être en danger. Peut-on la retrouver ?
- Elle a dit qu'il lui avait donné des instructions mais je n'ai pas pu en savoir davantage.
- Bordel mais c'est pas vrai ! S'exclama le jeune homme en se levant, rabattant ses cheveux blonds vers l'arrière.
- Elle est têtue mais je lui fais confiance pour s'en sortir. On devrait avancer de notre côté. Si nous devons avoir des informations j'ai peut-être une idée du lieu où nous pourrions aller les trouver. C'est risqué.
- Risqué ? Dis m'en plus.
Sélène lui fit signe de s'approcher et se mit à parler plus bas, son regard prit un air espiègle.
- Je me suis beaucoup promené pendant que toi, Seth et Amélia faisiez vos petites affaires. Je suis retourné à l'étage par lequel nous sommes arrivés et j'ai bien étudié le hall principal. Le mur sud est pourvu d'un élévateur menant à une sorte de poste de contrôle. Si nous parvenons à nous y introduire, peut-être aurons-nous quelques informations. Je doute que nous y trouvions tout ce que nous voulons mais si cette salle est chargée des entrées-sorties, elle doit avoir quelques trucs pour nous. Je sais par où passer et je pense pouvoir ouvrir la porte en prenant le badge d'un garde qui se trouve sur la grande table face à l'entrée du Centre.
- Même en partant du principe que nous aurons peu de personnes à esquiver à cette heure-ci, peut-on seulement espérer ne pas être vu ? Jaëger voit tout, parait-il, ne l'oublie pas. Que se passera-t-il si nous nous faisons prendre ?
- Nous devons prendre le risque. Je ne crois pas que cette IA voit vraiment tout, ni que tout ceci ne fait pas partie d'un immense test.
- Pardon ? Dante cligna des yeux plusieurs fois.
- Toi et Seth vous êtes accommodés des salles d'entraînement. Amélia a trainé ici et là. Moi, j'ai été plus méthodique. J'ai réfléchi. J'ai écouté. Les étages auxquels nous avons accès sont limités et les personnes qu'on y croise agissent comme de vrais robots. On nous a expliqué qu'on ne nous considérerait pas avant d'être des hellions. On nous lâche sans informations et on nous demande de gentiment attendre le début des tests. Ils ont peut-être déjà commencé.
- Cette théorie sous-entend que tout ce que nous vivons actuellement n'est qu'un jeu dont il faut trouver les règles avant la fin du temps imparti... et le temps imparti...
- Étant notre transformation, oui. Nous n'avons encore parlé à aucun autre cobaye. Nous restons tous solidaire avec nos groupes d'arrivée. Ne sens-tu pas comme un parfum de compétition ?
- C'est délirant, Sélène. Paranoïaque presque.
- Les hellions sont l'élite de l'Humanité. Des guerriers. Des espions. Des tueurs. Je ne crois pas qu'il suffise de dire "oui" pour y être intégré. Je suis prête à prendre le risque et je compte le faire ce soir. La question est : veux-tu venir ?
Dante resta muet quelques instants. Sa théorie était farfelue et paraissait totalement invraisemblable mais la personnalité tordue de Kain serait tout à fait capable d'élaborer un tel stratagème. Mais dans quel but ? Les forcer à découvrir eux-même les possibilités des hellions, leur hiérarchie et le processus de transformation à venir amenait-il quoi que ce soit à leur destin ? Il restait des questions à élucider. Pour autant, la témérité de Sélène eut bientôt raison de ses doutes. Il hocha la tête.
- J'en suis. Répondit-il simplement.
VOUS LISEZ
Hellions : partie 1
Science FictionUn monde parfait. Un quotidien idyllique. Une jeune fille insouciante. Une tragédie. A une époque où la technologie frôle le fantastique et où les normes segmentent la société selon un équilibrage presque parfait, certains se plairaient à dire que l...