Chapitre 1 - #18

835 118 23
                                    

Amélia et ses pairs se précipitèrent vers le train à quai, il était rempli aux trois-quart. Fait rarissime que la jeune fille ne put s'empêcher de noter avec une pointe de dégoût. Être ainsi cloîtrée comme du bétail ne lui plaisait guère. Le groupe trouva un coin disponible, collé aux fenêtres. Une voix métallique et robotique prit la parole.

- Nous vous rappelons que ce train est direct jusqu'à la station souterraine d'urgence. Un ordre d'évacuation a été donné. Vous serez tous conduit à un train inter-cité et envoyés en sécurité.

Lorsqu'elle eut terminé, les discussions reprirent dans un calme relatif alors que les portes se refermaient et que le fameux transport des hauteurs démarrait.

- Évacuer... C'est la meilleure chose à faire, je pense. Que veux-tu que nous fassions de plus de toute façon ? Soupira Dante, observant par la fenêtre les ravages déjà causés par l'attaque inopinée des monstres.

- Il faut que je retourne chez moi... Tenta de proposer Amélia sous le regard stupéfait de ses compagnons.

- Tu n'y penses pas. Il faut être fou pour souhaiter rester ici ! Gronda Seth, attrapant la jeune femme par les épaules. Si tu quittes les souterrains, tu ne survivras pas. C'est de la folie !

- Tu comprends pas... Je dois aller voir mon grand-père ! Si il me reste bien de la famille c'est lui. Je ne compte pas partir et l'abandonner ! Cria-t-elle, ne manquant pas d'attirer l'attention des individus autour d'eux. Aito vint la rassurer en lui passant une main sur le bras, repoussant Seth dans un mouvement assez sec.

- Je suis sûr que ton grand-père saura quoi faire pour rester en sécurité. Il a vécu les troubles d'après-guerre. Tu devrais penser à toi avant tout.

Bien que sages, les paroles de son ami ne lui apportaient aucun réconfort. Elle aurait souhaité pleurer mais les larmes refusaient de couler. Dans l'effroi le plus total, elle tourna la tête et plongea son regard dans le paysage ravagé.

Les bâtiments s'effondraient et même de cette hauteur, on devinait les carnages qui avaient lieu en contrebas. Les Skryns avaient perdus leur côté fascinant aux yeux d'Amélia pour n'être désormais rien de plus que des monstres assoiffés de sang.

Elle posa sa tête contre la vitre, le regard perdu. Ils étaient en sécurité désormais, il n'y avait plus qu'à attendre l'arrivée et ils seraient tous sauvés.

Soudainement, un cri déchira l'atmosphère et recouvrit les conversations qui prirent instantanément fin. Avant même qu'Amélia ait pu se demander de quoi il retournait, un crissement ignoble se fit entendre ainsi qu'une explosion.

Tournant la tête vers l'avant du transport, la jeune vit le long couloir de métal plonger dans le vide.

- On tombe ! Hurla Seth qui s'accrocha de son mieux à l'une des poignées fixées au plafond.

Amélia se cramponna sur une barre métallique située à son côté, près de la fenêtre. Le train déferla dans le vide et la jeune fille se sentait comme écrasée sous le poids des forces de la gravité. Par la vitre, elle apercevait un décor apocalyptique constitués de bâtiments en flammes renforçant sa terreur. Oblitérée par des émotions de plus en plus négatives, elle poussa des cris plaintifs.

Avec effroi, elle constata le sort des malheureux incapables de s'accrocher. Il tombait vers l'avant de la rame et s'écrasaient contre les murs, et les sièges. Certains étaient tués sur le coup avec la vitesse, les autres étaient propulsés dans la vitre principale du train qui finit par céder sous la pression, projetant le tas d'individus dans le vide.

Un Cauchemar sans nom.

Lorsque le train s'écrasa au sol dans un vacarme assourdissant Amélia sentit sa tête frapper contre quelque chose ou quelqu'un. Elle fut soulevée de terre et traversa la fenêtre à côté d'elle. Son esprit fut appelé par un abîme sans nom sur fond de cris, de pleurs, de sang et de mort. Le silence l'envahit et le noir voila ses yeux.

Elle rouvrit lentement un œil. Étendue sur le sol, elle était bien incapable de dire quelle partie de son corps la faisait le plus souffrir mais elle semblait vivante. Promenant son regard faiblement autour d'elle, la jeune femme ne contempla que cadavres, verres, débris et flammes.

Il n'y avait plus aucunes traces de Seth, d'Aito ou d'une quelconque autre personne qu'elle aurait pu reconnaître. Dans un effort qui lui parut défier les limites de sa volonté, elle parvint à ouvrir son second œil et à tirer son esprit du brouillard dans lequel il avait été plongé.

Le simple fait de respirer la faisait souffrir. Dans quelles mesures avait-elle pu se blesser ? Impossible de le dire pour le moment. Par réflexe, elle tenta de bouger ses doigts puis ses orteils.

Miraculeusement, chacun d'entre eux répondaient et elle put en conclure que sa colonne vertébrale n'avait pas été touchée. Combien de temps s'était écoulé depuis la chute du train ? Une minute ? Une heure ?

En tout les cas, la lumière du jour avait diablement baissé depuis la chute. La soirée était-elle entamée ? Ou les nuages provoqués par l'embrasement des buildings avaient-ils obscurcis le ciel ? Elle l'ignorait.

Tentant de remettre ses idées au clair, elle entendit  subitement un gargouillement malsain et cessa tout mouvements, restreignant sa respiration au minimum vital. Elle orienta ses yeux sur sa droite avec précaution.

A quelques dizaines de mètres, elle aperçut un mur sur lequel apparut petit à petit une ombre aux proportions gargantuesques. Elle se figea, opprimée par un sentiment d'absolu détresse. Il y en avait un, non loin, dans la rue adjacente. Heureusement, la chose se dirigeait à l'opposé de sa position.

Clignant des yeux, Amélia se surprit à reprendre son calme malgré le danger et laissa le monstre s'éloigner avant de commencer à ramper vers l'avant. Face à elle, une colonne de débris en pierre d'au moins dix mètres de haut. Levant son regard, elle vit la ligne de tram éventrée.  Elle comprit assez rapidement que son transport avait été forcé de plonger dans le vide, les skryns avaient pulvérisé les piliers porteurs. Quelles effroyables créatures diablement intelligentes. 

Au cœur de la montagne de gravats, un passage se laissait entrevoir menant à un autre côté de la rue. Difficile de savoir ce qui l'attendait là-bas mais demeurer ici avec un rôdeur prêt à la tuer n'était pas spécialement la meilleure option. Sans chercher à prendre des nouvelles de son petit groupe ou d'autres humains, elle rampa.

Mètre après mètre, elle sentait le poids de ses blessures et s'aperçut qu'une trainée de sang la suivait dans ses déambulations. Où avait-elle été touché ? Partout et nulle part à première vue, aucune blessure grave ne semblait l'affecter. Du moins pas dans des proportions vitales et c'était bien mieux ainsi. Ses maigres efforts lui permirent d'atteindre la fente tant attendue.

Elle s'y engouffra et continua de ramper au travers des débris du pilier pour finalement arriver à destination. Loin du train et loin du monstre. Amélia comptait sur le tas de gravats pour passer inaperçue aux yeux de la cruelle monstruosité encore en train d'inspecter le train et les cadavres.

Pourvu que les sens de la bête soient plus attirés par l'odeur du sang des cadavres que par la sienne...

Hellions : partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant