Chapitre 5 - #16

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Dante quitta Road du regard et tenta de replonger dans ses pensées. Il laissa éclater ses émotions les plus intenses, ses sentiments les plus extrêmes. Il expérimenta à nouveau de parcourir ses souvenirs, de comprendre comment activer ce mystérieux mécanisme qu'était ce don qui lui avait été accordé. Sentant un nouveau courant le parcourir, il se focalisa sur ses épaules, ses bras, ses mains puis le bout de ses doigts. D'un geste, il convoqua cette foudre tant attendue. Quelques arcs électriques jaillirent mais sans parvenir à se rendre jusqu'à la porte, pire encore, il fut enveloppé par certains d'entre eux et brûlé. Dans un râle, il recula et se courba. Son esprit embrumé par les émotions utilisées peinait à avoir des réactions ou des réflexions cohérentes.

C'est alors qu'il sentit une douce chaleur l'enserrer au niveau du ventre. Il sentit qu'on se collait à son dos et une petite voix maligne s'immisça alors derrière lui. Le timbre enjôleur de Road lui parvenait presque comme une brume bienfaitrice et le contact de sa peau avec la sienne apparaissait incroyablement réel. Auraient-ils été nus que Dante n'aurait pas su faire la moindre différence. Était-ce leurs vêtements produits à partir du Venom qui rendait leur connexion aussi réelle ? Il l'ignorait.

- Il y a plus simple mon beau... Susurra-t-elle mielleusement. Vouloir sauver, vouloir protéger, vouloir aider. Toutes ces belles intentions n'amènent jamais que complications et tourments. Je connais bien d'autres voies...

De biens terrifiantes images furent projetées dans l'esprit du jeune homme. Des scènes de combats, de destructions. Il entendit des cris, put voir des corps lacérés, fut soudain le témoin d'atrocités défiant ce qu'il avait déjà enduré. Aucune résistance possible, aucune échappatoire. Les monstres de ses cauchemars pillaient, vitrifiaient et dévoraient toute parcelle de vie à leur portée. La marée noire sans fin l'oblitéra par son immortalité et sa capacité d'adaptation. Entre les hurlements et les spectacles criants d'une inévitable horreur, il perçut une lueur d'espoir. Tout son être fut transporté vers cette seule alternative, cette option inenvisageable mais si attrayante. Dans ce flot éthéré de malheur Dante se laissa porter vers les saintes brises de la revanche et vers le cœur chaud d'une rage sans pareille. La voix de Road reprit de plus belle.

- Pour voir le sang de nos démons se répandre... réduisons la création toute entière en cendres...

De la colère émergea la haine, et de celle-ci naquit une myriade de sensations nouvelles, d'émotions perdues. Le pouvoir, seul, ruissela depuis les pires atrocités et le dégoût des skryns se mua en un murmure pernicieux venait exciter les cellules dégénérées et dégénérantes du Venom. Submergé, Dante embrassa la cause et les conséquences d'un choix impossible. Les notions de Bien et de Mal s'annulèrent enfin pour ne laisser place qu'à un grand Chaos dans lequel seul comptait la survie. Le poison dans ses veines vibra, brûla. Les arcs électriques sous-cutanés revinrent et le jeune homme sentit naître de sa haine un contrôle, non, une paix salvatrice qu'il était prêt à épouser sans la moindre hésitation.

Sans songer un seul instant à sa douleur, Dante se redressa et leva son bras droit tel un couperet céleste prêt à s'abattre sur ses adversaires. De ses chairs émanèrent les éclairs, de ses doigts s'éleva la foudre, de sa paume naquit les prémices d'un pouvoir destiné à s'amplifier. Devant les yeux d'un Allen médusé et dégoûté, il prit temporairement le contrôle de la masse prodigieuse de pouvoir qu'il était entrain de créer. D'un effort qui lui parut quasi surhumain, le jeune homme fit tomber son membre à la verticale et la foudre frappa. Elle s'écrasa sur la porte dans un flash aveuglant et en provoquant un fracas qui fit trembler la cellule où le trio était confiné. 

A peine eut-il achevé qu'Allen et Road se ruèrent en direction des deux versants en métal. Se servant de leur force prodigieuse, il parvinrent à décoller les deux versants de l'entrée et à libérer l'accès vers le petit couloir qui menait à la pièce convoitée. Le grincement des mécanismes et les bruits qui retentirent alors laissèrent entendre que la machinerie complexe était cruellement endommagée par le processus. Il n'y avait plus aucune chance que l'entrée se referme derrière eux. Road exulta en voyant le visage déconfit et transis de colère que lui adressait Allen, elle se tourna doucement pour regarder dans quel état se trouvait Dante.

Les visions d'horreur l'avait quitté et, désormais, le jeune homme était recroquevillé à terre tenant faiblement son bras droit brûlé. Celui-ci laissait faiblement échapper une fumée blanche peu ragoûtante signe inéluctable de la disparition brutale de ses chairs. Elle s'approcha ainsi de lui et lorsqu'il la vit, son expression se cristallisa entre incompréhension et colère. Il serra les dents et fini par prendre la parole tentant de maintenir son esprit dans un calme approximatif.

- Qu'est-ce que tu m'as fait... ? Qu'est-ce que c'était... ? Demanda-t-il, contenant ses pulsions les plus primitives, ces dernières lui intimant de saisir la gorge à sa portée pour la serrer sans discontinuer.

- Je t'ai montré une partie de mon univers. Lui dit-elle simplement, l'air désolé.

- Tu m'as manipulé ! 

- Non. Je t'ai montré une vérité nue et objective. Un constat factuel d'une réalité qui ne me quitte pas et qui ne te quittera bientôt plus. On obtient rien... sans rien. Protéger, aider, secourir. Ces choses bien nobles n'excitent pas le Venom assez vite pour donner de vrais résultats. Il n'y a qu'en exhortant sa colère et sa haine que l'on obtient ce que l'on désire.

- C'est une logique erroné. Tu as vu dans quel état il est ? La coupa Allen, approchant à son tour. Cette façon de penser, héritée du Corbeau, fait de vous des machines à tuer. Des loups solitaires, galvanisés aux pulsions primitives de rejet et de dégoût. Vous n'êtes presque plus humain.

- Qui es-tu pour juger ? Toi qui te complaît dans la perte constante ? Crois-tu que les préceptes Fantômes sont meilleurs ? Au moins, ma façon de faire à fonctionné.

- A quel prix, Road ? Allen se planta face à elle, la toisant et la dominant sans pour autant parvenir à entamer sa détermination. Elle le fixait, implacable.

- Pas le temps pour ça... vous me devez chacun une explication et je finirai par l'avoir. Pour l'instant, on devrait se focaliser sur Jaëger. Conclut Dante en se relevant, aidé malgré lui par Road visiblement touchée par son état. Le jeune homme s'interrogea sur ses véritables motivations.

Évitant, via ces quelques mots, que leur discussion dégénère, Dante soutenu par sa partenaire suivi Allen qui avait pris les devants. Ils franchirent le maigre couloir menant à la salle de commandes de Jaëger et furent bientôt en mesure de pénétrer dans celle-ci. L'endroit s'illumina doucement, des néons en forme de cercle disposé au sol s'allumèrent tandis que divers consoles s'animaient à leurs tours tout près d'eux. La pièce se présentait comme un carré froid et noir pourvu de multiples appareils de contrôles, d'ordinateurs et d'écrans en tout genre. Au fond de la salle trônait un écran plus imposant que les autres. Devant lui, un siège visiblement inutilisé depuis des lustres ainsi qu'une console où plusieurs boutons et claviers se disputaient le peu d'espace disponible.

Avançant, ils se stoppèrent lorsqu'un hologramme orangée apparut devant eux. L'avatar de Jaëger leur fit alors face. Dante ne nota aucun changement dans son apparence. Bientôt, la voix métallique s'éleva.

- Vous n'auriez pas dû venir ici. La suite est inéluctable.

Hellions : partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant