Strasbourg, 10 août 1943.
Severus, le menton posé sur le dos de ses mains jointes, était plongé dans ses pensées. Autour de lui, Hermione s'activait pour ne pas laisser son cerveau vif assembler des idées sans lui octroyer le moindre répit. Elle nettoyait des vitres déjà propres, rangeait des livres déjà parfaitement à leur place, astiquait des verres jusqu'à les abîmer. Peine perdue.
— C'est risqué, finit-elle par déclarer.
— Vous venez de passer deux heures pour en déduire cela ? Voilà qui me déçoit de vous, mademoiselle Granger !
Hermione pinça les lèvres, un chiffon entre les mains. L'oisiveté de son aîné avait fini par l'agacer, mais elle détestait encore plus qu'on remette en question son intelligence, chose qui se produisait dès qu'elle avait le malheur de se trahir. Une femme n'avait pas à discuter de politique ou de guerre, elle se devait de servir le foyer, d'élever les enfants et de protéger les siens dans l'enceinte close de la maison. Ce qui se tramait à l'extérieur ne la regardait en rien, même lorsqu'il s'agissait de résister. Il s'agissait du moins de la pensée de la majorité des hommes, en temps de guerre ou non. La pensée n'évoluait pas, au grand désespoir d'Hermione.
— Ce que vous pouvez être désagréable, grinça-t-elle, à l'intention du grossier personnage qu'elle avait fini, néanmoins et secrètement par apprécier.
— Vous n'avez pas fait appel à moi pour ma sympathie, que je sache et je suis sur le point de remplir mon rôle. Contentez-vous de me remercier.
— Je vous en prie, encore un mot sur ce que je suis supposée faire et je vous mets à la porte, plan de sauvetage ou non !
— Dois-je vous rappeler que cette demeure ne vous appartient pas ? renchérit Severus, de sa sempiternelle voix doucereuse.
Il était aussi vif d'esprit que pouvait l'être Hermione et leur conversation ne laissait qu'un bref temps de réflexion. Ils intervenaient sans attendre et la jeune Alsacienne avait enfin trouvé une adversaire à sa taille. Elle envoya son torchon dans la figure de Severus avec le même entrain qui avait porté les fondements de cette discussion. Ce geste eut raison de son sérieux et de sa colère. Un rire lui échappa, plus nerveux que sincère. Le chiffon retomba au sol, aux pieds du plus âgé, dont l'expression sombre ne laissait rien augurer de bon.
— Je vous laisse exactement cinq secondes pour vous excuser, mademoiselle Granger, après quoi, je vous...
— Qu'est-ce que vous me ferez ? Vous n'êtes pas mon époux, vous n'avez pas le droit de lever la main sur moi, argua Hermione, qui venait de retrouver tout son panache, les cheveux ébouriffés sur le haut de son crâne.
Severus pâlit encore, les mains posées à plat sur la table. Il paraissait prêt à bondir et à faire taire de ses mains l'insolente. La tension qui les séparait était le fruit de l'inquiétude plus que de véritables différends, bien que le caractère affirmé d'Hermione ne s'associe pas toujours à celui de l'homme.
— Qui vous protégera si je décide de vous gifler ? Je n'ai pas à être votre mari pour cela. Nous sommes en guerre, la police a mieux à faire que de s'occuper d'affaires aussi misérables. Eh oui, mademoiselle, vous pouvez vous lamenter : le monde est cruel et il n'a pas attendu la guerre pour le devenir !
Il parvint à clouer le bec à Hermione l'espace d'une minute. Une minute durant laquelle elle l'observa d'abord bouche-bée, puis reprenant lentement le contrôle de la situation. Elle finit par assumer, avec moins d'assurance que tantôt :
— Vous n'êtes pas ce genre d'hommes, même si vous essayez de vous en donner l'allure.
— Oui, vous avez raison. Je ne le suis pas.
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Cueillir les étoiles
FanfictionLe 1 septembre 1939, le second conflit mondial éclate. Deux idéologies s'opposent et s'affrontent avec pour unique objectif l'anéantissement ennemi. Quelques mois seulement après le début des combats, la France accuse une cuisante défaite. L'Alsace...