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Belfort, 8 octobre 1940.

La nuit était tombée.

Draco s'ennuyait toujours, avant comme après le coucher du soleil. Il attendait le retour d'Harry. Le Français l'avait prévenu, dans un élan d'amabilité, qu'il ne le rejoindrait pas avant une heure tardive. Sans autre précision, il avait abandonné son amant comme pour lui rappeler qu'il possédait un sens concret à son existence. L'Allemand aurait presque pu y déceler une infime provocation derrière l'entrain de son cadet à quitter les lieux, la démarche assurée et la motivation intacte.

Dans cette journée, tout aussi morose que les précédentes -Draco haïssait la perspective d'attendre le retour du juif avec tant d'impatience-, il s'était même résigné à rendre visite au directeur dans son bureau. Severus lui avait sifflé de fermer la porte, répétant son éternel discours sur la prudence et sur le danger. Ses yeux obsidiennes sondaient ceux, d'un gris orageux, de son filleul, comme pour y récolter la raison de sa visite.

Allongé sur le matelas dur, les yeux fixés sur le plafond fraîchement peint, Draco voyait se rejouer dans son esprit tous les détails de cette altercation

—Eh bien, Draco, ce Potter a fini par venir à bout de ta patience ?

—Non, parrain. Potter est encore en vie, et fidèle à lui-même, j'imagine que cela en dit long.

Severus avait opiné, très lentement, le menton reposant entre ses doigts noueux. Le plus jeune cachait jalousement le moindre détail de la relation entretenue avec son amant. Ainsi, le directeur demeurait certain que les deux hommes se supportaient à peine. Du moins, c'était là ce que pensait Draco.

—Je m'ennuie. Je m'ennuie comme un rat crevé.

—Ton langage, Draco.

—Enfin, parrain ! Je passe mes journées enfermées ici, je ne sors que pour me promener. Ce quotidien n'est simplement pas supportable !

—Ici, tu es en sécurité.

L'intéressé bougonna une réponse inintelligible. Severus ne ploya pas le genou, trop habitué aux caprices du blond pour y céder. Il rétorqua, haussant un sourcil, prouvant que le plus jeune ne pouvait remporter la partie face à un adversaire de sa trempe :

—Qu'attends-tu de moi ? Je consacre assez de temps à diriger à la fois cette école et votre comportement enfantin pour ne pas encore m'encombrer à te choisir des activités quotidiennes. Pour qui me prends-tu ?

—Pourtant, tu es assez libre de votre temps pour t'imposer une obligation supplémentaire, parrain.

—Je n'apprécie pas les sous-entendus, Draco. N'oublie pas que tu vis sous mon toit, et que je meure d'envie de renvoyer Potter chez lui.

Severus vit son filleul déglutir péniblement et il sut qu'il venait de toucher une corde sensible. Cela l'amusait, les efforts que le jeune adulte employait à masquer le trouble qui était le sien.

—Potter m'a parlé de toi, l'autre jour.

Le directeur haussa un sourcil.

—Il m'a parlé de toi... et de ceux qui agissent contre le Reich.

—Et que t'a-t-il dit à mon sujet ? l'encouragea l'homme, sans marquer le moindre malaise.

—Que tu aides ces résistants. Que tu fais même davantage que les aider, souffla Draco, à la manière d'un aveu.

—Assieds-toi, Draco.

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant