Strasbourg, 16 juillet 1943.
Draco s'était précipité jusqu'à atteindre l'humble demeure, celle qui lui avait été attribuée il y avait fort longtemps et qu'il considérait comme la sienne. Le souffle court, l'allure rapide à laquelle il traversait les rues entravait ses réflexions et toute trace de culpabilité. Un répit prodigué par l'adrénaline, cette essence produite par son corps qu'il bénissait en silence, dans sa course effrénée.
Emporté par son élan, il manqua de se heurter à la porte fermée. Ses mains frémissantes peinèrent à saisir la clé et cette dernière émit un son caractéristique, mais hésitant à l'instant où elle se fraya un passage dans la serrure. La sueur, malgré les chaleurs moins accablantes du soir, inondait le visage du blond qui fit irruption dans l'entrée. Immédiatement, comme sentit appelé par tant d'agitation, l'ombre d'Harry se dessina à l'angle du couloir, au beau milieu de l'escalier.
— Draco ?
L'intéressé avala une rasade d'oxygène avant même de songer à répondre. Son cerveau en avait cruellement besoin et ses membres paralysés par l'effort ne lui répondaient plus avec le même dévouement.
— Draco ? Draco, qu'y-a-t-il ?
Harry sauta en bas des escaliers plus qu'il ne dévala les marches. Ses sourcils sombres soulignaient un regard déjà cerné par l'inquiétude. Voir son amant dans un pareil état était loin d'être courant et cela suffisait amplement à raviver sa crainte. Il s'approcha doucement, comme on pénétrerait dans l'enclos d'un animal souffrant et potentiellement dangereux. Draco mordait au contact de la douleur et le Français le savait mieux que quiconque.
— Tu es... blessé ?
— N-Non. B-Blaise a été...
— Il a été quoi ?
— Arrêté. Il a été... arrêté.
Harry ouvrit grand la bouche comme un poisson privé d'air. Ce qui avait mis plusieurs secondes à atteindre son amant une heure plus tôt se présenta à lui comme une évidence. Il réagit vite et avec une redoutable efficacité, à la manière de celui qui concevait déjà l'impossible issue :
— Je vais chercher Mione, elle est à l'étage. Toi, vas dans la cuisine, sers-toi un verre d'eau et calme-toi. Je reviens tout de suite.
Et il fila. Il remonta les escaliers quatre à quatre et abandonna son aîné à son désespoir. Celui-ci obéit sans réfléchir, plus par réflexe que par nécessité. Il se laissa choir sur la chaise, tout son corps comme désarticulé. Certains lui reprocheront sans doute de dramatiser la situation à l'extrême, mais lui percevait l'avalanche désastreuse de conséquences dont résultait cet acte. Il ne pouvait pas se permettre de prendre publiquement la défense de Blaise, son emploi en serait compromis et, pire que cela, son père en serait immédiatement informé. Draco n'était pas dupe au point d'ignorer la surveillance accrue que Lucius avait déployé, le moindre écart de conduite ne passerait pas inaperçu. Le contrôle se relâchait de jour en jour, l'inquiétude de son géniteur envers le comportement de son héritier se faisant moins extrême. Il ne pouvait s'empêcher de penser au jour où son paternel découvrirait ce secret... Alors, les conséquences seraient incontrôlables !
Draco leva ses yeux du verre d'eau qu'il s'était servi, et auquel il avait à peine touché, dès qu'Harry pénétra dans la pièce. La lampe qui l'éclairait ne suffisait pas à palier l'obscurité grandissante du soir et Hermione se détacha du sillage de son ami pour se planter face à l'Allemand. Avant même de prononcer le moindre reproche, elle lui ordonna :
— Bois !
— Réflexe de médecins, j'imagine, bougonna Draco, non sans tremper ses lèvres dans le liquide glacé.
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Cueillir les étoiles
FanfictionLe 1 septembre 1939, le second conflit mondial éclate. Deux idéologies s'opposent et s'affrontent avec pour unique objectif l'anéantissement ennemi. Quelques mois seulement après le début des combats, la France accuse une cuisante défaite. L'Alsace...