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Belfort, 11 janvier 1944.

Ni Harry ni Blaise n'avaient entendu les échos de la dispute tardive de la veille. Hermione avait émergé de sa chambre aux aurores, le visage défait, mais étrangement digne. Elle avait pris un petit-déjeuner plus copieux que ceux qu'ils se permettaient à Strasbourg et avait rechigné à répondre aux salutations des deux hommes. Ron, quant à lui, était apparu plus tard et son irruption dans la pièce qui servait de réfectoire ne lui attira aucun regard de la part d'Hermione. Celle-ci l'ignorait de toute sa superbe, les lèvres trempées dans le café amer qu'elle buvait à petites gorgées, davantage pour se réchauffer et pour s'occuper les mains que par goût pour la boisson amer.

L'ambiance en devint électrique et Harry interrogea Blaise du regard en constatant que son meilleur ami fuyait ses œillades répétées. Ron ne s'attarda pas et, avec un aplomb qu'aucun ne lui connaissait, il énonça :

— Dumbledore a à vous parler. Il vous attend dans son bureau.

— Nous parler ? répéta Blaise, lentement, un épais pli rejoignant presque ses sourcils épais.

— Vis-à-vis de quoi ? renchérit Harry, sans laisser le loisir à Ron de darder un regard assassin sur le métis.

— Il veut vous rencontrer.

Harry sut que ce n'était pas simplement une interaction de courtoisie et il ignorait encore à quel point il avait vu juste. Ron demeurait évasif, par manque de coopération ou parce que le pouvoir qu'il détenait, ce mystère distillé avec brio, lui plaisait particulièrement, son meilleur ami n'en était pas certain. Hermione ne réagit pas et seule la succession de battements de cils trahit son humeur exécrable.

— Maintenant ?

— Il vous attend.

Hermione accrocha par mégarde le regard de Blaise qui semblait lui demander, en silence, si tout allait pour le mieux. Elle acquiesça brièvement et se leva, faisant grincer sa chaise sous son geste impulsif. Harry déposa sur elle une œillade surprise. Que lui arrivait-elle ? Serait-ce la présence perturbatrice de Ron qui la rendait aussi fébrile ? Toutes les attentions se centraient sur la jeune femme et, dans un rougissement à mi-chemin entre la colère et la gêne, elle déclama :

— Eh bien, allons-y. C'est impoli de faire patienter son hôte.

Harry leva les yeux au ciel. Là, il reconnaissait la Hermione Granger habituelle et, pour cette seule et unique raison, il se leva sans discuter et lui obéit. Blaise suivit sans rechigner et Ron joua les rôles de guide improvisé. Harry retrouvait l'école d'autrefois et l'idée qu'il découvrirait bientôt le visage d'un autre homme à l'endroit où Severus s'installait le paralysait d'effroi. Les mois ne l'avaient pas soulagé de l'idée de sa mort ni même des circonstances de sa disparition. Ses nuits étaient hantées par le souvenir de cet homme juste et par la figure de Nott, bien plus terrifiante. Malgré son indifférence feinte, Harry se révélait bien plus marqué par les événements qu'il le montrait et d'ailleurs, le silence forgé d'autorité autour de ce qu'ils avaient subi, Blaise et lui, leur permettaient de se reconstruire en silence. Jamais les deux hommes n'avaient abordé le sujet ensemble et si le métis ne trahissait aucun traumatisme, Harry se doutait que la vérité était toute autre. Nul ne sortait indemne d'une captivité telle que celle qu'ils avaient subie, même un homme habitué aux rudes traitements de ses contemporains.

Ron marcha sans un mot et, n'y tenant plus, son meilleur ami brisa lui-même le silence qui régnait :

— La situation ici, elle n'a pas trop changé depuis...

— Depuis la mort de Severus ? Non, Dumbledore est moins sévère et il est efficace. Le reste, la manière dont il gère ses affaires, ça ne nous regarde pas.

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant