Strasbourg, 25 août 1940.
Harry ferma les yeux, savourant ce baiser volé qu'il savait éphémère. La pression des lèvres fines de Draco contre les siennes affolait les battements de son cœur. Sa main se porta, légère, presque aérienne, jusque dans les mèches fines de l'Allemand. La soie des cheveux blonds glissaient entre ses doigts et il se délecta de ce contact destiné à ne durer qu'un instant.
Draco ne souffrit aucun mouvement de recul. Au contraire, il s'abandonna à la douce caresse de son vis-à-vis. Il n'était plus l'ennemi à abattre. Le sale Français qu'il valait mieux mépriser pour les supposées erreurs de ses ancêtres. Le putain de juif, cet être inférieur qui ne serait jamais plus qu'une saleté accrochée à sa botte. Non, il ne s'agissait plus que d'Harry, et de ce baiser étourdissant et spectaculaire qu'ils venaient de partager.
Le médecin lui échappa, comme dans un accès de raison. Sa main délaissa la délicate chevelure de l'aristocrate pour atteindre nerveusement le rebord de la fenêtre, à nouveau. Il s'apprêtait à se détourner, incapable de supporter un nouveau rejet aussi brutal que le dernier. Mais Draco n'en fit rien, il attrapa le menton du Français entre son pouce et son index pour lui imposer sa présence. Il l'empêcha, par ce geste, d'ignorer ses responsabilités ou même de les fuir. Le blond quémandait une sincérité désarmante que l'autre n'était pas prêt à lui offrir.
—Hé, murmura-t-il.
Harry sourcilla, décontenancé. Un frisson venait de parcourir son épiderme tandis qu'il plongeait un regard absinthe dans celui de son homologue. Il s'humecta sensiblement les lèvres, y goûtant la saveur du plus âgé sur la pulpe délicate.
—Ne dis rien, je te le demande, articula-t-il, trop rapidement pour sembler détaché.
—Tu as peur, Potter ? railla l'autre, un sourire discret dans la voix.
Draco jouissait de l'emprise qu'il détenait sur son cadet. Il le dévisageait avec un intérêt non feint, comme s'il tentait de résoudre par là un mystère de la nature. Comment une telle attirance était-elle née ? Comment quelque chose de ce type avait-il pu se produire ? Il posait un regard moins acerbe sur l'objet de son inacceptable faiblesse. Que devait-il faire ? La repousser avec une violence renouvelée ? Ou braver les interdits et la peur de l'inconnu ?
—Harry, rectifia le principal concerné, comme de quelque chose qui lui tenait particulièrement à cœur.
—Harry, répéta Draco, docilement.
Ledit Harry déglutit avec difficulté. Sa fierté lui criait de demeurer impassible à l'atmosphère lourde de sens qui s'installait. Il n'était plus question pour lui de regagner le domicile, ou même de quitter cette planque clandestine. Non, pour bien des raisons, il passerait la nuit ici, quoi qu'il se produise.
Draco observait son vis-à-vis depuis les quelques centimètres qui le rendaient supérieurs à celui-ci. Il semblait se soulager d'une partie du masque que son visage portait en toutes circonstances. L'impassibilité laissait place à la sensibilité que l'on avait souvent confondu avec de la faiblesse. Peut-être n'était-ce qu'un signe d'humanité ?
—Je... Nous... balbutia le Français, se maudissant pour le manque d'assurance dont il faisait preuve.
—Oui ?
—Tout ceci, c'est...
—Quel est le terme employé en médecine ? Le même que nous, allemands, utilisons, je me trompe ?
Harry déglutit. Le ton n'avait pas été désobligeant et ne faisait que mettre en lumière une pénible vérité. L'inversion n'avait rien d'une normalité, alors pourquoi cela lui semblait si naturel ? Malgré ses beaux discours, le médecin ne pouvait masquer l'importance qu'il donnait aux propos de la science. Sa main trembla lorsqu'il remit en place ses lunettes dans un mouvement hésitant. Où était passée son air bravache et le courage des beaux jours ? Il parvint à articuler, non sans mal :
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Cueillir les étoiles
FanficLe 1 septembre 1939, le second conflit mondial éclate. Deux idéologies s'opposent et s'affrontent avec pour unique objectif l'anéantissement ennemi. Quelques mois seulement après le début des combats, la France accuse une cuisante défaite. L'Alsace...