Prologue

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 Munich, 20 janvier 1940.

La musique légère et entraînante envahissait la pièce, menant les corps à se mouvoir sans penser, d'un naturel désarmant. Les accords de violon et de piano se mêlaient à l'effervescence délicate de l'aristocratie allemande. Les assiettes de cristal débordaient de mets rares en cette période de guerre. Rien ne laissait suggérer la privation en ce lieu où les corps et les esprits jouissaient d'une allégresse peu commune.

Draco Malfoy pénétra dans la pièce, son regard inexpressif balayant les visages sans se sentir affecter par cette vaste exaltation. Il ne ressentait rien, rien de notable au contact de cette riche assemblée. En vérité, cela l'indifférait entièrement.

A son bras, une jeune femme se tenait bien droite. Souriante, elle ne cachait en rien sa fierté d'apparaître ainsi, aux côtés d'un homme riche. De quoi faire pâlir de jalousie toutes les autres bourgeoises présentes.

Draco se fichait pas mal de tout cela. Elle n'était, à ses yeux, qu'un énième pantin pendu à ses lèvres, un objet dont il ne tarderait pas à se lasser. Il ne connaissait même pas son nom et son beau visage n'attira pas un seul instant ses prunelles aux couleurs de l'acier. Son attention instable n'accrochait aucune des silhouettes féminines qui riaient aux éclats à deux pas de lui.

L'atmosphère festive lui donna des vertiges et il détesta son père pour l'avoir forcé à se rendre en ces lieux afin d'y faire bonne figure. La réputation était importante pourtant, et il le savait mieux que personne. Hitler n'était pas présent mais de grands représentants du régime participaient aux festivités. Aucun écart de tenue ou de comportement ne serait toléré et chaque invité veillait à profiter de leur soirée sans jamais enfreindre les règles. Epinglé sur leur poitrine, la croix gammée se distinguait très nettement.

Draco jeta un rapide coup d'œil derrière son épaule. Simple réflexe qui lui permit de constater la présence de son meilleur ami, Blaise Zabini, légèrement en retrait. Le visage fermé, il réagit à peine à la brève œillade du blond. Il était tendu, sur le qui-vive, prêt à subir toutes sortes de bravades. La couleur de peau lui conférait un statut inférieur à tous les occupants de cette pièce. Le mépris se lisait sur chaque visage lorsque leurs regards venaient s'échouer sur ses traits qui semblaient taillés dans du bronze. Une beauté exotique qui attisait pourtant le dégoût de cette élite allemande.

Ils se mêlèrent ainsi à la foule sans jamais se perdre du regard. Une coupe de champagne à la main, ils jaugeaient le terrain hostile où ils se trouvaient. Certaines personnalités éveillaient une familiarité là où d'autres ne leurs inspiraient rien que l'indifférence. L'indifférence face à cette ivresse incompréhensible en écho à celle qui menait ces hommes à profiter de leur statut alors que leurs semblables mouraient à l'extérieur.

Les couples dansaient et dansaient encore, ne s'arrêtant que quelques instants pour reprendre cette course effrénée avec une inépuisable énergie. Draco accorda un moment à sa partenaire du soir, disparaissant au milieu des corps qui se mouvaient sur les délicats sons de l'orchestre.

Quelques minutes suffirent à le lasser et il distingua Blaise qui quittait la pièce, s'éclipsant avec sa discrétion habituelle. Le blond se pencha à l'oreille de la jeune femme dont les longs cheveux bruns caressèrent son visage fin. Il murmura, au milieu de la cacophonie environnante :

—Je sors une minute. Ne m'attendez pas.

Il ne lui laissa aucune chance de protester, relevant à peine la déception sur ses traits. Il l'accompagna jusqu'à une table afin de faire bonne figure et tourna les talons. L'air frais et pur de la nuit le frappa comme un second souffle de vie. Un soulagement intense qui le prit au cœur.

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant