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Strasbourg, 4 juillet 1940.

Draco se tenait à son bureau, pensif. Une pile de dossiers se dressait face à lui, penchant dangereusement vers le vide.

Il était fatigué et s'efforçait malgré tout de nier les déboires de son corps dont les réflexes se voyaient amoindries. Une pièce entière lui était réservée, mais il n'était pas question pourtant de dormir alors que le travail affluait en grande quantité. Il y avait tellement à faire, tellement à organiser, que le sommeil se révélait totalement secondaire.

Il étouffa un bâillement avant de se décider à prendre une pause. L'heure était tardive et les couloirs presque entièrement déserts. Il glissa son visage hors de la petite pièce avant de sortir véritablement, le menton haut et l'expression neutre. Ses cernes demeuraient discrets et l'homme feignait une énergie factice.

Il ne rencontra personne et se prépara un café non sans difficulté. N'ayant pas pour habitude de préparer le breuvage lui-même, l'initiative lui prit près d'un quart d'heure. Une fois la boisson chaude entre ses mains, il en but une longue gorgée et soupira. Le calme du bâtiment, pourtant situé en plein centre de Strasbourg, le soulageait.

Cela faisait près d'une semaine qu'il avait mis les pieds en Alsace et le mal du pays ne lui avait jamais paru si vivace. Sa mère lui manquait affreusement, tout comme Blaise et tout ce qu'il avait abandonné derrière lui. Munich tout entier lui hurlait de revenir sur ses pas.

Pourtant, Draco résistait bravement à cet appel, veillant à ne rien montrer de sa faiblesse. Il en avait honte et déplorait secrètement la blessure qui se formait au niveau de son cœur. Que dirait son père s'il se trouvait à ses côté ? Il ne manquerait pas de blâmer les sanglots que son fils ravalait chaque jour et cette douleur incompréhensible.

—Malfoy ! le héla une voix grave juste derrière lui.

L'interpellé ravala un sursaut et se retourna lentement, son café brûlant toujours entre ses mains. Un homme mesurant près d'une tête de plus que lui se tenait face à lui, parfaitement éveillé. L'Allemand s'enquit, de son éternelle voix traînante :

—Un problème, Goyle ?

—On en a un qui traînait dans les rues après le couvre-feu.

Draco sourcilla un court instant. Ce n'était pourtant pas si étonnant et si la plupart des Alsaciens préféraient faire profil bas et ne pas provoquer l'envahisseur, certains s'obstinaient à résister contre les quelques règles déjà mises en place. Une petite dizaine de jeunes gens avaient déjà été arrêtée et cette perceptive ennuyait grandement le blond qui envisageait seulement de rejoindre ses appartement pour s'octroyer un repos bien mérité.

—Bien. Amène-le-moi immédiatement.

—Je vais le chercher.

Draco finit son café non sans grimacer face à la brûlure du breuvage. Il chercha l'énergie suffisante pour affronter à un énième révolté, un de ces visages hargneux qui crachaient contre les nazis et contre le régime imposé. Ils finiraient bien par s'y faire, c'était tout ce que l'officier pouvait espérer dans un tel état de fatigue.

Un court instant plus tard, Goyle pénétra dans la pièce, un jeune se débattant mollement à ses côtés. Draco ne le dévisagea pas immédiatement, passant d'abord négligemment sa main dans ses cheveux presque blancs. Il croisa alors un regard vert, empli d'une haine non-contenue. Un regard qu'il était certain d'avoir déjà rencontré et qui lui sembla étrangement familier. Conservant son visage inexpressif, il détailla l'homme qui se tenait face à lui. Il redécouvrit ses cheveux en bataille et l'intelligence qui brillait dans ses orbes. Se privant de la moindre remarque, l'Allemand énonça calmement :

—Dans mon bureau, Goyle.

L'intéressé opina tel un automate et emboita le pas à son supérieur, tenant le jeune adulte dans sa poigne solide. Il ferma la porte derrière lui avant que Draco ne se retourne dans sa direction, toisant le garçon qui s'agitait sans but. Il articula, lentement :

—Tu peux sortir, je m'occupe de lui.

Goyle fut pris d'un moment d'hésitation qui n'échappa pas au regard acéré du blond. Campé devant son bureau, il siffla :

—Je t'appellerai quand j'en aurai terminé avec lui.

Sans protester davantage, le soldat disparut, laissant seul les deux hommes. Le plus petit tentait de garder une certaine contenance, toisant aussi méchamment que possible son vis-à-vis. Une seconde passa, puis une deuxième et une troisième sans que ni l'un ni l'autre ne comble le silence désagréable qui s'était installé.

Finalement, Draco se décida à s'assoir tranquillement à son bureau, abandonnant le fautif au beau milieu de la pièce. Installé devant sa machine à écrire et s'adressa à l'autre, d'une voix aussi froide qu'imaginable :

—Nom ? Prénom ?

Aucune réponse ne lui parvint. L'homme serra la mâchoire, comme obstiné à ne laisser échapper aucun son. Cela ne fut pas du goût de l'Allemand qui reprit, plus fortement :

—Je ne me répèterai pas trois fois alors je te conseille de répondre. Nom ? Prénom ?

Cette fois, il frémit légèrement, comme rattrapé par l'aura impressionnante de son homologue. Ce dernier se leva d'un bond, faisant grincer sa chaise sur le sol avant de s'élancer vers le plus jeune. Les grands yeux de celui-ci s'agrandirent de peur lorsque Draco empoigna son col jusqu'à presque le soulever de terre. Leurs visages à quelques centimètres à peine l'un de l'autre, le blond susurra, intérieurement satisfait de l'angoisse qui lui faisait face :

—Maintenant, tu vas arrêter de jouer à l'imbécile. Il est tard et j'ai mieux à faire que materner un type comme toi. Tu veux que je te foute en prison ? Ou pire encore ? Si tu ne réponds pas vite, il se pourrait que je me montre bien moins indulgent.

Si le garçon fut surpris de la maîtrise parfaite de la langue dont pouvait se vanter l'officier, il ne sut que relever le fort accent qui s'en dégageait dans un silence toujours total. Pour la première fois, il venait de lui adresser une parole française et si Harry connaissait quelques mots d'Allemand, l'usage de sa langue maternelle mêlée à la puissante aura de son aîné ne put le laisser indifférent plus longtemps. Il déglutit avec difficulté, la bouche soudain sèche. Il balbutia, abandonnant toute idée de résistance mal placée :

—Harry. Je m'appelle Harry Potter.

—Ce n'était pourtant pas si compliqué, cracha Draco, tout en reprenant sa place à son bureau. Tu vas répondre à mes questions sans faire d'histoires et je verrai ce que je fais de toi après.

Calmement, il tapa le nom du fautif qui tentait de ne pas perdre entièrement la face. Celui-ci passa une main tremblante dans ses cheveux humides et en bataille, se maudissant pour son imprudence. Lui qui ne souhaitait pas se retrouver entre les mains de l'envahisseur se retrouvait face à un agent SS des plus redoutables. Pouvait-il imaginer pire scénario ? Que dirait Hermione en apprenant la nouvelle ?

Au bout d'une longue minute, Draco releva les yeux et planta ses orbes acier dans les prunelles d'Harry. Ce contact visuel ne dura qu'un temps, une seconde qui s'éternisa jusqu'à laisser une trace indélébile.

L'Allemand se racla sensiblement la gorge, pleinement conscient de la peur qu'il attisait chez son homologue qui tentait vainement de paraître impassible. Cela amusa grandement son aîné qui, à fleur de peau, manquait grandement de patience. Il lança alors, se délectant de la réaction de son cadet :

—Alors, tu peux me dire ce que tu fichais à l'extérieur après le couvre-feu ?


Une première vraie rencontre pas très concluante.

Entre un Draco qui a perdu ce qu'il lui restait de patience et un Harry qui veut jouer les durs, on peut dire le cocktail est explosif !

Le prochain chapitre est dans la continuité de celui-ci. Draco n'en a pas fini avec ce pauvre Harry qui n'échappera pas à ce qui lui est réservé. 

Sur ce, je vous souhaite une excellente semaine ~


Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant