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Strasbourg, 28 août 1940.

Severus pénétra dans l'antre avec l'ombre d'un sourire satisfait au cœur des lèvres. Il se réjouissait de la mine déconfite du fils de James Potter. Sceptique, il détailla les lieux avant de se rendre à l'évidence, son filleul avait bon goût. L'ensemble était rustique, mais élégant et avait certainement appartenu à une famille juive aisée quelques mois plus tôt.

—V-Votre filleul doit être dans la chambre à l'étage. Attendez-moi ici, je vais le chercher.

—Non, je vous y accompagne.

Harry pinça les lèvres, masquant très mal l'agacement qui s'éprenait de lui. Pour qui se prenait cet homme pour oser s'adresser à lui d'une telle manière ? Il obtempéra malgré tout, à contre cœur. Ils gravirent les quelques marches qui les menèrent à l'étage, avant de traverser le couloir. Le juif s'arrêta face à la porte et, sans accorder le moindre regard à ce visiteur mal venu, il toqua trois coups.

—Entre.

Severus reconnut la voix de Draco, bien qu'étouffée par l'épaisse porte qui les séparait. Il conserva son inexpressivité même lorsqu'il passa le seuil, s'imposant à la vision du patient. Le jeune aristocrate ferma sèchement le livre qui absorbait, quelques instants plus tôt, son attention. Un froncement de sourcils perturba le visage du garçon qui articula, sans trop y croire :

—Severus...

—Bonjour Draco.

Devant le mutisme hébété de l'intéressé, l'autre reprit, d'une voix à la fois dégagée et grave :

—Je te pensais plus mal en point que cela.

—J'ai eu droit à d'excellents soins, tempéra le blond, accordant un regard en biais pour Harry.

—C'est ce que j'ai cru comprendre, renchérit Severus, insistant sur chaque syllabe.

Le médecin en question déglutit péniblement, haïssant la tournure dangereusement que prenait la conversation comme celui qui venait de l'agencer. Au supplice, il octroya un regard à Draco qui lança sans attendre, à l'égard de son parrain :

—J'ignorais ta venue. Comment as-tu su ?

—Parce que tu penses réellement pouvoir me cacher quoi que ce soit, ironisa Severus, toujours sur le pas de la porte.

Il savourait l'effet produit. En réalité, il ne faisait que blâmer le jeune homme pour son silence de plusieurs mois. Pour son silence après ce qu'il avait subi. Pour ce semblant de trahison. D'apparence inébranlable, il reprit, susurrant ces mots :

—Pourrait-on discuter de tout ceci en privé, si cela ne t'ennuie pas ? Pas que la compagnie de ton ami me soit désagréable, mais je ne souhaite pas communiquer certaines informations qui nous seraient... personnelles.

—Je ne risque pas de vous balancer aux autorités, si c'est le problème, grinça Harry.

—Oh, je n'en doute pas. Un juif volant au secours d'un boche et qui, pour se faire, trahirait les siens, n'y verrait aucun intérêt.

Le juif en question se rembrunit, s'apprêtant à hurler à ce malotru tout ce qui pouvait bien lui passer par la tête, injures comprises, lorsque la voix de Draco le retint :

—Ne fais pas d'histoires, Harry.

—Quoi ? s'insurgea le susnommé.

—Sors, s'il te plait.

Le médecin défia son patient encore quelques secondes avant de se résigner. À peine conscient de son comportement purement puéril, il quitta la pièce pour claquer la porte derrière lui.

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant